Le rapport de la commission Bronner intitulé « Les Lumières à l’ère numérique » a été rendu à Emmanuel Macron le 12 janvier 2022. Lancée le 29 septembre dernier, la commission a eu trois mois pour proposer « une série de propositions concrètes dans les champs de l’éducation, de la régulation, de la lutte contre les diffuseurs de haine et de la désinformation ». Dans la ligne de tir de Gérald Bronner, sociologue expert du complotisme et à la tête de la commission, les fake news et leur propagation sur les réseaux sociaux.
Comment fonctionne la désinformation en ligne ?
La désinformation a toujours existé, mais cette dernière prend un nouveau visage depuis plusieurs années avec l’arrivée d’Internet et l’explosion des réseaux sociaux. On l’a bien vu pendant la crise sanitaire : discours complotistes, théories anti-vaccin, arme biologique créée par la Chine…. Les fake news sur le covid-19 se sont multipliées et continuent de prospérer.
Le rapport Bronner liste donc trois causes majeures à la désinformation en ligne. D’abord, les logiques algorithmiques qui identifient et classent les utilisateurs selon leur âge, classe sociale, couleur de peau, profession, genre, préférences politiques… La liste est longue. Le but de ces algorithmes : proposer du contenu publicitaire aux usagers d’Internet selon leurs préférences, stockées par les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple). Ces algorithmes entraînent la création de filter bubbles, terme anglais qui signifie « bulle filtrée », et contribue à ne proposer aux utilisateurs que des produits et publications dont les algorithmes savent qu’ils leur conviendront.
Deuxième facteur propice à l’émergence de la désinformation : l’apparition de la publicité programmatique, une forme de publicité uniquement digitale, dont les algorithmes déterminent le meilleur emplacement pour un produit et un public spécifiques. Évidemment, pas de publicité programmatique sans stockage de nos données par Internet.
La dernière cause de la désinformation, c’est ce que le rapport Bronner nomme « la compétition stratégique ». L’espace numérique est devenu une arène de l’information, ou des centaines de milliers d’infos de différentes natures sont en compétition les unes avec les autres.
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Les recommandations du rapport Bronner
Après trois mois de travail et de rédaction, la commission dirigée par Gérald Bronner a rendu un rapport d’environ 120 pages, dont les recommandations portent autour de six grands thèmes : les mécanismes psychosociaux, les algorithmes, les infox, les ingérences numériques étrangères, l’éducation aux médias et le lien entre le droit et le numérique.
Face aux fake news propagées sur le Web, le rapport Bronner préconise la modération individuelle, puisque « tout un chacun est devenu un opérateur sur le marché en ligne de l’information ». Afin de renforcer cette modération individuelle, il est essentiel que la recherche sur les mécanismes psychosociaux qui amènent les utilisateurs d’Internet à croire et à diffuser des infox soit davantage soutenue et financée par l’État.
L’éducation aux médias, et ce dès le plus jeune âge, est également essentielle. Celle-ci existe déjà dans les collèges et les lycées, mais dans une moindre mesure et pourrait être davantage développée. Concrètement, cela consiste à apprendre aux jeunes à tracer l’origine d’une information, à établir sa véracité et finalement, développer son esprit critique sur les contenus disponibles sur Internet.
Le rapport Bronner encourage également le gouvernement à financer des sites internet de lutte contre la désinformation ainsi qu’une vigilance accrue quant au développement des publicités programmatiques, utilisées en masse par les sites de fake news.
Un des autres objectifs de la commission est d’ « assécher les économies des infox » par un remodelage de l’agrément IPG (Information politique et générale), qui confère à un site web son statut de site d’information. Le but : empêcher des sites, comme France Soir racheté en 2019, de diffuser des fake news et de bénéficier du statut de média sérieux que leur confère l’agrément IPG.
Suite à la publication du rapport, Emmanuel Macron a salué le travail des quatorze chercheurs et a assuré que les « bulles de désinformation et les phénomènes complotistes » pouvaient être déconstruits par un « travail d’éducation » et « l’animation d’une presse libre ».
👉 Gérald Bronner est aussi l’auteur du livre Apocalypse cognitive, à lire si vous voulez aller plus loin sur ce sujet.
👉 Lucie Rondelet, fondatrice du média Celles qui Osent et formatrice en rédaction web, s’intéresse de près à la question de la préservation de l’esprit critique des individus à l’heure où nous croulons sous des informations parfois biaisées du fait de nos croyances et préférences.
Écoutez l’épisode de podcast qu’elle a consacré à cette problématique.
Victoria Lavelle pour Celles qui Osent
En attendant notre prochain article, n'oubliez pas de suivre notre podcast sur ces Femmes qui Osent
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[…] d’émouvoir, de sensibiliser, de toucher… Et certains n’hésitent pas à avoir recours à la désinformation pour gagner plus […]
[…] des crédules (2013), le professeur de sociologie Gérald Bronner – auteur du récent rapport Les Lumières à l’ère numérique – réalise une petite étude sur le phénomène des complots et de la malinformation. Il analyse […]