Le Japonisme n’est pas nouveau. Les Occidentaux ont cultivé un engouement, presque une fascination, pour la culture, l’architecture et les arts décoratifs venant du Japon. La situation de cet archipel, souvent menacé par les catastrophes naturelles, les séismes, les inondations, oblige ses habitants à relativiser et à prendre conscience de l’impermanence des choses. L’art de vivre à la japonaise consiste à accepter la nature éphémère de l’existence, à trouver l’épanouissement et la sérénité. La singularité de l’identité de la culture nippone et ses traditions peuvent s’expliquer aussi par un certain isolement géographique. En effet, pendant plus de 200 ans, le Japon a mené une politique isolationniste afin d’éloigner la menace étrangère, l’influence religieuse et le colonialisme. Avec son petit livre de la sagesse intitulé L’art de vivre à la japonaise, Erin Niimi Longhurst, auteure et blogueuse anglo-japonaise, s’inspire des traditions pour nous donner son mode d’emploi pour vivre à la japonaise. Immersion culturelle avec Celles qui Osent au pays du Soleil levant…
1. Identifier son ikigaï, son but dans la vie
Dans son ouvrage, L’art de vivre à la japonaise, Erin Niimi Longhurst nous invite à prendre soin de notre kokoro, terme qui désigne à la fois le cœur, l’âme et l’esprit. Elle nous livre ses astuces et explore tous les bienfaits d’activités courantes japonaises telles que les immersions pédestres en forêt, les cérémonies du thé, ou les exercices matinaux d’éveil du corps, pour aller vers la joie. Nous aimerions tous savoir comment prendre du recul sur les échecs inévitables de la vie, accepter l’impermanence et le caractère éphémère de toute chose. Nombreux sont ceux qui ne parviennent pas à identifier leur ikigaï, c’est-à-dire la chose qui nous fait lever le matin. L’ikigaï, c’est ce qui fait le sel de la vie, notre joie de vivre. Trouver le sens de sa vie ne se fait pas du jour au lendemain. Ce chemin nécessite des échecs, et une longue introspection.
2. Cultiver la notion de respect et d’altruisme : le secret du savoir-vivre nippon
Les Japonais honorent la mémoire de leurs défunts ; dans la plupart des foyers se trouve un butudan, un petit temple dédié à un être aimé disparu.
Les Japonais trouvent le contentement et la joie dans ce qui les entoure. Ils respectent l’espace commun et participent à la propreté de leurs villes (les fumeurs sortent généralement avec leurs propres cendriers de poche !). Dans les transports en commun, ils veillent à mettre leurs portables en silencieux et à ne pas parler trop fort.
Au Japon, on respecte particulièrement les aînés. Le troisième lundi de septembre est d’ailleurs dédié aux anciens, et les foyers multigénérationnels sont légion. Les Japonais acceptent davantage l’ordre naturel des choses : vieillir n’est pas « gênant » et l’ensemble de la société l’a intégré. Dans les années 1990, le gouvernement a mis en place les Fureai kippu, des tickets de relations d’entraide, sorte de monnaie sociale ou de crédit équivalent à une heure de service d’intérêt général pouvant être perçu, reçu ou échangé. Une belle démonstration d’altruisme…
3. S’immerger dans la nature pour un mode de vie japonais zen
Le shinrin-yoku (traduisez bain de forêt) constitue la pratique de l’immersion dans la nature. De nombreuses études scientifiques ont prouvé l’importance des arbres et de la nature dans notre vie quotidienne, indispensable pour se ressourcer et clarifier son esprit. Le parfum du cèdre a, par exemple, des vertus thérapeutiques.
Marcher dans la nature est bon pour la santé et le système immunitaire. À défaut de pouvoir vous balader au sein du parc national de Nikko ou celui du Daisetsuzan, d’arpenter les sentiers du Kamakura, le chemin de pèlerinage du Kumano Kodo, ou le mont Fuji, promenez-vous dans la forêt. Coupez votre téléphone et imprégnez-vous de l’atmosphère et du silence. L’objectif est de nouer un rapport contemplatif avec la nature, de prendre le temps et de faire des pauses.
Vous pouvez aussi faire entrer la nature chez vous, avec un bonsaï, la célèbre plante d’intérieur japonaise, mais aussi des pousses de bambou, des chrysanthèmes ou des azalées. Nombre de Japonais pratiquent l’ikebana, l’art de la composition florale. Ce n’est pas seulement disposer des fleurs dans un vase. C’est une activité spirituelle et contemplative. Cette recherche silencieuse de contact avec la nature constitue à la fois un apaisement mental et la satisfaction de la beauté créée.
Les fleurs ont le pouvoir d’exprimer une émotion sans faire usage des mots (la jacinthe évoque la gratitude, le camélia le désir, la jonquille le respect, l’hortensia la fierté, l’iris une bonne nouvelle et la pivoine la bravoure).
4. Adopter la cuisine japonaise
« hana yori dango » — les raviolis passent avant les fleurs. Proverbe japonais
La longue espérance de vie des Japonais s’explique en partie par leur régime alimentaire varié, riche en légumes, plantes et poissons. La cuisine japonaise dispose d’une grande palette de saveurs et de textures. Un proverbe d’Okinawa préconise « Hara hachi bu », ce qui signifie « mange jusqu’à être rassasié à 80 % ; il est en effet inutile de se remplir la panse à outrance.
Manger avec des baguettes pour une personne occidentale peut s’avérer… complexe ! La clé de la réussite ? Ne bouger que la baguette du dessus, qui se tient comme un stylo.
Il existe un autre marqueur culturel du Japon : les boîtes bento, des repas pour une personne contenant tous les éléments d’un repas équilibré, qui permettent de conserver intacts les ingrédients et les saveurs. Un bento se compose généralement de 4 portions de féculents (riz, nouilles, quinoa, pomme de terre…), 2 portions de légumes (épinards, soja, haricots verts, chou…), une portion de protéine (poulet, poisson, tofu…) et 1 portion de fruits. Vous pouvez aussi confectionner des plats à manger sur le pouce, comme les onigiri, boulettes de riz de forme triangulaire recouvertes de nori (algues séchées) et garnies (de saumon, de thon mayonnaise…)
Avez-vous vu le documentaire Jiro rêve de sushi ? Ce film appétissant suit Jiro Ono, un célèbre maître de sushi de 85 ans. Les sushis contiennent du poisson cru sur une base de riz. Ils sont roulés et se nomment de différentes façons : les makis, les urakami, les nigiri, les temaki, ou les chirashis. Ces délicieux mets se mangent traditionnellement avec les doigts ; entre deux sushis, pour nettoyer votre palais, mangez du gingembre. Si vous n’êtes pas adeptes du riz collant, vous pouvez cuisiner des ramens, pâtes japonaises servies dans un bouillon salé, du porc fondant et des pousses de bambou.
Les Japonais adorent les aliments fermentés, comme les natto (pousses de soja fermentées), le miso (pâte de soja fermentée), le tofu (lait de soja coagulé), le katsuobushi (flocons de thon séché, fermenté et fumé) ou la sauce soja.
5. Boire du thé pour vivre à la japonaise
Au Japon, le thé, ocha, est une passion nationale. Il en existe de nombreuses variétés telles que le sencha, le genmaicha (thé au riz soufflé, surnommé le thé pop-corn), le hojicha (avec un arôme torréfié proche du café), le kukicha (le thé à brindilles) ou le mugicha (thé à l’orge). Ce breuvage peut être préparé de deux façons : koicha (thé épais) ou usucha (thé léger).
Traditionnellement, le sado est la cérémonie où l’on prépare et sert du thé matcha. Il doit être servi en respectant 4 grands principes :
- Wa, l’harmonie avec les autres et la nature ;
- Kei, le respect de son prochain ;
- Sei, la pureté de l’esprit et de l’âme ;
- Jaku, la sérénité.
Le thé est servi avec des wagashi, pâtisseries traditionnelles japonaises, telles que :
- le daifuku, gâteau de riz gluant fourré à l’anko, une pâte sucrée de haricots azuki rouges ;
- le dorayaki ou castella fourrés : de l’anko enveloppé de castella (sorte de génoise venue du Portugal) ;
- le taiyaki, un gâteau en forme de poisson réalisé à partir d’une pâte à gaufre ;
- le traditionnel yokan, dessert en gelée à base d’azuki (haricots rouges)
6. Prendre soin de soi pour être productif
Les Japonais l’ont compris : prendre soin de son corps et de son esprit rend plus productif au travail. On cite rarement les Japonais comme des exemples dans le domaine de l’entreprise : les suicides et les morts par épuisement au travail, karoshi, sont encore à combattre. Cependant, ils ont tendance à être reconnaissants du travail de leurs collègues. Dans leur activité professionnelle comme à la maison, ils valorisent des principes fondamentaux tels que bouger, se nourrir sainement et entraîner son cerveau (avec des sudokus ou l’écriture de courts poèmes comme les haïkus).
Au Japon, beaucoup pratiquent quotidiennement le vélo (parfait pour le corps, mais aussi pour l’environnement). Des exercices de callisthénie ou radio taiso (mouvements doux et lents pour aider à se réveiller et à rester concentré) sont diffusés tous les matins à 6 h 30 sur la radio nationale japonaise.
7. Prendre des bains chauds : une pratique ancrée dans la culture japonaise
Le Japon, pays volcanique, comptabilise de nombreuses sources d’eaux naturellement chaudes. À Kusatsu, au nord de Tokyo, nombreux sont ceux qui profitent des onsen, sources thermales d’eau chaude dégageant une forte odeur de soufre. Cette activité sympathique à faire à plusieurs nécessite de se déshabiller entièrement. Une manière plutôt conviviale de se nettoyer et de se purifier !
Adepte de l’eau chaude, vous pouvez vous contenter de prendre un bain et l’agrémenter de sel de bain aux vertus aromathérapeutiques. C’est un moment d’apaisement dont il ne faut pas se priver pour lâcher prise. Sinon, vous pouvez choisir le sauna où la température élevée favorise la circulation sanguine et la détente.
8. Déceler la beauté dans l’imperfection : wabi-sabi et kintsugi
Les Japonais ne possèdent pas le même rapport à l’esthétique et à la beauté que les Occidentaux. Ils célèbrent le vieillissement et les imperfections, à travers le wabi-sabi, qui est à la fois une vision du monde, une esthétique et un art de vivre. Par contraire, il se définit par la croissance plutôt que l’inertie, la frugalité plutôt que la voracité ou la lenteur plutôt que la rapidité.
La pratique du kintsugi, l’art de réparer les poteries et céramiques avec une laque dorée, offre la possibilité de voir la beauté dans ce qui est cassé. Elle nous incite à devenir des consommateurs plus réfléchis, à réparer plutôt que de racheter. Nous pouvons tous repérer la beauté et le charme dans des objets ou des vêtements de seconde main.
9. Exercer son habileté manuelle à travers la calligraphie
L’écriture manuelle est bénéfique pour le corps, car elle stimule les zones du cerveau en lien avec la mémoire. La calligraphie exige de la concentration et de la discipline. En Asie, l’apprentissage de l’art du trait était la base de la formation classique des peintres, car ces civilisations ne séparaient pas la lettre et le dessin. Les eiji happo désignent les huit traits principaux de la calligraphie japonaise. Le papier, généralement du washi, ne pardonne aucun faux pas : le moindre tremblement est visible.
Si vous aimez peindre, exercez-vous au sumi-e, peinture monochrome au lavis d’encre dont le principe est de capturer l’essence du sujet plutôt que les détails.
10. Séparer, organiser, ranger : l’art de vivre japonais
Les Japonais séparent de façon très nette les espaces extérieurs et intérieurs. Avant de rentrer chez eux, ils enlèvent tout naturellement leurs chaussures sur le palier. Ils se lavent aussi les mains et se rincent la bouche afin de se débarrasser des microbes. Ces rituels constituent une sorte de sas de décompression.
Les intérieurs japonais se caractérisent par leur modularité : tout est conçu pour être amovible et pour bien vieillir. Les espaces sont traditionnellement séparés par des portes coulissantes (les fusuma) ou des cloisons en papier translucide (shoji) montées sur des rails en bois. Dans chaque maison se trouve généralement une pièce traditionnelle au sol recouvert de tatami (nattes de pousses de riz tressées).
La décoration et les aménagements intérieurs valorisent grandement le bois. Connaissez-vous les boutiques Muji ? Muji est l’abréviation du japonais Mujirushi Ryohin qui signifie « produits de qualité sans marque ». Ce magasin de décoration, né au japon au début des années 1980, propose une alternative sobre et minimale au mode de consommation dominant qui privilégie les marques et les logos.
Pour les Japonais, le désencombrement, l’organisation des espaces intérieurs et le rangement permettent de gagner en temps et en plaisir des yeux.
Et si l’on essayait de désencombrer nos intérieurs, ranger nos placards, organiser nos dressings pour ne garder que l’essentiel ? Cela permet de gagner de l’espace et de gagner en sérénité. Faites des listes, planifiez vos rendez-vous, écrivez dans votre agenda, afin de libérer votre esprit (et quelle satisfaction de pouvoir rayer les tâches effectuées de sa to-do list).
📎 Découvrez les 4 avantages d’oser une vie minimale
Avec nos vies denses, ultra-connectées, dans lesquelles nous sommes constamment bombardées d’informations, inspirons-nous de l’art de vivre à la japonaise pour nous ménager des instants d’apaisement.
Erin Niimi Longhurst a appris de son grand-père maternel, Haruyuki, la notion d’équilibre ; il a toujours veillé à garder du temps pour lui afin de rester efficace, de mener une existence heureuse tout en se ménageant. Pour l’auteure, « cherchez toujours à être présent, à être vrai, à être vous-même. Vous serez plus heureux ainsi. » L’acquisition de cette nouvelle philosophie de vie prendra du temps, mais comme le dit un proverbe japonais : par petits coups, on abat l’arbre entier…
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Violaine B — Celles qui Osent
Sources :
L’art de vivre à la japonaise, Erin Niimi Longhurst
Site officiel d’Erin Niimi Longhurst
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