Le cerveau a-t-il un genre ? Voilà une question délicate. Pour tenter d’y répondre, il est nécessaire de savoir ce qui fait une femme et ce qui fait un homme. Il nous faut ensuite interroger les neurosciences. Est-il scientifiquement prouvé qu’il existe des différences entre le cerveau d’un homme et celui d’une femme ? Pour certains, il est évident que oui, pour d’autres, il est évident que non. Entre esprit féminin et esprit masculin, gare aux stéréotypes. Essayons d’y voir plus clair !
Cerveau homme femme : similitudes et différences
L’anatomie de la cervelle humaine
Le cerveau, qu’il s’agisse de celui d’un homme ou de celui d’une femme, est composé :
- de deux hémisphères ;
- d’un cortex ;
- de quatre lobes (occipital, pariétal, temporal et frontal) ;
- d’une zone diencéphale.
Sur ce point tout le monde est d’accord. Mais dès que l’on parle de taille, les esprits s’échauffent ! Eh oui, c’est toujours la même histoire… Qui a la plus grosse cervelle ? L’homme, bien sûr ! Pourtant, d’après Lise Eliot, professeure de neurosciences, cette différence de taille serait simplement proportionnelle à la taille de la boîte crânienne. Cela fait sens, la nature a horreur du vide !
Le développement du cerveau et les hormones sexuelles
Deux hormones jouent un rôle décisif dans la détermination du sexe d’un individu : la testostérone, présente en moyenne en quantité plus importante chez l’homme et l’œstrogène, présente habituellement en plus grande quantité chez la femme. La testostérone est à l’origine de la masculinisation des organes génitaux in utero. L’œstrogène participe notamment au développement de nos seins et intervient dans notre cycle menstruel. Ce sont ces deux hormones qui vont parachever la transformation du garçon en homme et de la fille en femme.
L’être humain connaît plusieurs pics hormonaux dans sa vie. Selon les études scientifiques, ces pics influencent le développement du cerveau. C’est le cas in utero et au moment de la mini-puberté — à 6 mois pour les garçons, à 2 ans pour les filles. Puis vient la poussée d’hormones de l’adolescence. Ces cocktails d’hormones ne changent pas seulement les corps, ils participent activement au développement et à la maturation du cerveau. Pour les femmes, c’est aussi le cas pendant la grossesse et l’allaitement, ainsi qu’à la ménopause.
Ainsi, si le développement cérébral se fait en partie sous l’influence d’hormones sexuelles qui sont différentes chez la femme et chez l’homme, alors le cerveau féminin serait différent du cerveau masculin. C’est en tout cas le propos de Larry Cahill, professeur de neurobiologie. Il rappelle que l’égalité entre les sexes ne veut pas dire qu’hommes et femmes sont identiques. Pour illustrer ceci, il compare la gent masculine à des Corvette et la gent féminine à des Volvo… J’espère que vous me pardonnerez cette remarque genrée, mais c’est quand même très masculin comme comparaison !
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Les limites de la génétique sur le développement cérébral des hommes et des femmes
Nous savons aujourd’hui que la génétique ne fait pas tout. Elle met en place les rouages de notre organisme et nous donne des caractéristiques physiques. La vie, elle, nous modèle, nous change et nous influence. Cela participe à notre évolution en tant qu’espèce.
L’influence de l’éducation sur l’évolution du cerveau
Nous ne sommes donc pas une page blanche lorsque nous naissons, cependant il reste tout de même beaucoup de travail dans notre construction. En effet, 90 % des connexions dans notre cerveau se font après la naissance. Ces connexions se construisent différemment en fonction de notre environnement familial, de notre éducation, des activités pratiquées, etc. De la même manière qu’un sport stimule certains muscles de notre corps, la pratique de n’importe quelle activité stimule notre cerveau. Certaines zones du cortex seront donc plus ou moins développées en fonction des individus. Cette capacité du cerveau à évoluer et à changer s’appelle la plasticité cérébrale.
Ainsi, le débat glisse de la question des différences entre le cerveau d’un homme et celui d’une femme à la question de la part d’inné et d’acquis dans la construction de l’individu. Diane Halpern, psychologue et professeure américaine, résume la chose ainsi :
« Le rôle de la culture [sur le cerveau] n’est pas nul. Le rôle de la biologie n’est pas nul. »
L’influence des stéréotypes sur notre esprit
La culture et la société véhiculent des stéréotypes. Ceux-ci sont parfois tellement ancrés qu’il faut des générations pour les déconstruire. Ces clichés participent donc à notre développement. Une fille fait de la danse, un garçon fait du rugby. Nos parents nous proposent des activités en adéquation avec ces clichés, parfois sans même s’en rendre compte. Notre cerveau va donc développer des capacités « genrées ».
Catherine Vidal et Christophe Rodo utilisent le stéréotype selon lequel les garçons seraient meilleurs en maths que les filles pour démontrer l’impact d’un cliché sur les aptitudes des personnes. Ces deux neuroscientifiques français ne sont pourtant pas du même bord sur le sujet ! Ils prennent comme exemple une expérience au cours de laquelle il est demandé à une classe d’effectuer un exercice de géométrie. Les résultats des filles sont moins bons que ceux des garçons. Mais lorsque la formulation de la consigne change et que le terme « géométrie » est remplacé par « dessin », les résultats des filles sont aussi bons que ceux des garçons. Les stéréotypes ont donc un impact sur la confiance en soi, au détriment de nos capacités. Il suffit de regarder la place des femmes dans les sciences.
Cela rejoint les propos de Gina Rippon, neurobiologiste britannique, selon lesquels les stéréotypes de genre véhiculés par notre société modèlent notre cerveau et par conséquent nos compétences.
« Un monde genré produira un cerveau genré. » Gina Rippon
Existe-t-il des différences entre le cerveau d’un homme et celui d’une femme, oui ou non ?
Ma conclusion après moult recherches, c’est que la terre est plate jusqu’à ce qu’elle soit ronde. Si les scientifiques n’arrivent pas à se mettre d’accord, c’est qu’il leur reste du pain sur la planche.
Nous sommes si nombreux sur terre, si différents, l’étendue des recherches qu’il faudrait mener sur des groupes d’hommes et de femmes dans divers contextes culturels et environnementaux est pharaonique. Tant que cela n’est pas fait, il est impossible de trancher d’un côté ou de l’autre.
Heureusement, il existe toujours le libre arbitre ! Nous sommes dotés d’un cerveau extraordinaire, capable de s’adapter et d’évoluer, choisissons de l’utiliser. Déjouons les stéréotypes grâce à la réflexion et à l’observation. Tâchons de regarder l’autre, homme, femme ou personne transgenre, sans a priori pour mieux le comprendre et mieux vivre ensemble.
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Camille Castanet, pour Celles qui Osent
Sources :
lejournal.cnrs.fr : Neuromythes : cerveau masculin versus cerveau féminin
stanmed.stanford.edu : The cognitive differences between men and women
theconversation.com : You don’t have a male or female brain
www.nature.com : Neurosexism: the myth that men and women have different brains
www.dana.org : Equal ≠ The Same: Sex Differences in the Human Brain
www.dana.org : Reaction to ‘Equal ≠ The Same: Sex Differences in the Human Brain’
www.dana.org : Sex hormones and the brain
https://www.youtube.com/watch?v=OgM4um9Vvb8
2 Comments
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