Sur son compte Instagram, le collectif Écoute meuf fait la promotion « de la musique et des meufs, celles qui nous entourent, celles qui nous inspirent, celles qui font notre année ». Les membres partagent des playlists 100 % féminines, des exclusivités musicales et sélectionnent « la meuf du mois », tout cela dans un seul but : promouvoir la musique créée par des artistes femmes et combattre le sexisme dans l’industrie musicale. Certains genres musicaux, comme celui du rap, demeurent des bastions masculins, où les stéréotypes règnent aujourd’hui encore.
Le monde de la musique et son sexisme omniprésent
Malgré la forte proportion d’artistes féminines, le sexisme, le harcèlement, les agressions et la misogynie ambiante restent de rigueur dans un milieu qui évolue doucement. En 2019, plus de 1 200 professionnelles du secteur signaient une tribune dans le magazine culturel Télérama , dans laquelle elles dénonçaient :
« Les disparités salariales, l’invisibilité des femmes aux postes à responsabilité, les préjugés et les non-dits qui bloquent le développement et les carrières de professionnelles pourtant compétentes et investies. »
Depuis Me Too, de nombreuses initiatives pour valoriser l’égalité femmes-hommes ont été entreprises dans le domaine musical, comme le festival genevois Les Créatives, un évènement 100 % féminin. La même année naissait le site internet « Paye ta note » sur lequel sont publiés les témoignages des victimes de sexisme dans le monde de la musique. Et tous les styles musicaux sont concernés : du rap majoritairement masculin, à la musique classique (en 2019, seuls quatre des vingt-huit opéras de France étaient dirigés par des femmes).
Les statistiques sont rares, mais le peu de chiffres existants sur le sujet sont impressionnants : selon l’institut Midia Research 80 % des 400 femmes interrogées estiment, en 2022, qu’il est plus difficile pour les artistes féminines d’être reconnues que leurs homologues masculins. Autre statistique inquiétante : neuf personnes sur dix disent que l’industrie musicale traite les artistes différemment en fonction de leur genre. En 2018, un an après Me Too et ses témoignages sur le monde du cinéma, 67 % des femmes travaillant dans la musique aux États-Unis disaient avoir été victimes, au moins une fois, de harcèlement, selon la Music Industry Research Association.
Le rap : symbole ultime de la misogynie dans le milieu de la musique ?
« Te déshabille pas je vais te violer », « je vais te marie trintigner », « j’arrête pas de mater son cul, j’y plongerais vingt-cinq fois par jour jusqu’à ce que la go appelle au secours »… Jul, Orelsan, Booba : il s’agit de rappeurs français mondialement connus et primés de nombreuses fois pour leurs chansons, dont la plupart contiennent des paroles extrêmement sexistes et dévalorisantes pour les femmes. En 2009, Orelsan s’est d’ailleurs retrouvé au cœur d’un scandale médiatique, puis d’un procès intenté par des associations féministes (que le rappeur a gagné) pour ses titres Sale pute et Saint Valentin.
En 2018, le rappeur belge Damso déclarait dans une interview accordée au Parisien :
« Quand je parle de femmes, ce sont des histoires personnelles, jamais je ne fais de généralités. Je ne suis vraiment pas misogyne, je me suis même trouvé féministe sur certains points. »
C’est d’ailleurs à cause des paroles de ses chansons que Damso avait été contraint de refuser de composer l’hymne de l’équipe de football de Belgique lors du mondial 2018. En effet, le Conseil des femmes francophones de Belgique avait à l’époque largement dénoncé cette opportunité offerte au rappeur, en raison des paroles suivantes : « Souvent les plus moches qui sucent le mieux », « La bitch fait sa Françoise Hollande, j’lui dis de partir mais elle en redemande », « Toutes les chattes que j’aime sont des chiennes »…
Valoriser les artistes féminines et combattre le sexisme dans l’industrie musicale
Alors pour lutter contre ce sexisme ambiant, des paroles des chansons aux agressions sexuelles, plusieurs collectifs se mettent en place, dont par exemple Écoute meuf, un média hybride qui promeut des artistes femmes sur Instagram et organisent des évènements 100 % féminins. Le 8 juillet 2022, le collectif féministe a invité par exemple les rappeuses Nayra, Angie et Timea, puis les dj Zoovie Kazuyoshi et Yassmean lors d’une soirée à la Flèche d’or, dans le XXe arrondissement de Paris. Sur son compte Instagram, Écoute Meuf partage des playlists, des dates de concert, des bons plans, ou encore albums et singles fraichement parus auprès du grand public dans le but de faire connaître des artistes féminines souvent méconnues.
De nombreux comptes Instagram, comme « Music Too » (devenu « Balance ta scène »), « Tu mixes bien pour une fille », « Paye ton opéra » ont vu le jour et recueillent les témoignages d’artistes femmes victimes de violences ou de discriminations. Le collectif Diva s’inscrit quant à lui dans une démarche similaire à celle d’Écoute meuf, avec un focus sur les femmes issues de la communauté LGBTQ+.
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Victoria Lavelle pour Celles qui Osent
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