Ce débat dure maintenant depuis plusieurs mois. La « question trans » oppose les activistes : faut-il inclure, ou non, les femmes transgenres au combat féministe ? C’est un thème intéressant, car à travers lui, on retrouve deux visions différentes du féminisme, accompagnées de leurs pensées respectives. Pour autant, cela n’empêche pas les dérives et les raids sur les réseaux sociaux, faisant de cette thématique une sorte de « terrain miné ». Or, comme l’affirme la philosophe et spécialiste du féminisme Geneviève Fraisse : « c’est un signe de bonne santé politique. Nous sommes suffisamment nombreuses pour être en désaccord ». Celles qui Osent décrypte pour vous le désaccord des féministes sur la question trans.
La « question trans » : la mésentente des féministes
On ne peut pas comprendre cet épineux débat, sans s’attarder sur deux concepts essentiels : celui de genre et celui de sexe. Selon l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé, le sexe désigne les « caractéristiques biologiques et physiologiques qui différencient les hommes des femmes », tandis que le genre est lié aux « rôles qui sont déterminés socialement, aux comportements, aux activités et aux attributs qu’une société considère comme appropriés pour les hommes et les femmes ». En bref, le sexe désigne la réalité biologique, et le genre la réalité sociale. Donc dans le cas des personnes dites « cisgenres », cela signifie que le genre de ces dernières correspond à leur sexe biologique. C’est quand le genre d’un individu ne correspond pas à son sexe qu’on parle alors de personne « transgenre ». Une femme transgenre désigne donc une personne née homme, qui ne parvient pas à s’identifier à son sexe biologique et se sent femme. Pour un homme transgenre, il s’agit du cas inverse.
Pour être en accord avec leur identité de genre, certaines personnes vont entreprendre une transition hormonale et/ou chirurgicale. Mais cela ne concerne pas toutes les personnes transgenres. Cette pensée du genre d’un côté, et du sexe biologique de l’autre sont issus de débats philosophiques ayant animé le XXe siècle. « On ne naît pas femme, on le devient », disait Simone de Beauvoir. « L’existence précède l’essence », disait Jean-Paul Sartre. Notre vie ne doit pas être conditionnée par notre naissance, mais est constituée de schémas sociaux et d’un vécu, supérieurs dans ce que nous sommes à notre essence première. Si l’on caricature la pensée de Beauvoir, l’on pourrait par exemple dire que les discriminations et les inégalités auxquelles sont confrontées les femmes les façonnent durant leur existence entière et sont à l’origine même de leur vécu. Leur assujettissement n’est en rien lié à la réalité biologique, à ce que signifie être une femme.
Les TERF refusent d’inclure les personnes transgenres dans le combat féministe
Opposées à cette pensée du genre, certaines féministes, communément appelées « TERF », les « trans-exclusionary radical feminists », reconnaissent le mal-être des personnes transgenres, mais refusent de les prendre en compte dans le combat strictement féministe. C’est par exemple le cas de la journaliste irlandaise Helen Joyce, autrice d’un best-seller Trans, quand l’idéologie rencontre la réalité. Si elle défend « la sécurité et le respect » pour les personnes trans, elle s’oppose à la possibilité d’être « reconnu.e comme une femme ou comme un homme en fonction de ce que l’on ressent et déclare être, et non en fonction de sa biologie ». Pour Marguerite Stern, militante initiatrice du mouvement Collage contre les féminicides :
« Être une femme, c’est quelque chose de biologique (…) Les oppressions contre les femmes sont liées à notre corps, à notre capacité à enfanter, et toutes les questions du féminisme sont liées aux corps des femmes : l’IVG, la PMA, les violences gynécologiques, le voile, le harcèlement de rue, la prostitution, le viol… ».
La question des femmes trans a également été ravivée par les compétitions sportives. Dans l’imaginaire collectif, les femmes transgenres concourant dans des équipes féminines sont considérées comme étant forcément avantagées par rapport aux autres athlètes, en raison de leur taux d’hormones, et ce même après avoir pris un traitement hormonal. Lors des Jeux olympiques de Tokyo, une femme trans a pu participer pour la première fois dans l’histoire des Jeux. Pour l’instant, il n’y a presque pas d’étude scientifique qui permettrait de dire si les femmes trans sont, ou pas, avantagées grâce à leur traitement hormonal, par rapport à leurs concurrentes. Pourtant, malgré le manque de preuves scientifiques, le débat a été réapproprié maintes et maintes fois par l’extrême droite (Valeurs Actuelles avait fait une Une dédiée au « délire trans »), et est resté dans l’opinion publique.
Les transactivistes militent pour une convergence des luttes
Cet été, au mois d’août, le Planning Familial a partagé une affiche représentant un couple trans, avec comme légende : « au Planning, les hommes aussi peuvent être enceints ». Ce flyer a suscité un tollé général, et le Planning a été la cible de nombreuses attaques, émanent notamment de la droite et de l’extrême droite. Marguerite Stern et Dora Moutot, créatrice du compte Instagram « t’as joui » ont par ailleurs adressé à Élisabeth Borne une lettre pour lui faire part de la « dérive idéologique » du Planning familial. Rappelons d’ailleurs que ces deux militantes sont, depuis, la cible de cyberharcèlement.
Les transactivistes, ou féministes « inclusives » et « intersectionnelles » soutiennent quant à elles que les femmes trans sont des femmes, et qu’elles doivent être traitées comme telles, du fait de leur expérience personnelle. Ces dernières militent pour une convergence des luttes et cherchent à intégrer le vécu des femmes trans dans leur combat, en raison des discriminations et inégalités, également connues des femmes trans. Juliet Drouar, militant.e féministe, définit par exemple les femmes et les femmes trans comme des « personnes sexisées », car « concernées par le sexisme et la domination des hommes cis-hétéro ». Camille Lextray militante du collectif Collages contre les féminicides, temporise, dans une interview accordée à Marianne et évoque une « théorie du complot, une chimère cherchant à faire croire que les hommes cherchent à infiltrer les milieux féministes et LGBT pour agresser des femmes en se faisant passer pour des trans ».
Cet article vous a plu ? Vous pouvez lire notre analyse des sujets qui divisent les féministes sur Celles qui Osent.
Bonne lecture !
Victoria Lavelle pour Celles qui Osent
En attendant notre prochain article, n'oubliez pas de suivre notre podcast sur ces Femmes qui Osent
3 Comments
Il me semble qu’il y a une erreur dans votre article, dans la première partie. Une femme trans est une personne qui a été assignée homme à la naissance mais qui se ressent femme et vice-versa pour les hommes trans. Vous avez écrit l’inverse.
Par ailleurs, je souhaite rappeler que Marguerite Stern et Dora Moutot tiennent régulièrement des propos transphobes, ce qui est tout simplement illégal (au même titre que le racisme etc.). Elles sont également proches (voire très proches) des milieux d’extrême droite.
Enfin, pour ma part je pense qu’une femme ne se résume pas à son utérus et que les personnes trans et intersexes ont tout à fait leur place dans les combats du féminisme. L’ennemi du féminisme ce n’est pas l’homme, le mâle, c’est le patriarcat. Alors bien sûr, il peut y avoir des désaccords entre féministes mais il serait bon de ne pas se tromper de commbat.
« Pour l’instant, il n’y a presque pas d’étude scientifique qui permettrait de dire si les femmes trans sont, ou pas, avantagées grâce à leur traitement hormonal, par rapport à leurs concurrentes. Pourtant, malgré le manque de preuves scientifiques, le débat a été réapproprié maintes et maintes fois par l’extrême droite »
Ce choix dans l’ordre des phrases pourrait laisser croire que se poser la question de la place des personnes transgenres qui se définissent comme des femmes dans les équipes féminines ferait de l’auteur de cette question, ou de cette vision des choses, quelqu’un ayant des pensées d’extrême droite. C’est exactement ce qui me choque et que je trouve très manipulateur actuellement : se poser des question, exprimer ses craintes, son désaccord, entraîne à peut prêt systématiquement des accusations de « TERF » (car contrairement à la manière dont cela est noté dans l’article, ce terme est utilisé comme une insulte), de nazi, facho, extrême droite et, le must du must qui entraîne des annulations : de TRANSPHOBE.
Concernant le manque de preuve : la FINA a ouvert une catégorie pour les personnes transgenres, en particulier suite à la victoire de Lia Thomas. L’Irlande exclue les personnes transgenre des matchs de rugby, en déroulant que « « Des recherches récentes montrent qu’il existe des différences physiques entre les personnes dont le sexe a été assigné comme homme ou comme femme à la naissance. Les avantages en termes de force, d’endurance et de physique provoqués par la puberté masculine sont importants et se conservent même après la suppression de la testostérone », a déclaré l’Irish Rugby Football Union (IRFU) dans un communiqué.
Par ailleurs, je regrette vraiment l’absence de toute discussion possible sur le sujet de celles des personnes qui se définissent comme femmes transgenres lesbiennes, qui accusent des femmes lesbiennes de transphobie quand elles refusent d’avoir une relation sexuelle avec une personne ayant un pénis.
J’aimerais une vraie réponse à cette question, et pas juste des vociférations et accusations de trasnphobie. Voici un copier-coller d’un article du site a-gauche.org
« Parce qu’elle avait publié sur son blog un article sur les pressions faites aux lesbiennes pour coucher avec des hommes, la sociologue lesbienne Christine Delphy a été attaquée par un collectif de trois personnes lors d’une conférence de sociologie qu’elle donnait à Toulouse. Ses agresseurs se sont employés violemment à bloquer la tenue de la conférence, pour y lire un communiqué expliquant que « dire non à une femme en tant que lesbienne parce que cette femme a un pénis, c’est confondre identité sociale de genre et désirs ou pratiques sexuelles. »… Autrement dit, si des hommes se décrètent comme étant des femmes « à pénis », ils gagnent de fait le droit d’avoir avec nous des relations sexuelles (indépendamment de notre consentement), et de confisquer notre visibilité ! »
Voilà, j’aurais encore d’autres éléments d’inquiétude, de questionnements (très nombreux, surtout en tant que parent dans une société où un enfant peut avoir de droit de prendre des hormones pour changer de genre sans l’autorisation parentale, alors même que les neurosciences nous apprennent que le cerveau n’es pas terminé avant 25-30 ans et que le droit de vote est à 18 ans seulement car on trouve les jeunes trop immatures pour prendre des décisions importantes avant cet âge-là).
Bonjour,
Il me semble étonnant que tant et tant de recherches actuelles en matière de thérapie ou de bien être portent sur la réhabilitation du corps, sur son importance, sur le fait qu’il est absolument nécessaire de s’ancrer en lui… accompagne une idéologie transgenre qui repose sur le fait que ce qu’on puisse nier ce que le corps de chacun est, en réalité, car toutes les cellules corporelles sont sexuées.
Le transgenrisme qui est fondé sur l’idée absolument sans fondement objectif que certaines personnes pourraient naître « dans le mauvais corps ». Or il n’y a pas de mauvais corps. Il n’y a pas d’âmes qui seraient malencontreusement incarnées dans un corps sexuée qui ne lui correspond pas.
Prendre des hormones pour acquérir des caractéristiques sexuelles secondaires qui sont contraires à l’orientation sexuée de toutes les cellules du corps, ne change pas la biologie profonde et première. On naît homme ou femme et on le reste toute sa vie. Le genre est certes un ensemble de caractéristiques acquises qui s’étaient sur les deux sexes pour en accentuer la distinction ou même la créer, et cela s’est, souvent, fait depuis des millénaires aux dépends des femmes. Mais le genre n’écrase pas la totalité de la réalité du sexe. Le fait d’avoir des règles, d’avoir un utérus, même en dysfonctionnement, d’avoir des seins, etc., c’est en grande partie ce qui permet à la femme de se savoir femme. Les caractères secondaires de la sexualité accompagnent une identité sexuée qui peut être vécue en dehors des stéréotypes de genre. C’est d’ailleurs ce que cherchaient souvent les féministes avant l’arrivée des questions trans : vivre leur féminité sans s’enfermer dans des stéréotypes de genre. Or, ce sont ces mêmes stéréotypes de genres qui sont recherchés avidement par les trans précisément parce qu’ils veulent s’identifier aux femmes, alors même que toutes leurs cellules sont masculines. De ce fait, et par leurs actions, le genre féminin est réaffirmé dans ses stéréotypes les plus éculés.
Je ne vois pas comment des chirurgies introduisant du silicone dans le corps et autres horreurs pourraient d’autre part se substituer à une relation intime avec la sexuation corporelle.
Dire, d’autre part, qu’un genre nous est assigné à la naissance plutôt que dire qu’on naît fille ou garçon, c’est déjà tordre le réel. Et c’est cette torsion du réel qui finit par s’établir, à coup d’hormones et de chirurgie, et pour d’évidentes raisons capitalistique, comme un mensonge individuel imposé à l’ensemble de la société et qui finit, par des choix politiques plus que contestables, par devenir une forme de dictat qui oblige chacun à ne pas voir ce qu’il voit, à ne pas entendre ce qu’il entend, etc. C’est exactement ce qu’on appelle « une idéologie ».