Dans les années 90, Sarah Abitbol est l’une des plus grandes patineuses du monde. De 1994 à 2003, elle enchaîne les médailles. Avec son partenaire sur la glace et dans la vie, Stéphane Bernadis, la multiple championne de patinage artistique multiplie les titres prestigieux. Il aura fallu trente ans pour que sa colère cachée se transforme enfin en cri public. En 2020, Sarah Abitbol brise l’omerta et publie son livre Un si long silence, dans lequel elle explique avoir été violée par son entraîneur à l’âge de 15 ans. Dans ce récit personnel, elle ose dénoncer les violences sexuelles dans le sport.
Une multiple championne de patinage artistique à la carrière exemplaire
Sarah Abitbol naît en 1975 à Nantes. Son père est le propriétaire d’une boîte de nuit, sa mère est prothésiste dentaire. Dès l’âge de 7 ans, Sarah se met au patinage artistique sur les conseils de sa maîtresse, qui recommande le sport pour canaliser son énergie débordante. Elle enchaîne rapidement les entraînements, avec passion et acharnement, puis se fait repérer par Gilles Beyer, ancien patineur et entraîneur au prestigieux club des Français volants, à Paris. Pour permettre à Sarah, alors âgée de 12 ans, de vivre son rêve, la famille déménage à Paris.
À 17 ans, elle rencontre Stéphane Bernadis, son partenaire de patinage artistique, avec qui elle entame une relation. Ils ne cessent de s’entraîner, d’améliorer leur technique et deviennent rapidement le couple phare du patinage artistique français. Ils multiplient les titres prestigieux : dix médailles d’or aux championnats de France, médailles de bronze aux championnats d’Europe et du monde. Leur carrière de sportifs de haut niveau prend fin en 2003, après plusieurs mauvais classements aux compétitions internationales. Sarah Abtibol et Stéphane Bernadis n’abandonnent pas le patinage artistique pour autant et rejoignent des troupes de patineurs. En 2007, Sarah crée son propre spectacle, Holidays on Ice.
Sarah Abitbol, la patineuse victime de viols par son entraîneur
En janvier 2020, le nom de Sarah Abitbol revient dans la presse et la télévision française, car elle s’apprête à publier un livre, Un si long silence, dans lequel elle dénonce les viols dont elle a été victime de ses 15 à ses 17 ans, perpétrés par son entraîneur de l’époque, Gilles Beyer. Son histoire, c’est celle tristement vécue par d’autres sportives et sportifs, celle d’un entraîneur chéri et admiré, autant par la famille que par la victime, s’imaginant avoir tous les droits, et qui commet l’impensable. Dès les années 2000, les enquêtes contre Gilles Beyer s’enchaînent après plusieurs signalements quant à un comportement suspect adopté auprès de ses élèves. À la suite des révélations de Sarah, trois autres femmes prennent la parole et dénoncent les agressions commises par l’entraîneur. Les poursuites judiciaires prennent fin en 2023, suite au décès de ce dernier.
Il aura fallu trente ans à Sarah Abitbol pour sortir du silence. Un silence qui l’a d’ailleurs minée et mit à mal sa carrière et sa santé mentale : elle enchaîne les épisodes dépressifs, les crises de panique, et perd beaucoup de poids. Pourtant, elle se définit comme « une survivante et une championne » avant tout, comme elle le précise dans cette interview accordée à Libération.
Oser dénoncer les violences sexuelles dans le sport
En France, entre 2020 et 2022, près de 655 signalements ont été enregistrés, dénonçant des faits de violences sexuelles dans le domaine sportif. Et l’on sait que les chiffres quant au nombre de victimes sont toujours sous-estimés, étant donné la difficulté pour ces dernières de prendre la parole et de dénoncer les violences subies. Pour venir en aide à d’autres personnes qui, comme elle, ont vécu l’horreur, Sarah Abitbol a fondé une association, « La voix de Sarah ».
Mais pourquoi les violences sexuelles sont-elles aussi courantes dans le milieu du sport ? En plus d’une certaine culture de la violence qui règne dans le domaine sportif, les jeunes athlètes sont souvent victimes d’emprise exercée par leur entraîneur. Leurs corps et leurs besoins sont délaissés, au profit de compétitions toujours plus exigeantes. C’est ce que montre la réalisatrice Charlène Favier dans son film Slalom, inspiré de sa propre histoire, dans lequel une jeune skieuse de haut niveau est violée par son entraîneur.
Pour Sarah Abitbol, le monde sportif protège les violeurs.
« Vous avez détruit ma vie, monsieur O., pendant que vous meniez tranquillement la vôtre. Aujourd’hui, je veux balayer ma honte, la faire changer de camp. Mais je veux aussi dénoncer le monde sportif qui vous a protégé, et vous protège encore à l’heure où j’écris ces lignes. Quand j’ai voulu parler, à plusieurs reprises, je n’ai pas pu le faire. Aujourd’hui, avec ce livre, je sors de ce silence assassin. Et j’appelle toutes les victimes à en faire autant. »
Victoria Lavelle pour Celles qui Osent
En attendant notre prochain article, n'oubliez pas de suivre notre podcast sur ces Femmes qui Osent
1 Comment
…et pendant tout ce temps, toute cette souffrance, ces humiliations, que faisait le mari ??