Dans un essai sorti en 2023, intitulé Mes trompes, mes choix, la journaliste Laurène Lévy s’intéresse aux femmes qui souhaitent avoir recours à une stérilisation, et qui se heurtent à de véritables difficultés et jugements de la part du corps médical. Légale depuis 2001, la stérilisation contraceptive reste pourtant taboue, et peut s’avérer être un parcours du combattant. Celles qui Osent a donc décidé de revenir avec vous sur l’histoire de la stérilisation contraceptive féminine.
La stérilisation contraceptive, impopulaire en France
La diffusion dans le monde occidental des différentes méthodes contraceptives date du début du XXe, quand la sexualité a commencé à être dissociée de la procréation. C’est d’abord en Amérique du Nord que la stérilisation contraceptive commence à se diffuser, durant les années 1960. Cette décennie voit également les premières pilules contraceptives apparaître. Au Canada, la stérilisation contraceptive — vasectomie, ligature des trompes — est légalisée en 1969, quand il faudra attendre 2001 en France. Elle y est devenue une méthode contraceptive privilégiée, en 2011, 48 % des femmes âgées entre 35 et 44 ans et en couple ont déclaré se protéger d’une grossesse via la stérilisation, que ce soit la leur ou bien celle des conjoints.
Avant 2001, la stérilisation contraceptive était interdite en France au nom de la « non-mutilation » du corps. Depuis, il est nécessaire de consulter un gynécologue ou un urologue, puis de respecter un délai de quatre mois après le premier rendez-vous, délai à l’issue duquel la stérilisation peut être entreprise, une fois le consentement du ou de la patient. e écrit et signé. Le médecin a le droit de refuser de pratiquer la stérilisation dès la première rencontre, mais est alors dans l’obligation de réorienter la personne vers un autre professionnel de santé. Malgré tout, cette méthode contraceptive, qu’elle soit féminine ou masculine, reste très impopulaire en France, contrairement aux pays anglo-saxons. À titre comparatif, selon une étude datant de 2016 et menée par l’Insern, seuls 4,5 % des Françaises âgées de 15 à 49 ans ont eu recours à la stérilisation, contre 22,1 % aux États-Unis, selon une étude effectuée en 2013 par l’ONU.
La stérilisation féminine : un choix encore tabou
Avec la libération de la parole des victimes de violences gynécologiques dans le sillage du mouvement Paye ton utérus, nombreuses ont été les femmes à alerter sur les difficultés rencontrées pour entreprendre une stérilisation. Certaines ont en effet subi des remarques culpabilisantes de la part du corps médical, preuve que l’injonction à la maternité reste très forte pour les femmes. Les patientes sont ainsi fortement infantilisées, considérées comme immatures et incapables d’un tel choix.
Pourtant, l’on sait que la contraception, peu importe la forme qu’elle prend, est un moyen d’émanciper les femmes, de les libérer de grossesses successives et non désirées, et permet aux femmes, au même titre que les hommes, d’être maîtresses de leur sexualité, de leurs corps, de leur carrière professionnelle. Or, l’idée qu’une femme puisse avoir recours à une stérilisation continue de déranger. La conception normative de la famille, qui correspond au schéma classique d’un père, une mère, deux enfants, voire plus, est dominante parmi les modèles sociétaux et familiaux. La culture nataliste reste également très présente en France. Au XIXe siècle, les naissances sont en baisse et l’État se mobilise pour encourager les familles à procréer.
La stérilisation forcée, outil de torture et de contrôle du corps des femmes
Si, en Occident, des femmes se battent pour avoir accès à la stérilisation comme méthode contraceptive, plusieurs exemples historiques sont la preuve que, dans certains cas, la stérilisation forcée a été utilisée par les régimes autoritaires pour prendre le contrôle du corps des femmes, notamment issues des minorités. Par exemple, durant l’Allemagne nazie, cette technique était utilisée à de fins eugénistes sur des femmes en situation de handicap. Plus récemment, les autorités chinoises ont aussi eu recours à la stérilisation forcée sur des femmes ouïgoures.
Dans les pays en développement, elle est la méthode de contraception la plus répandue. En Inde, la stérilisation a été massivement utilisée, et continue à l’être aujourd’hui, dans le but de contrôler la démographie. Des campagnes de stérilisation forcée ont été massivement menées dans les années 70, visant aussi bien les hommes que les femmes. Ces opérations, menées à la hâte, menaient souvent à d’importantes complications. Les quotas de stérilisation en Inde continuent d’exister et de nombreuses femmes ont perdu la vie lors de ces interventions médicales effectuées dans le chaos. Par exemple, entre 2009 et 2012, le gouvernement a reconnu avoir accordé une aide financière aux familles de 568 femmes décédées lors de telles opérations.
Aujourd’hui, il est important de rappeler que la stérilisation contraceptive est une question de choix. Un choix qui revient à la femme, et à elle seule.
Ce sujet vous intéresse ? Notre article sur les méthodes de contraception masculines est disponible sur notre site.
Victoria Lavelle pour Celles qui Osent
En attendant notre prochain article, n'oubliez pas de suivre notre podcast sur ces Femmes qui Osent
1 Comment
Merci d’aborder ce sujet si tabou et sujet à de nombreuses dérives.
Il aurait été important de parler ici du scandale des implants Essure, méthode de contraception définitive pratiquée en France jusqu’en 2017. De nombreuses femmes ont été (et sont encore) victimes d’effets secondaires après la pose de ces petits « ressorts » (stens) pour boucher les trompes.
Les victimes d’Essure doivent souvent subir une opération chirurgicale de retrait des implants pour espérer voir leur état de santé s’améliorer. C’est ce qui m’est arrivé : pose des implants Essure en 2013 et retrait par salpingectomie (ablation des trompes) en 2020.
Parfois, une hystérectomie est nécessaire car l’utérus est trop abîmé. C’est une opération lourde pour les femmes concernées, qui ont déjà subi des années d’effets secondaires et de douleurs.
Leur combat pour obtenir l’explantation des implants Essure est aussi pénible, si ce n’est plus, que celui qu’elles ont dû mener pour être stérilisées.
Pour en savoir plus, je vous invite à lire mon témoignage : https://lunedemasquee.fr/implant-essure-temoignage/
Je serai ravie d’écrire un article sur ce sujet si cela vous intéresse (je suis rédactrice web SEO, formée par FRW). 😉