Née en 1934 en Californie, Joan Didion est une romancière, essayiste et journaliste, pionnière de la « littérature du réel ». De ses premiers pas à l’édition américaine de Vogue, aux scénarios co-pensés avec son époux, écrivain également, en passant par ses récits auto-fictionnels, Joan Didion a marqué la seconde moitié du XXe siècle aux États-Unis, et a contribué au renouvellement de l’intelligentsia américaine de l’époque. Celles qui Osent revient sur son œuvre foisonnante et sa plume ayant influencé une génération d’auteurs et de journalistes.
Joan Didion, écrire pour dire
L’écriture entre très tôt dans la vie de Joan Didion. Alors qu’elle n’a que quatre ans, le pédiatre de la famille conseille à la fillette, hurleuse et sujette à des crises de nerfs intenses, de privilégier l’écriture comme moyen d’expression. Plus tard, elle se décrira comme une petite fille « timide et passionnée de lecture ». Les livres seront pour un elle un refuge, alors qu’elle déteste les rassemblements sociaux et ne fréquente l’école que de manière irrégulière, son père occupant des postes administratifs dans différentes bases militaires à travers le pays. Dans ses mémoires publiées en 2003, la romancière explique d’ailleurs que ces déménagements à répétition l’ont fait sentir comme une étrangère, condamnée au retrait et à la discrétion.
Diplômée en lettres de la prestigieuse université de Berkeley, en Californie, Joan Didion remporte le Prix de Paris, un concours d’écriture, lancé par le magazine Vogue à l’âge de 21 ans, ce qui lui ouvre les portes du mensuel, où elle occupe son premier poste en tant qu’assistante chercheuse. En 1963, six ans après son entrée au magazine, elle publie son premier roman, Une saison de nuits, dans lequel elle fait l’autopsie d’une relation entretenue par un couple en plein naufrage, le tout sur fond de société californienne des années 1960. John Gregory Dunne, journaliste au Time, l’aide à travailler son manuscrit. Ils se marient un an après la parution du livre, en 1964, et écrivent plusieurs scénarios ensemble, parmi lesquels Panique à Needle Park en 1971, film où Al Pacino joue un jeune drogué new yorkais.
Joan Didion, pionnière de l’auto-fiction et de la littérature du réel
Joan Didion se fait connaître de l’intelligentsia américaine à la fin des années 1960 et durant la décennie 1970, période prolifique où elle publie plusieurs ouvrages. En 1968, paraît Slouching Towards Bethlehem, un recueil d’essais et de chroniques révélant les dessous de la contre-culture hippie californienne de ces années-là. Le livre est un exemple avant-gardiste de « new journalism« , ou « littérature du réel », dont le but est de raconter les faits tels qu’ils se sont déroulés, avec rigueur et exactitude, en apportant un style littéraire et une forme soignée. Il lui vaut d’être sacrée « femme de l’année » par le Los Angeles Times en 1968, alors qu’elle traverse une dépression dont elle peine à guérir.
Elle se passionne également pour les faits divers qu’elle considère comme des « secousses existentielles », pour citer un article du Monde. À l’été 1970, elle fait la connaissance de Linda Kasabian, membre de la secte de Charles Manson, responsable de l’assassinat de l’actrice Sharon Tate et d’autres meurtres en Californie. Elle visite en prison le militant noir Huey P. Newton, membre des Black Panthers, accusé d’avoir tué un policier blanc, puis part couvrir les manifestations du San Francisco State College contre le racisme, où les étudiants sont réprimés par les forces de l’ordre.
Le tournant politique
Les années 1980 prennent un tournant plus politique. Elle écrit des reportages sur la guerre du Salvador, où elle s’est rendu avec son mari, et tirera un livre de son voyage en 1983. En 1991, Joan Didion publie un long décryptage du procès de cinq adolescents afro-américains accusés à tort d’avoir tué et violé une joggeuse habituée de Central Park, cadre d’une banque prestigieuse. Originellement conservatrice – elle jugeait le président républicain Richard Nixon trop modéré – ses idées deviennent plus progressistes par la suite et elle dénonce, au début des années 2000, l’impérialisme américain.
La fin de la vie de Didion est marquée par des essais autobiographiques. En 2003, son mari, auquel elle a été unie pendant plus de quarante ans, meurt foudroyé par une crise cardiaque. Deux ans plus tard, sa fille décède d’une pancréatite aigüe. En 2017, quatre ans avant la mort de l’autrice, son neveu Griffin Dunne lui dédie un documentaire disponible sur Netflix, Le centre ne tiendra pas, dans lequel Joan Didion se confie dans son appartement new yorkais. Elle rejoindra son mari et sa fille en 2021, à l’âge de 87 ans.
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Victoria Lavelle pour Celles qui Osent
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