Quand j’étais petite, les adultes m’ont assigné un amoureux. J’étais une fille, je jouais beaucoup avec un garçon, donc, c’était mon amoureux. Tout le monde me le répétait et encore aujourd’hui, s’il arrive de partager des souvenirs de cette époque, on me dit “tu te souviens, avec ton amoureux…”.
Eh bien non en fait, ce n’était pas du tout mon amoureux ! Et je l’ai réalisé lorsque mes filles m’ont demandé si je me souvenais de la première fois où j’avais été amoureuse dans ma vie. Déjà, j’ai essayé de définir ce qu’était le sentiment amoureux, puis, j’ai fouillé dans mes souvenirs. Ce que j’y ai trouvé, ce sont des sentiments pour une “grande”, une fille qui prenait des cours de judo avec ma grande-sœur, quand moi je prenais des cours avec les petits. Je trouvais cette fille jolie, j’adorais son sourire et surtout, sa bienveillance. Quand je la voyais, je me sentais comme enveloppée de quelque chose d’agréable et d’inexplicable. Il n’y avait pas de notion de désir à cet âge là, mais je sais que le seul fait de la voir et de l’approcher me rendait heureuse et émue.
Alors je l’ai dit à mes filles et je leur ai expliqué les choses comme ça, en leur précisant bien que l’amour est totalement subjectif et qu’on n’est pas amoureux parce que les autres nous ont dit qu’on l’était, mais bien parce qu’on ressent quelque chose de profond et souvent d’inexplicable.
L’influence de la société sur nos choix amoureux et notre orientation sexuelle
Certain•e•s diront que c’est “à la mode” de parler du genre, mais il se trouve que le sujet est sérieux et bien réel. Il y a tant de choses à déconstruire, qu’il me semble important de vulgariser et de faire passer le message afin que chacun et chacune puisse vivre sans tabous.
Je me permets de reprendre cet excellent extrait du site Psychologue.net :
“L’hermaphrodisme, ou intersexuation de l’être humain est quelque chose de fondamental : le monde scientifique s’accorde sur le fait que le mâle humain à 100% est aussi rare que la femelle humaine à 100%. Chaque être humain serait effectivement constitué entre 10 à 40% des marqueurs de l’autre sexe.
De plus, définir un sexe est plus compliqué qu’il n’y paraît : entre le sexe morphologique, le sexe chromosomique, le sexe génétique et le sexe endocrinien, et sachant que nous sommes tous constitués des marqueurs de l’autre sexe, il est difficile de faire cette différenciation. Pour la science, il existerait actuellement 46 types de sexes, en plus des sexes mâles et femelles, mais c’est un chiffre appelé à changer en fonction de nos connaissances.
Et ce mini documentaire d’Arte : “Sommes-nous tous bisexuels ?”
Il est évident que la société sur-représente le modèle homme-femme par rapport à la réalité des sentiments, désirs (conscients ou non) de chacun•e. Je ne vais pas vous en faire la liste, regardez simplement autour de vous. Cela ne serait pas un problème s’il n’y avait pas derrière tout cela des personnes qui souffrent et ont du mal à oser partager ce qu’elles ressentent véritablement.
En 2024, la plupart des gens offrent encore des jouets “de filles” aux filles, des jouets “de garçons” aux garçons. On entend encore beaucoup dans la cour des écoles, même en maternelle, des “oh ils sont amoureux !”. Vous vous souvenez, vous, d’avoir été amoureux ou amoureuse à 4 ans ?
Ces comportements, intégrés naturellement à une société qui représente en grande majorité des couples hétérosexuels, freinent l’épanouissement de nombreuses personnes.
Mais alors du coup, t’es bi ? C’est ça ?
Le collège
Combien de fois ai-je entendu cette phrase ?
Petite, on m’avait donc assigné un amoureux. Au collège, je me suis forcée à sortir avec des garçons pour m’intégrer et faire comme mes copines. À cette époque (le collège donc), je trouvais les garçons plutôt bêtes et inintéressants. Je n’aimais pas leur odeur et je n’ai pas du tout aimé leur façon d’embrasser, maladroite et sans aucune sensualité. Je suis peut-être tombée sur les mauvais, mais vraiment, je ne ressentais aucune autre émotion que le dégoût. Heureusement, je ne me suis pas plus forcée que d’échanger quelques bisous sans saveur, mais avec appareils dentaires.
À cette époque, aucune case ne m’avais été attribuée officiellement, j’étais donc naturellement hétéro, puisque j’étais une fille, et je ne me posais aucune question, puisque c’était la norme.
Le lycée
Au lycée, j’ai eu la chance de rencontrer des amis extraordinaires qui m’ont ouvert l’esprit. La mère de ma meilleure amie se disait ouvertement lesbienne (bien qu’elle ait eu 3 enfants d’un mariage d’amour), ma meilleure amie l’était aussi et les autres se disaient en réflexion. C’était il y a plus de 20 ans, notre lycée était très en avance sur son temps ! Peut-être parce que nous étions dans une filière littéraire et artistique.
C’est à cette époque que j’ai commencé à fréquenter des filles et à vivre ma première vraie histoire d’amour.
Comme j’étais amoureuse d’une fille et que la relation durait, j’ai annoncé à mes parents et ma famille que j’étais lesbienne. J’en étais moi-même persuadée.
La vie d’adulte
J’ai donc continué ma vie de lesbienne convaincue, jusqu’à ce que je rencontre un beau jeune homme sensuel et attentionné. Un homme cys. Je suis tombée amoureuse et nous avons vécu une belle relation.
J’ai finalement annoncé à mes proches que j’étais bi, puisque je pouvais aussi tomber amoureuse de mecs et que ça se passait bien à tous les niveaux.
Puis, je suis ressortie avec des filles (ce qui confirmait que j’étais bi, évidemment ! ;-)).
Un soir, je suis sortie avec un garçon, mais j’ai été très surprise par sa façon d’embrasser “comme une fille”.
Je lui ai posé la question. C’était un transgenre.
Du coup, je suis pan ?
Au milieu de toutes ces rencontres et expériences, je me suis finalement posée avec un homme dont je suis tombée amoureuse et avec qui j’ai eu deux enfants.
Du coup, j’étais hétéro…
Et quand on s’est séparés, je suis naturellement allée vers les hommes… puisque j’étais devenue hétéro. Mais je n’arrivais pas à construire de vraie relation. Impossible de me lier émotionnellement avec un homme. Alors je suis retournée vers les femmes, et je suis retombée amoureuse.
Du coup on m’a dit “mais Lucie, en fait, t’es lesbienne ?”
Conclusion personnelle d’une fille qui ose parler de choses très intimes
L’amour et le désir sont des émotions qui nous dépassent totalement. On aimerait pouvoir quantifier, expliquer, donner un raisonnement logique… c’est une approche très scientifique de l’amour, trop d’ailleurs, à mon sens.
On peut aussi penser que j’étale ma vie personnelle et intime sur Internet, et c’est vrai, c’est un parti pris qui me dérange aussi, mais je pense que seul le partage d’expérience pourra faire avancer les choses et adoucir la peine de tous ces jeunes (et moins jeunes) qui souffrent de ne pas pouvoir exprimer ce qu’ils sont. Les choses sont en train de changer, mais il est aussi nécessaire de vulgariser, comme je le disais en introduction, pour atteindre les personnes qui ne sont pas encore conscientes de tout ça ; celles pour qui le fait que nous pouvons tous aimer qui l’on veut (entre adultes consentants) n’est pas une évidence.
Mais du coup Lucie, j’ai pas compris. T’es lesbienne ?
Lucie, pour Celles qui Osent
En attendant notre prochain article, n'oubliez pas de suivre notre podcast sur ces Femmes qui Osent
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