Si vous n’appartenez pas au monde médical, vous n’avez probablement jamais entendu parler de Florence Nightingale. Le domaine de la santé publique doit pourtant beaucoup à cette infirmière britannique née en 1820, qui a ouvert la profession d’infirmière aux femmes en créant une école modèle. Cette pionnière des soins infirmiers modernes, passionnée de mathématiques, a aussi contribué au développement de la statistique médicale. Mais qui était Florence Nightingale ? Quel a été son itinéraire ? Comment est-elle devenue une infirmière hors du commun ?
Florence Nightingale : une enfance stimulante dans une famille pieuse
Elle nait à Florence (d’où son prénom), dans une famille britannique fortunée, cultivée, engagée politiquement, mais aussi très attachée à la religion. Sa sœur Parthenope et elle reçoivent l’enseignement de leur père, diplômé de l’université de Cambridge. Florence aime étudier. Elle apprend plusieurs langues, l’histoire, la philosophie, et elle aime particulièrement les mathématiques.
Dès sa petite enfance, elle visite les personnes défavorisées de son village avec sa mère et sa soeur. Mais, contrairement à celles-ci, dont l’objectif est essentiellement de soigner leur image, elle a besoin de s’engager davantage. Au cours de l’hiver 1838, une épidémie de grippe sévit dans la région. Mais Florence n’est pas touchée, et elle soigne ses proches. Comme toute sa famille, elle est très pieuse et c’est à cette période qu’elle déclare avoir reçu un appel de Dieu. Celui-ci l’appellerait à son service et lui demanderait de s’engager pour servir ses semblables.
Le métier d’infirmière la tente, mais à l’époque, cette profession n’est pas acceptable pour une jeune fille de son milieu. Le soin est plutôt réservé aux classes sociales défavorisées. Ses parents s’opposent donc à ce projet. Elle continue malgré tout à visiter les malades dans les villages de sa région, et à s’intéresser aux questions sociales et aux soins hospitaliers en Angleterre.
Pour fuir les tensions familiales, elle part faire un voyage en Europe avec un couple ami de la famille. Ils visitent des hôpitaux, notamment en Italie. Elle rencontre en Allemagne le pasteur d’un hôpital luthérien et d’une école pour diaconesses (religieuses protestantes) à Kaiserswerth, près de Dusseldorf. Elle apprécie la qualité des soins dispensés par les infirmières de cet établissement. Cette rencontre s’avère déterminante. Elle prend conscience qu’il est nécessaire de mieux former le personnel soignant et de structurer plus efficacement les soins infirmiers pour optimiser l’organisation.
Une formation à la pratique du soin, prémices d’un travail de recherche
Ses parents finissent par respecter son choix, en l’aidant même financièrement par une pension confortable. Elle retourne dans cette école l’année suivante pour suivre une formation de soignante pendant quelques semaines. Cette initiation lui permet d’obtenir en 1853 un poste de surintendante à l’Institute for the care of sick Gentlewomen (Institut pour le soin aux dames malades) situé Harley Street à Londres, qui accueille les femmes de la haute société.
C’est là qu’elle commence à s’intéresser aux statistiques. Sans formation officielle, elle recueille une base de données auprès d’amis de sa famille bénéficiant de positions privilégiées, dans les sphères médicales ou politiciennes. Elle devient ainsi une experte dans la connaissance du milieu hospitalier, tant au niveau de la construction des structures que du fonctionnement des services de soin. En étudiant les chiffres, elle s’aperçoit que le taux de mortalité est plus important dans les hôpitaux qu’à domicile.
La guerre de Crimée, déclarée à la Russie en mars 1854 par la Grande-Bretagne, la France et la Turquie pour défendre l’Empire ottoman, est le théâtre d’un nouvel engagement pour Florence Nightingale. C’est de 1854 à 1856 qu’elle apporte sa contribution la plus marquante aux sciences du milieu infirmier. Les soins apportés aux soldats blessés sont vivement critiqués par le journal Le Times. Les décès ne sont pas tant causés par la guerre que par la maladie. Le ministre de la guerre, qui connait ses travaux de recherche, la sollicite pour introduire des infirmières dans les hôpitaux militaires de Turquie.
L’approche de Florence Nightingale : soigner et prendre soin
Elle arrive le 4 novembre 1854 avec 38 autres infirmières au Barracks Hospital, une caserne de Constantinople transformée en hôpital militaire. La situation est alors catastrophique. Le personnel est débordé et les blessés mal pris en charge. Le manque d’hygiène, avec une ration d’eau limitée à un demi-litre par personne et par jour, engendre de nombreuses infections. Les rats et les puces ont investi les lieux. De plus, l’hiver est très rude et il faut, en plus des blessures et des épidémies de typhus et de choléra, soigner les gelures.
Cet arrivage massif de “nurses” n’est pas vu d’un très bon œil par les médecins. Elles s’affairent néanmoins à nettoyer et à aérer consciencieusement les salles de l’hôpital, et Florence commence à organiser les soins différemment. Dix jours plus tard, de nouveaux blessés arrivent en nombre. La présence de toutes ces soignantes devient alors une aubaine.
Elle s’attache à améliorer la condition des soldats hospitalisés. Grâce aux soins d’hygiène, elle diminue le taux de mortalité de 40 % à 2 % en 18 mois. On la surnomme à cette époque « La dame à la lampe », car elle fait des rondes toutes les nuits avec sa lampe pour apporter du réconfort aux soldats.
Elle écrit également des courriers de la part des soldats à leur famille, et elle crée des salles de lecture. Florence se montre toujours dévouée et attentive, tant à la souffrance des malades qu’aux conditions sanitaires qui les entourent. Elle associe le soin au « prendre soin » et gagne ainsi l’estime et la sympathie de tous les soldats.
Organiser, coordonner, prodiguer et humaniser les soins ont fait partie de sa mission première. Mais bien elle portera bien d’autres initiatives, qui auront un impact tant dans son pays qu’à l’étranger.
Un travail de statisticienne qui a fait évoluer la Santé publique
En août 1856, quand elle revient après avoir veillé au rapatriement de tous les blessés dont elle avait la charge, son pays la reçoit comme une héroïne. Mais, après ces deux années épuisantes, elle souffre d’épisodes de dépression et de fièvres récurrentes. Elle reste souvent confinée dans sa chambre d’hôtel londonienne.
À la demande de la Reine, et malgré ses problèmes de santé, elle continue à lutter pour améliorer l’état sanitaire dans l’armée britannique. Après deux ans de travail aux côtés du ministre de la Guerre, la Commission royale pour la santé de l’Armée est constituée en 1858. Elle en est le fer de lance et rédige dans ce cadre un rapport de 1 000 pages sur ses observations à l’hôpital de Constantinople. Étayés de statistiques détaillées, ces constats permettront de transformer les normes et le système de santé britannique.
Elle contribue activement aux statistiques de l’Armée et des hôpitaux. Cette refonte des statistiques militaires, qui ont la réputation d’être les meilleures d’Europe, est l’un des grands apports de la Commission royale. Par ce travail, elle devient la première femme élue membre de la « Société statistique » en 1860. Ses travaux ont profité à son pays, mais également à l’évolution de la santé publique au niveau international.
L’École Nightingale, ses actions pour le féminisme, et de nombreux écrits
Elle travaille avec énergie à la revalorisation de la fonction d’infirmière. L’école d’infirmières qu’elle crée à l’hôpital St Thomas de Londres, un modèle du genre, dispense une formation en un an qui associe conférences et travail en salle. Elle s’implique dans l’organisation et la vie de son école, et vient chaque année à la rencontre de ses élèves. Les soignantes qui sortent de son institution assurent la formation du personnel, en Grande-Bretagne et à l’étranger, pour créer de nouvelles écoles de formation sur le même modèle. Les États-Unis adopteront sa méthode en 1873.
Florence Nightingale joue également un rôle actif dans le mouvement féministe anglais. Un de ses écrits, un essai intitulé « Cassandre », proteste contre la difficulté des femmes à accéder à l’autonomie. Elle a ouvert aux femmes le métier d’infirmière, en le valorisant par une formation de qualité. La profession y a gagné une image respectable et gratifiante. Elle fonde, en 1869, le Women’s Medical College (Collège médical des femmes).
Son livre le plus connu, « Notes on Nursing », qui parait en 1860, est traduit en 11 langues. Il reprend les principes essentiels de son approche : observation du malade et de son environnement, sensibilité aux besoins du patient, codification des soins. L’intégralité de son œuvre représente quelque 200 livres et rapports, dont l’un évoque les problèmes sanitaires de l’Inde en 1862. En 1864, elle instaure un système de soins à domicile et crée des maisons de naissance ainsi que des hôpitaux pour les pauvres et les malades mentaux.
La reconnaissance de la Reine Victoria et les honneurs de la nation
En janvier 1856, quelques mois avant le retour de Florence Nightingale de la guerre de Crimée, la Reine Victoria salue le travail remarquable de l’infirmière, en terminant sa lettre par ces mots : « Ce sera pour moi une très grande satisfaction […] de faire la connaissance d’une personne qui a donné un tel exemple à notre sexe ». Elle tient parole et reçoit Florence le 5 octobre 1856 dans son manoir écossais.
Elle a reçu de nombreuses récompenses, prix et honneurs pour son action : la Royal Red Cross (Croix-Rouge royale) décernée par la Reine Victoria en 1883 ; l’Ordre du Mérite en 1907 (elle est la première femme à le recevoir) ; le Honorary Freedom of the City of London en 1908. Par ailleurs, un musée porte son nom à l’hôpital St Thomas de Londres, où elle a fondé son école, et une statue à son effigie trône depuis 1915 place Waterloo à Londres.
Elle s’est éteinte le 13 août 1910, à l’âge de 90 ans, après une vie consacrée exclusivement à son oeuvre. Atteinte de fibromyalgie, elle était alitée depuis 1896, tout en poursuivant sa tâche. Elle a fait le choix d’être inhumée près de la maison de ses parents, dans le Hampshire, et a refusé des funérailles nationales à l’Abbaye de Westminster.
Florence Nightingale a donc joué un rôle primordial dans l’évolution des soins infirmiers, auxquels elle a su donner ses lettres de noblesse. Elle a étudié, constaté, analysé, écrit. Elle a écouté et soigné. Son action a été révolutionnaire dans la formation des soignantes, avec la création de la « méthode Nightingale » et son travail sur les statistiques médicales a permis de faire avancer le système de santé britannique et international. Elle a revalorisé le métier d’infirmière, dont la pratique des soins est passée de la charité des « dames d’œuvres » à une mission professionnalisée. Le monde entier célèbre les infirmiers et infirmières chaque année le 12 mai. Le jour de sa naissance.
Annie Lamballe – www.ecrits-et-recits.fr
En attendant notre prochain article, n'oubliez pas de suivre notre podcast sur ces Femmes qui Osent
1 Comment
[…] Qui était Florence Nightingale, pionnière des soins infirmiers? (29 août 2020). https://www.celles-qui-osent.com/biographie-florence-nightingale/ […]
Comments are closed.