14 % des Français sont tatoués[1] et plus de la moitié d’entre eux sont prêts à renouveler l’expérience. Preuve que le tatouage est très populaire à l’heure actuelle, mais cela n’a pas toujours été le cas. Encore récemment, celui-ci représentait un tabou, surtout pour les femmes. Mais aujourd’hui, si vous pouvez tenter aisément l’expérience, c’est grâce à des artistes courageuses. Ces femmes ont brisé les codes afin de permettre aux générations actuelles d’essayer ou non l’art du tatouage sur leurs corps. L’une d’elles s’appelle Maud Wagner, et elle est considérée comme l’une des pionnières dans ce domaine. Pourtant, elle n’était pas destinée à devenir ni tatoueuse ni une icône du féminisme.
Maud Stevens, l’artiste de cirque
Née en 1877, Maud Stevens a grandi dans le Kansas, un État connu pour ses cow-boys et ses vastes prairies, moins pour ses femmes révolutionnaires. Même si quelques années plus tard, une deuxième icône, Amelia Earhart y verra le jour, mais ceci est une autre histoire. Bien avant de devenir l’une des tatoueuses les plus reconnues au monde, Maud Stevens est une artiste de cirque. Très tôt, elle comprend qu’elle n’incarnera pas une vie de femme au foyer modèle. Elle troque tablier et tricot pour une existence de nomade, de saltimbanque. Douée de son corps, elle intègre une troupe de cirque en tant que : trapéziste, voltigeuse et contorsionniste. Ses multiples talents lui permettent de voyager à travers les États-Unis et de rencontrer un franc succès. Pourtant, ce n’est pas grâce à ses performances d’acrobates qu’elle va rentrer dans les livres d’histoire.
Sa rencontre avec Gus Wagner ou un rencard contre un tatouage
L’homme le plus artistiquement marqué d’Amérique
Sa vie itinérante la mène à l’exposition universelle de 1904 à Saint Louis dans le Missouri, où elle rencontre son futur mari : Gus Wagner. Un marin qui a traversé les océans du monde entier et qui aurait selon ses dires appris à se faire tatouer par des tribus dans les îles de Java et Bornéo en Asie du Sud-Est. L’individu est assez excentrique, d’ailleurs il avait pris pour habitude de se présenter comme l’homme le plus tatoué sur Terre (plus de 200 motifs sur le corps). Un slogan percutant et efficace qui lui permet d’attirer la foule partout où il s’exhibe. C’est pourquoi il représente l’une des belles attractions de l’exposition universelle. D’après la légende, c’est donc lors de cet évènement que Gus aurait courtisé Maud. En échange d’un seul rendez-vous, ce dernier aurait promis à sa dulcinée de lui apprendre l’art du tatouage. La drague des années 1900 est assez surprenante !
Ils se marièrent et eurent beaucoup de tatouages
Gus enseigne à Maud le stick and poke ou hand poked une pratique ancestrale qui consiste à piquer manuellement l’épiderme à l’aide d’une aiguille pointue et de l’encre. Cette technique nécessite concentration, patience et précision. Pourtant à l’époque, le dermographe (ou machine à tatouer) est déjà bien répandu auprès des tatoueurs professionnels. Mais Gus est fidèle à sa méthode old school. Une manière de tatouer qui restera sa signature et plus tard celle de Maud jusqu’à leurs morts. C’est avec son aiguille qu’il décore le corps de sa bien-aimée, qui se retrouve très vite couvert de dessins de la tête aux pieds. Une œuvre en chair et en os. Selon l’anthropologiste et auteure Margo DeMello, les tatouages de Maud représentent des motifs patriotiques, des animaux ou encore son patronyme (sur son bras gauche). En somme, des symboles typiques de l’époque. En 1907, soit trois ans et des dizaines de marques sur la peau plus tard, Madame Stevens épouse Gus et porte désormais le nom de Maud Wagner. Un mariage qui donnera naissance à un adorable bébé : Lovetta. Plus que sa compagne, elle devient son apprentie, sa muse et l’amour de sa vie. Personne ne la tatouera excepté son conjoint.
Maud Wagner : un héritage aussi artistique que féministe
De l’artiste de cirque à la tatoueuse professionnelle
Après leur mariage, les tourtereaux décident de se focaliser uniquement sur le tatouage, délaissant acrobaties, contorsions et autres voltiges pour les aiguilles et l’encre. Ensemble, ils montent un spectacle d’exhibition où ils montrent leurs corps entièrement tatoués, leur manière d’exprimer leur amour pour cet art. Ainsi, ils entreprennent un immense périple aux quatre coins des États-Unis, popularisant le tatouage à travers tout le pays. Pour l’époque, une femme à peine vêtue qui dévoile son corps recouvert de dessins permanents est un numéro à ne pas rater, tandis que la plupart des dames demeurent majoritairement au foyer.
En parallèle de leur représentation, le couple propose également des tatouages à leur public. Gus Wagner, showman et tatoueur reconnu fait un carton. En revanche, Maud éprouve des difficultés à attirer les foules, malgré sa maîtrise des techniques enseignées par son mari. Les clients masculins montrent des réticences à faire confiance à une femme tatoueuse, si bien que le duo doit user de stratagèmes afin que Maud se fasse connaître. Pour éviter que nos chers mâles soient rebutés par le fait d’être tatoué par le sexe opposé, Maud et Gus sont contraints d’inscrire uniquement le nom de monsieur. Cependant, une fois devant la jeune femme et son excellent travail, nombre d’hommes abandonnent leurs préjugés face à cette artiste hors du commun.
Le duo aurait piqué des milliers de clients à travers les États-Unis, introduisant cet art au sein des habitants. Malheureusement, Gus Wagner décède brutalement en 1941, frappé par la foudre. Pour autant, Maud ne renonce pas à son métier bien au contraire.
De la tatoueuse à l’icône féministe
Après la mort de son mari, Maud continue le tatouage et se bat pour vivre de sa passion.
Non, cette pratique n’est pas uniquement réservée aux hommes.
Non, ce n’est pas un symbole de déviance : n’importe quelle femme a le droit d’afficher ses tattoos.
Maud Wagner est souvent présentée comme la première tatoueuse, cependant il est plus que probable qu’elle ait eu des prédécesseures. C’est pourtant elle qui a su marquer l’histoire, en montrant que chaque personne a le pouvoir de disposer de son corps comme bon lui semble. À l’image du droit de vote, le tatouage a été une autre façon de se libérer de l’emprise masculine. Cette force, cette manière d’être et de penser, elle l’a transmise à sa fille Lovetta. À la disparition de son père, celle qui a réalisé son premier motif à 9 ans reprend le flambeau avec succès, au-delà même de la mort de sa mère en 1961.
En 2017, selon une étude de l’IFOP, il y a eu plus de femmes que d’hommes qui se sont fait tatouer. Où en serions-nous sans Maud Wagner ? Nul ne sait. En revanche ce qui est sûr, c’est qu’elle laisse derrière elle l’image d’une personne inspirante qui aura participé à sa manière au mouvement féministe du XXe siècle.
Et vous ? Avez-vous déjà succombé à l’art du tatouage ? (ou peut-être le ferez-vous après la lecture de cet article…)
Mike Ahamed 🙂
https://www.facebook.com/ahamed.mike.leredacteurdu37/
[1]Sondage IFOP 2017
En attendant notre prochain article, n'oubliez pas de suivre notre podcast sur ces Femmes qui Osent
2 Comments
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