Sonya Mellah est « zèbre », hypersensible émotionnelle à haut potentiel. Femme fascinante, avec une appétence insatiable pour le savoir, la culture et les autres, elle est l’une des voix de la radio musicale FIP. Actrice, elle a joué Noor dans Il bene mio de Pippo Mezzapesa en 2018, puis Mariam dans Soumaya en 2019. Celle qui est « presque née dans une tasse de café » retrace avec Celles qui Osent sa voie, son parcours de femme et de comédienne.
Enfant, Sonya Mellah écoutait les voix cosmopolites dans le café de ses parents
De la Méditerranée au café place de la République
Née à Paris dans le 9e arrondissement, Sonya Mellah est une petite fille qui a su très tôt que sa vie serait un défi. « Ma mère désirait un garçon et j’ai toujours eu ce sentiment de chercher ma place, en plein milieu de ma fratrie. » Ses parents viennent de la Méditerranée : son père est né en Algérie, qu’il quitte douloureusement pendant la guerre d’indépendance. Sa mère, elle, d’origine marseillaise et andalouse, voit le jour au Maroc. Ils se rencontrent à Paris. Place de la République, c’est le coup de foudre. Ils deviennent gérants de café dans la France des années 1980. Enfant, Sonya Mellah baigne alors dans une pluralité de langues et grandit au contact d’une population cosmopolite. Deux bars ont marqué sa vie : le Terminus et l’hôtel Restaurant de la Venue. « Il y avait des putes, des flics, des voyous, bref, de tout. J’étais fascinée par les clients. J’adorais écouter les histoires d’adultes. » Dès huit ans, elle lit le courrier pour des émigrés qui ne parlent pas français. « Je les aidais à écrire leurs lettres pour la prison, pour le bled. Les gens se confient sur leur vie, leur exil aussi. J’étais malgré moi détentrice de secrets. On me payait 5 francs par lettre, c’était un vrai business ! » Sa famille, c’était le café. Chaque client avait un surnom, un disque attitré pour le jukebox. « Mes parents travaillaient tout le temps. Parfois, je m’endormais près d’eux, sur la banquette du café. »
Des parents immigrés avant-gardistes
Très tôt, elle intègre que la vie, c’est le travail. Admirative de ces parents qui n’avaient rien en arrivant, elle réalise à quel point ils ont tout construit, tout bâti seuls. « Mes parents étaient des gens très “rock”, “anti-famille” : ils se sont mariés quasiment seuls en jean et on fait leur voyage de noces à Ibiza. Ils se sont affranchis du poids des traditions pour se créer un monde meilleur. Je crois que l’on a besoin de la mémoire, mais on ne peut pas se définir seulement par ses origines. On peut oser ne pas se sentir proche du pays d’où l’on vient. » Immigrés très « avant-gardistes », profondément libres, Sonya Mellah a “l’image de ce couple qui dansait des slows dans la cuisine en buvant du martini.” En vacances, ils ne partaient pas au “bled”, mais sur la Riviera italienne.
Un triple cursus conjuguant l’international, le cinéma et la littérature
Envahie par cette impression (assez féminine) de ne jamais en faire assez, Sonya Mellah réalise un parcours scolaire brillant. Elle entreprend des études en sciences politiques à l’École des hautes études internationale et diplomatique de Paris, entre à l’école d’Art dramatique Jean Périmony et à l’université de la Sorbonne. Plus tard, elle suit également le cours Giles Foremen du Drama Centre de Londres et les cours de danse classique de Elisa Freitas Machado. Passionnée par l’histoire de l’art, la littérature, les cultures du monde et le cinéma, elle conjugue dans un triple cursus tous ces savoirs avec brio.
Aller à la rencontre de l’autre
Plutôt jolie, à vingt ans, elle devient aussi modèle. « Je m’amuse à faire des photos pour des marques comme L’Oréal, ou pour des enseignes de bijoux en mannequinat détail ». Elle vit également une petite expérience de présentatrice télé sur Disney Channel et vendeuse dans un duty free à l’aéroport de Roissy : elle parle ainsi toutes les langues et adore ces échanges avec des personnes du monde entier. Sonya Mellah s’engage également comme interprète pour des migrants au sein de l’association Inter Service Migrant ISM Interprétariat. Elle écoute les histoires de ces Africains qui transitent par l’Italie ou de ces Maghrébins qui décident de tout quitter pour vivre une vie meilleure.
Sonya Mellah, amoureuse de L’Italie
L’italien, sa langue de cœur
Sonya Mellah est fascinée par l’Italie. Rapidement, elle désire apprendre sa « langue de cœur », celle de la musique et de l’opéra. Sans aucune origine italienne, « l’italien, c’est une vibration mystique, comme un parfum que l’on respire, je le connais déjà ». L’Italie pour elle « c’est la bonne latitude », le bon endroit, le compromis entre la France et l’Algérie. Elle s’y sent bien. « Là-bas, je suis moi-même, personne ne me parle de l’Algérie ou de ma recette de couscous ! »
La dolce vita italienne
“ Le cinéma italien m’a donné envie d’être comédienne ” Sonya Mellah affectionne tout particulièrement le cinéma néoréaliste, en noir et blanc, de Federico Fellini ou Vittorio De Sica, et se fascine pour des acteurs comme Marcello Mastroianni, ou par les figures affirmées de Sophia Loren et Anna Magnani. Un jour, Sonya Mellah a un déclic « il faut que je prenne mon destin, que je revienne à la source, et c’est en Italie que cela doit se passer. » Elle part travailler une saison comme barmaid à Portofino. Rapidement, elle se crée un nouveau réseau de milanais, Milan étant le siège de l’audiovisuel. Repérée, elle commence à faire des voix off et des doublages. « J’étais partie pour 6 mois et finalement j’y reste deux ans. J’y vis ma vie rêvée, entre la plage, le Prosecco et ma vespa. En Italie, je ne me suis jamais sentie autant française ». Malheureusement, sa dolce vita italienne est interrompue par un évènement familial. Son père, resté en France, connaît un grave problème de santé. Elle prend la décision de revenir auprès de lui, à Paris, puis de reprendre la fac.
Incomprise par le cinéma français
Comédienne de théâtre, attirée par la musique, la danse, l’esthétique du cinéma italien, la littérature, elle s’imagine embrasser une carrière d’actrice française. « J’avais étudié les grands textes, Shakespeare, Molière, Racine, je savais dire des alexandrins et je pensais que l’on allait me proposer des rôles dans ce registre-là. »
Malheureusement, quand elle passe des castings, on ne lui propose que des personnages « très typés ». « Mon premier agent m’envoie sur des castings de films urbains, de banlieue, dans lesquels je me plante complètement, car ce n’est pas mon univers. Je n’y arrivais pas, je n’étais pas armée pour cela. Ironiquement, je ne parlais pas assez bien l’arabe pour jouer les rôles d’immigrés, et j’étais trop française pour incarner la beurette. Dès le départ, je n’ai pas trouvé ma place dans le cinéma français. »
Trop brune, mais pas assez typée, Sonya Mellah se sent complètement incomprise.
C’est une profonde injustice. En colère, elle songe même à changer de métier. Pour devenir actrice, il faut un esprit endurant « les castings c’est neuf non pour un oui ». Là, elle doit faire face, de surcroît, à un délit de faciès. Elle parvient à jouer dans quelques films, dont le très beau Giulia de R. Stuart, mais elle reste fâchée avec son image.
Une carrière dans la voix pour Radio France – Interview Sonya Mellah
La voix de France pour la radio
Elle entame donc une formation « voix », là où personne ne la voit caricaturalement comme la « wesh » ou la « Fatima ». « La voix est une véritable porte d’entrée pour les personnages. C’est la profondeur dont on a besoin aujourd’hui » Quand elle ne joue pas, elle fait donc des voix. Cela compense une grande déception. Le directeur de son école envoie sa maquette sans l’aviser à Radio France. Quelques jours plus tard, elle est rappelée. C’est l’opportunité de rentrer dans une grosse institution avec France Culture, France inter… Elle se demande ironiquement : « Est-ce que cela va me permettre désormais d’être “labélisée” française ? » Sonya Mellah devient un personnage vocal qui transite sur des documentaires sur France inter ou france culture. En fabriquant de l’image par le son, elle se rend compte que « La voix est la chose la plus intime qui soit ».
Aujourd’hui, Sonya Mellah a la chance d’être une des voix de FIP, France Inter Paris. « Vous n’êtes plus là, vous êtes sur FIP ».
Cette station de radio musicale publique diffuse des musiques variées, éclectique, sans frontières : rock, chanson française, musiques du monde, hip-hop, blues, musiques électroniques, classiques… et fêtera ses 50 ans en janvier prochain.
Sonya Mellah, son premier rôle dans un film italien
Un jour de hasard, de coïncidence ou de chance, elle reçoit une offre de casting pour un long-métrage italien, Il bene Mio. C’est un premier rôle, alors de prime abord, elle croit que c’est un canular. Heureusement, on la relance et elle part donc faire les essais à Rome. Le réalisateur la choisit. « Huit semaines de tournage en Italie, où tout le monde me chouchoute. Là-bas, j’étais un peu “la tour Eiffel”. Rires
Sa vie actuelle est à Paris. Maman solo, séparée du papa de sa fille depuis très longtemps, elle élève sa jeune ado, Sara. À seulement 16 ans, celle-ci est enfant du spectacle à l’opéra-comique de Paris. Telle mère, telle fille… est-ce que le talent est héréditaire ?
Oser croire en ses rêves
Celles qui osent interroge Sonya Mellah sur les figures féminines inspirantes. Pour elle, Hannah Arendt est LA femme qui ose. Cette philosophe, qui préférait se définir comme une spécialiste de la théorie politique, a écrit des théories décrivant la nature, le fonctionnement du totalitarisme ou de la culture moderne. Ayant aussi étudié toute l’œuvre du médecin psychiatre Carl Gustav Jung, Sonya Mellah se passionne depuis dix ans dans la poursuite du fil de ses rêves, en cherchant à les interpréter. Écouter le langage de l’inconscient, de la nuit, pour savoir ce vers quoi on doit aller. Elle réalise un vrai travail d’introspection en notant dans ses petits carnets ses rêves. “S’il te plaît Inconscient, envoie-moi mes rêves”.
Cela vous dit d’essayer de croire en vos rêves ?
Sonya Mellah conseille à Celles qui Osent d’oser faire, de ne pas attendre que l’on vienne les chercher, d’arrêter d’attendre entre les désirs et les propositions. La comédienne de talent espère un jour pouvoir réaliser ses films et jouer ses propres rôles. Pour conclure, elle nous cite une très jolie citation de Victor Hugo : » Les plus belles années d’une vie sont celles que l’on n’a pas encore vécues. »
Un merveilleux avenir s’offre à toutes celles qui osent, nous en sommes convaincues !
Violaine B – Celles Qui Osent
En attendant notre prochain article, n'oubliez pas de suivre notre podcast sur ces Femmes qui Osent