« Jusqu’ici tout va bien, d’ici on ne voit rien ». Paroles poétiques, mélodies folk et voix cristalline : les chansons de la talentueuse Clou séduisent. De son vrai nom Anne-Claire Ducoudray, Clou est une chanteuse française, découverte par le grand public en 2014 lors d’un radio-crochet de France Inter, organisé par Didier Varrod. Invitée sur scène par Benjamin Biolay, Vianney, Dyonisos ou Boulevard des Airs, Clou est nommée aux Victoires de la Musique, en tant que révélation féminine de l’année : une consécration. Pour Celles qui Osent, Clou revient sur sa carrière de chanteuse, une vocation précoce…
Nous avons eu la chance d’interviewer Clou sur Celles qui Osent
S’empêcher d’oser croire en ses rêves
Issue de la classe moyenne, Clou grandit à Paris dans un vingtième populaire. Inscrite au conservatoire de piano, elle pratique aussi le judo « pour apprendre à se défendre ».
Son père est plutôt autoritaire : le carcan familial pesant « où les vannes de l’expression étaient fermées à double tour » l’incite à développer une vie intérieure riche. En dehors « c’était un bonheur pour moi d’aller à l’école ». Enfant très solitaire, elle va au cinéma, lit beaucoup, et chante déjà. « J’ai toujours chanté, des berceuses avec ma grand-mère, à la chorale du conservatoire. Avec ma sœur, on inventait même les mélodies des génériques de dessins animés ! » Elle écoute les CDs de Simon & Garfunkel, Paul Simon, Tracy Chapman, Joni Mitchell, Joan Baez, mais aussi Bob Dylan ou les premiers albums de Regina Spektor. La chanson française fait partie intégrante de l’enfance musicale de la jeune femme : Brassens, Renaud, Moustaki, ou Yves Simon, à qui elle a rendu hommage dans l’album Générations éperdues. En cachette, elle chante, joue, compose, passionnément. Sa timidité la dévore. « Pour ma famille, la musique ne pouvait être qu’un hobbie, pas un métier. »
Son année de master aux États-Unis, à New York, loin de Paris, est une révélation. » Je veux rentrer bilingue alors je m’entoure exclusivement d’Américains. NYC est une ville où les rencontres et les relations nouées sont faciles, mais assez superficielles… »
En trois mois elle réalise ce qu’elle n’a jamais fait en France : elle se libère de ses peurs artistiques et monte un groupe de musique amateur pour chanter ses propres compositions. « Je me sens autrice, compositrice et interprète ! ». En rentrant en France, elle devient attachée de presse bilingue anglais, dans une agence de mode.
Oser participer à un radio-crochet
En parallèle de son métier, en 2013, elle fonde un groupe de folk avec lequel elle enregistre ses premières maquettes et réalise des concerts dans les cafés et restaurants. En plus de sa formation de piano, Clou joue de la guitare. Ses chansons mêlent à la fois l’influence de la folk américaine et un « charme un peu gavroche ». Son surnom peu commun provient de son enfance « mes parents m’appelaient comme cela, car j’utilisais l’humour comme moyen de communication. Je suis vite devenue Anne-Clown, puis Clou. »
Un matin, elle ose participer à un Radio-Crochet sur France Inter : « je mets plusieurs jours pour envoyer deux chansons. Rapidement, ils me rappellent pour une audition puis les choses s’enchaînent. Je passe à la radio et termine deuxième du concours. »
Cette expérience lui permet de rencontrer des professionnels et conforte sa légitimité à exercer ce métier. « Je prends davantage confiance en moi. »
Ainsi, en 2016, elle réalise son premier mini-album éponyme Clou, de six titres, dans lequel elle raconte des histoires d’amour, et d’autres sujets plus pop comme une chanson sur Star Wars. Elle parvient à signer chez un éditeur indépendant, Because Editions. « Ces métiers sont longs, mais c’est indispensable aussi de prendre son temps. Échouer, recommencer pour s’améliorer. »
En 2018, elle réalise les premières parties de Vianney, et reprend le titre des Gauloises bleues sur l’album hommage à Yves Simon. L’année suivante, elle réalise un duo Back to one avec Cocoon sur son album Wood Fire, et fait quelques premières parties à La Cigale avec Vincent Delerm. « J’aime énormément le travail de Vincent, sa musique, ses photographies et ses films. » C’est donc naturellement que Clou a osé faire appel à lui pour son clip Comme au cinéma de Clou, réalisé pendant le confinement.
Nomination aux Victoires de la Musique : consécration
Clou est nominée aux Victoires de la Musique, en compétition avec Yseult et Lous and the Yakuza. « Ce n’était pas la meilleure année pour sortir un album alors cette nomination, c’était comme un cadeau. Cela met en lumière tout mon et celui de ceux qui collaborent avec moi. De plus, cette médiatisation donne encore plus de chance aux chansons. ». Son album intitulé Orages est un succès. Il raconte ses tourments, la solitude qu’elle ressent parfois face à l’agitation des autres. « Ce sont mes orages à moi. Cette image provient de Victor Hugo, du chapitre “ tempête sous un crâne” des Misérables. »
Son timbre est pur, sa voix cristalline. Comme une sportive, elle la travaille et la ménage. Persévérante, humble, Clou est capable de se discipliner et de se remettre en question, des qualités qui semblent indispensables pour réussir dans la chanson. « L’art est concret ; cela vient en faisant. Il faut tenter, parce que l’on va se planter, mais il faut commencer quand même. »
De plus, le talent ne suffit pas : il faut correspondre à l’époque, au moment. La voix, les mélodies sont des phénomènes de mode. Son producteur, Dan Levy, moitié de The Do est un coach exigeant. Clou m’avoue « Cela peut mettre jusqu’à dix ans pour être découvert du jour au lendemain. » La jeune femme n’est pas pressée. Sa volonté de ralentir le tempo de lutter contre cette frénésie actuelle, transparaît dans les paroles de sa chanson Je prends mon temps, « une ballade toute en arpèges construite comme un éloge de la lenteur dans une époque où la vitesse est une fausse vertu ». Son mantra ? Ad augusta per angusta, qui signifie « vers les sommets par les petits chemins ».
Dans l’industrie musicale, la chanteuse doit s’imposer. « Les femmes ont été silencieuses trop longtemps. Encore aujourd’hui, je me retrouve face à des gens qui ont du mal à comprendre que j’ai tout écrit et composé seule. » Clou est féministe, et les femmes qui ont eu un « rôle modèle » pour elle sont nombreuses. Elle me cite Annie Ernaux, « qui a osé écrire sur la vraie vie, en réalisant des ouvrages littéraires presque documentaires, du quotidien. Issue d’un milieu modeste, grâce à son seul talent et à l’école, Annie Ernaux est devenue une immense femme de lettres. »
Le contexte de pandémie actuelle freine les interactions sociales, les arts et la culture. « la scène me manque énormément. » Sa tournée devait commencer le 3 mars… Elle doit être reportée. Étouffée par des mois sans la scène, Clou reste optimiste. « Je suis toujours entourée de gens positifs. Pour aller bien, il faut être bien accompagné ! »
Violaine B — Celles qui Osent
En attendant notre prochain article, n'oubliez pas de suivre notre podcast sur ces Femmes qui Osent
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