Le prix Nobel est né en 1895 d’une volonté testamentaire, celle de l’inventeur de la dynamite, le chimiste suédois Alfred Nobel. Décerné par l’Académie royale des sciences de Suède, il récompense annuellement, depuis 1901, des personnalités qui ont apporté « le plus grand bénéfice à l’humanité » dans les domaines suivants : la littérature, la paix, la médecine et la physique. Depuis sa création, seules sept femmes ont été gratifiées du prix Nobel de chimie. Qui est la première et la dernière Française à être honorée de cette décoration ? Pourquoi une telle distinction est-elle attribuée pour ces deux femmes ? De 1911 à aujourd’hui, découvrez ces deux personnalités hors normes que sont Marie Curie et Emmanuelle Charpentier ainsi que l’impact de leurs innovations.
Marie Curie, première femme Nobel de chimie de l’Histoire en 1911
Les débuts de Marie Curie
Marie Curie est née maria Salomea Sklodowska, le 7 novembre 1867, à Varsovie en Pologne. Elle est issue d’une famille de quatre enfants, son père est enseignant et sa mère est institutrice. Excellente, elle est diplômée du secondaire en 1883. De là, elle souhaite poursuivre des études supérieures. En 1891, les Polonaises n’y ont pas accès, elle part donc pour Paris afin d’étudier la physique. En 1893, major en licence de physique, elle est récompensée d’une bourse qui lui permet de décrocher par la suite une licence en mathématiques. Dès lors, elle se dirige vers l’analyse de l’aimantation de divers aciers.
C’est dans ce cadre qu’elle rencontre Pierre Curie, physicien reconnu dans la piézoélectricité et chef des travaux de physique à l’école municipale de physique et de chimie industrielle. C’est ainsi qu’ils collaborent sur l’étude du magnétisme, l’alchimie opère entre eux de sorte que le 26 juillet 1895, ils se marient à Sceaux. Leur fille, Irène, voit le jour deux ans plus tard.
Les découvertes majeures de Marie Curie
Marie Curie cherche un sujet de thèse de doctorat, en 1897, elle s’intéresse alors à la découverte de Henri Becquerel : le rayonnement X. En conséquence, elle entreprend des travaux sur les rayonnements de l’uranium. En 1898, son mari se joint à elle pour étudier la radioactivité. Ils découvrent deux nouveaux éléments que sont le polonium, nom donné par l’Académie des sciences en hommage à son pays d’origine et le radium dont elle détermine la masse atomique.
Le 25 juin 1903, elle soutient sa thèse de doctorat en sciences physiques intitulée « Recherches sur les substances radioactives ». En 1910, avec l’aide d’un professeur André-Louis Debierne, elle parvient à isoler du radium sous la forme de métal pur.
Un prix Nobel de chimie décerné à Marie Curie en plein scandale
Le 10 décembre 1903, Pierre Curie, Marie Curie et Henri Becquerel reçoivent le prix Nobel de physique. Par la suite, Pierre Curie accède à une chaire de physique à la faculté des sciences de Paris, mais en 1906, il meurt tragiquement renversé par une voiture à cheval.
Endeuillée par la perte de son mari, elle continue tant bien que mal et on la nomme professeure à la Sorbonne. C’est ainsi qu’elle donne son premier cours inaugural, événement soutenu dans le monde entier, le 5 novembre 1906. La chaire de Pierre Curie, vacante depuis son décès, lui est attribuée et elle en devient titulaire en 1908.
C’est durant la tumultueuse année 1911 que l’affaire Langevin éclate. La presse nationaliste et xénophobe, qui existait déjà, accuse le physicien Paul Langevin d’entretenir une relation hors mariage avec Marie Curie. Cette même presse l’assimile à la « polonaise venant briser un bon ménage français ». Le ministre de l’Instruction publique intervient et encourage Marie Curie à retourner en Pologne…
Le 8 novembre 1911, au paroxysme de cette affaire, Marie Curie se voit informer d’une excellente nouvelle. Le comité Nobel lui décerne le prix Nobel de chimie. C’est « en reconnaissance des services pour l’avancement de la chimie par la découverte de nouveaux éléments : le radium et le polonium, par l’étude de leur nature et de leurs composés ».
Le comité Nobel la dissuade sous la pression politique et celle du scandale de venir chercher son prix. Malgré cela, elle ne cède pas et se déplace en Suède pour recevoir sa distinction à Stockholm, le 10 décembre 1911.
Marie Curie, une scientifique engagée dans la Première Guerre mondiale
En 1914, elle dirige le laboratoire de physique et de chimie de l’Institut du radium, dédié à la recherche médicale contre le cancer. Dès le début de la Grande Guerre, Marie Curie se mobilise et forme des femmes aides-radiologistes. Soutenue par la Croix-Rouge, elle met sur pied 18 unités mobiles de radiologie, appelées « petites Curies ». Si bien qu’avec l’aide de sa fille Irène, âgée de 18 ans, des millions de blessés bénéficient de meilleurs soins grâce à la détection des projectiles.
Finalement, Marie Curie, exposée longuement aux rayonnements des éléments radioactifs, déclare une leucémie. Elle décède d’une anémie, à 66 ans, le 4 juillet 1934 au sanatorium de Sancellemoz, à Passy, en Haute-Savoie. Le couple enterré initialement à Sceaux est transféré au Panthéon le 20 avril 1995, tout comme une autre « immortelle », Simone Veil. Somme toute, Marie Curie reste la seule femme à ce jour à être gratifiée de deux Nobel. Sa seconde fille Eve, auteure de renom, née en 1905, lui consacre une biographie intitulée : Madame Curie.
Emmanuelle Charpentier, la dernière Française récompensée du prix Nobel de chimie en 2020
Une autre Nobel de chimie, plus contemporaine, d’un style différent, Emmanuelle Charpentier est une chercheuse de 52 ans. Elle est la troisième Française primée, après Marie Curie, en 1911, et Irène Joliot-Curie en 1935. L’ambassadeur de Suède lui remet sa récompense le 7 décembre 2020, à Berlin, et non à Stockholm, pandémie oblige.
Les origines d’Emmanuelle Charpentier
Née dans le sud de Paris, dans l’Essonne, le 11 décembre 1968 à Juvisy-sur-Orge, elle grandit dans un milieu modeste. Elle ne s’imaginait pas alors devenir un jour prix Nobel. Benjamine d’une famille de trois filles, son père travaille comme responsable des espaces verts et sa mère, infirmière. Très tôt, elle a soif d’une vie unique fondée sur ses propres décisions, avec l’envie de se distinguer.
La formation scientifique et le parcours international d’Emmanuelle Charpentier
Emmanuelle Charpentier rêve du supérieur dès l’âge de 6, 7 ans, lorsqu’elle voit sa sœur aînée arpenter les chemins de la faculté. C’est pourquoi, intéressée par la recherche et par un travail intellectuel, mais libre, elle étudie la biochimie et la microbiologie à l’Université Pierre et Marie Curie de Paris. Elle obtient ainsi un master à la Sorbonne puis continue son instruction à l’Institut Pasteur. Doctorante en microbiologie en 1995, elle quitte la France en 1996.
Elle poursuit, en 2002, des études postdoctorat à New York. Quelques années plus tard, en 2009, elle est professeure et gère une équipe de recherche à l’université d’Umea, en Suède. Elle exerce aussi en Allemagne en 2013 en tant que professeure à la faculté de médecine de Hanovre et au centre de recherche des infections de Brunswick. En 2014, elle devient titulaire de la Chaire Alexander von Humbolt.
C’est en avril 2014 qu’elle cofonde avec deux associés, la société CRISPR Thérapeutics afin de développer la technologie CRISPR-Cas9. En 2015, elle accède à la direction de l’institut Max Planck de biologie des infections, à Berlin. Trois ans plus tard, elle prend la tête du centre de recherche Max Planck pour la science des pathogènes.
Pourquoi Emmanuelle Charpentier devient-elle Nobel de chimie ?
Emmanuelle Charpentier se passionne de la manière dont se défendent les bactéries contre les agents pathogènes. Aussi, elle identifie puis comprend les mécanismes moléculaires du système immunitaire bactérien CRISPR-Cas9 contre l’agression par les virus.
En 2012, en collaboration avec l’Américaine Jennifer Doudna, elle invente la technique des ciseaux génétiques CRISPR-Cas9. De fait, ces ciseaux moléculaires peuvent sectionner l’ADN de façon ciblée. Ainsi, l’homme peut corriger un gène, l’inactiver, ou le remplacer. Seulement 8 ans se sont écoulés entre cette découverte et le Nobel. C’est un cas rarissime, qui fait succéder en un temps record, des applications concrètes à la recherche fondamentale.
Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna sont récompensées par la plus prestigieuse des distinctions, celle du prix Nobel de chimie pour « le développement d’une méthode d’édition du génome. »
Les applications pratiques de sa découverte
Dès 2012, la communauté scientifique s’approprie cette technologie simple, rapide, d’une grande précision et peu coûteuse.
Emmanuelle Charpentier y voit une solution à la transition du secteur agricole. En effet, l’agriculture souffre de conditions difficiles avec le changement climatique. Ainsi, on peut modifier une plante pour accroître sa résistance aux moisissures, à la sécheresse et aux insectes ravageurs.
En médecine, les chercheurs mènent des essais cliniques pour développer des thérapies contre le cancer. En outre, de nouvelles perspectives s’ouvrent avec l’espoir de guérison des maladies génétiques.
Cependant, des interrogations bioéthiques demeurent en France autour de l’exploitation future de cette technologie révolutionnaire, avec le risque d’utilisations à mauvais escient.
Les découvertes de Marie Curie et d’Emmanuelle Charpentier ont transformé la médecine. La radiologie est devenue indispensable pour certains diagnostics. Avec la technique CRISPR-Cas9, les maladies sévères pourraient être guéries. De plus, en botanique, l’homme a la capacité de produire des plantes résistantes aux nouvelles conditions environnementales. Néanmoins, apparaît le manque de femmes dans le milieu scientifique, dans la recherche. Marie Curie comme Emmanuelle Charpentier représentent fièrement la gent féminine. Toutes les deux encouragent les jeunes filles à se lancer dans l’aventure scientifique.
Aïcha Benrebbah-Durand pour Celles qui Osent
En attendant notre prochain article, n'oubliez pas de suivre notre podcast sur ces Femmes qui Osent
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