Connaissez-vous la « grande dame des lettres canadiennes » ? Il s’agit de Margaret Atwood, romancière rendue célèbre grâce à son chef d’œuvre d’anticipation La Servante écarlate. Féministe, écologiste et visionnaire : de nombreux attributs qualifient tant son œuvre que sa personnalité. Portrait d’une femme talentueuse et engagée.
« Peggy » Atwood à l’aube d’une grande carrière littéraire
Une enfance en pleine nature : le cocon idéal pour un esprit créatif
C’est en 1939 que commence l’histoire de Margaret Eleanor « Peggy » Atwood. La jeune Canadienne passe une enfance heureuse auprès de sa famille dans les forĂŞts du nord du QuĂ©bec. Son Ă©veil pour l’Ă©cologie lui est transmis dès le plus jeune âge par son père, grand spĂ©cialiste des insectes. Ă€ ses cĂ´tĂ©s, elle explore l’environnement. Les livres et la nature constituent le quotidien de l’enfant et nourrissent son esprit curieux. C’est dans ce contexte propice Ă la contemplation et Ă l’imagination que l’artiste en herbe couche ses tout premiers mots sur le papier. Elle n’a alors que 6 ans et se passionne dĂ©jĂ pour la littĂ©rature.
Sur le chemin de la consécration
Dix ans plus tard, la jeune fille s’engage dans des Ă©tudes littĂ©raires. Élève prodige, elle reçoit très vite ses premières rĂ©compenses grâce Ă ses talents de poĂ©tesse. Elle poursuit ensuite sa formation dans les universitĂ©s les plus prestigieuses comme Harvard. Elle obtient ses diplĂ´mes avec brio et dĂ©bute alors une longue carrière d’écrivaine et d’enseignante. Si elle devient rapidement cĂ©lèbre outre-Atlantique, il lui faudra attendre 1985 pour Ă©tendre sa popularitĂ© au reste du monde. C’est en effet le livre La Servante Ă©carlate qui propulsera la romancière sur le devant de la scène littĂ©raire internationale. Aujourd’hui, sa notoriĂ©tĂ© est telle qu’elle est pressentie pour le Prix Nobel de littĂ©rature.
Les sources d’inspiration de Margaret Atwood
Voyages au cœur de l’Histoire
Avide de dĂ©couvertes depuis sa plus tendre enfance, l’Ă©crivaine se lance dès le dĂ©but de sa carrière dans un tour du monde. C’est Ă l’occasion de l’un de ses nombreux voyages qu’elle puisera l’inspiration pour Ă©crire La Servante Ă©carlate. Depuis sa chambre de Berlin-Ouest, elle imagine l’histoire d’une femme amĂ©ricaine prise au piège d’un rĂ©gime totalitaire. L’auteure raconte : « Le Mur Ă©tait tout autour de nous. (…) Je me souviens que j’étais moi-mĂŞme obligĂ©e de faire attention Ă ce que je disais, de peur de mettre quelqu’un en danger par inadvertance. Tout cela s’est retrouvĂ© dans mon livre. » Impossible donc de dissocier l’Histoire de son Ĺ“uvre : la plupart de ses scĂ©narios reposent en effet sur des faits historiques dont elle a Ă©tĂ© tĂ©moin.
Les auteurs qui l’ont influencée
Ses auteurs favoris ? Jules Vernes, George Orwell ou encore Aldous Huxley. Tous trois embrassent ses thèmes de prĂ©dilection : la nature et la science. Soucieuse d’offrir de la crĂ©dibilitĂ© Ă son art, l’écrivaine emprunte elle-mĂŞme une dĂ©marche quasi-scientifique. Elle multiplie les recherches sur les dĂ©couvertes technologiques et attache par ailleurs une grande importance Ă l’actualitĂ©. C’est la raison pour laquelle elle aime Ă se dĂ©finir comme une auteure de fiction spĂ©culative. Selon ses propres termes, « Le grand-grand-grand-papa (…) de la fiction spĂ©culative, c’est Jules Verne. Parce qu’il a Ă©crit sur des progrès vraisemblables, comme par exemple le sous-marin. »
La Servante Ă©carlate│Reflet d’une Ă©crivaine engagĂ©e
Margaret Atwood place son art au service des nombreuses causes pour lesquelles elle milite. Toute son œuvre est empreinte d’un ton assurément engagé. La Servante écarlate en est la parfaite illustration.
Une auteure féministe
Margaret Atwood est une fervente défenseuse des droits des femmes. Son arme pour lutter contre l’oppression masculine ? La puissance de ses mots. À travers son œuvre, elle met en exergue les dangers d’une société patriarcale. Cette préoccupation est étroitement liée à l’actualité. En effet, deux événements majeurs influencent le scénario de La Servante écarlate au moment de sa conception :
- l’interdiction de l’avortement et de la contraception en Roumanie ;
- la médiatisation d’une secte américaine fondamentaliste apparentant les femmes à des « servantes».
VoilĂ pourquoi le nom de l’Ă©crivaine est rĂ©gulièrement associĂ© Ă la cause fĂ©ministe. Ainsi, au lendemain de l’élection de Donald Trump, des centaines de manifestantes dĂ©filent dans les rues de Washington et scandent : « Rendez Margaret Atwood Ă la fiction ! »
Une romancière humaniste
Toutefois, l’auteure se dĂ©finit plus volontiers comme humaniste. Elle place au cĹ“ur de son rĂ©cit le caractère prĂ©cieux des libertĂ©s individuelles. L’hĂ©roĂŻne est prisonnière au sens propre (enfermement physique) comme au figurĂ© (enfermement mental). C’est alors sa quĂŞte de libertĂ© qui constitue le fil conducteur du roman. L’écrivaine use Ă©galement de son style incisif afin de mettre en garde contre la montĂ©e des totalitarismes. L’ouvrage est imprĂ©gnĂ© de la peur de l’effacement progressif de l’individu au profit de la sociĂ©tĂ©. La romancière y dĂ©peint un monde oĂą plane la menace de la dĂ©shumanisation. Dans ce combat en faveur de l’humanitĂ©, elle a Ă©tĂ© rĂ©compensĂ©e d’une trentaine de distinctions depuis le dĂ©but de sa carrière, telles que :
- le Prix humanitaire Ida Nudel en 1986 ;
- le Prix humaniste de l’année en 1987 ;
- le Prix de la paix en 2017.
Une Ă©crivaine Ă©cologiste
L’urgence climatique est un autre sujet dont s’inquiète la romancière. En effet, nombreux sont ses rĂ©cits qui s’inscrivent dans un contexte Ă©cologique alarmant, voire sous le joug d’une catastrophe environnementale. C’est le cas de La Servante Ă©carlate. Imaginez un monde dĂ©vastĂ© par la pollution chimique et nuclĂ©aire. Imaginez un peuple menacĂ© d’extinction par un taux de natalitĂ© presque rĂ©duit Ă nĂ©ant. C’est le point de dĂ©part de cet envoĂ»tant roman aux allures dystopiques. Dans ses tweets, l’auteure Ă©tablit Ă©galement des liens entre la dĂ©fense de l’environnement et les droits des femmes. Selon elle, l’Homme ne peut dominer la nature, tout comme l’homme ne peut dominer la femme. Certains critiques littĂ©raires la dĂ©finissent dès lors comme Ă©cofĂ©ministe.
Margaret Atwood, romancière (extra-) lucide ?
L’auteure canadienne est souvent qualifiĂ©e de « visionnaire », « clairvoyante », et mĂŞme « prophĂ©tesse ». Il est vrai que l’ensemble de ses rĂ©cits portent sur des scĂ©narios vraisemblables. Ses Ĺ“uvres – ou plutĂ´t ses chefs d’œuvres – suscitent d’inquiĂ©tantes rĂ©flexions sur nos sociĂ©tĂ©s contemporaines et leurs Ă©ventuelles dĂ©rives. Si vous ĂŞtes adepte des romans d’anticipation, ceux de Margaret Atwood trouveront une place de premier choix dans votre bibliothèque aux cĂ´tĂ©s des cĂ©lèbres 1984 de George Orwell et Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley. MĂŞlant savamment faits historiques, avancĂ©es technologiques, reculs dĂ©mocratiques et menaces Ă©cologiques, ses rĂ©cits nous plongent dans des univers aussi terrifiants que captivants. Mais peut-on pour autant considĂ©rer la romancière comme « prophĂ©tesse de la dystopie » telle que la dĂ©crit le magazine amĂ©ricain The New Yorker ? RĂ©ponse de la principale intĂ©ressĂ©e : « Je n’écris rien que l’humanitĂ© n’ait pas dĂ©jĂ fait ailleurs ou Ă une autre Ă©poque, ou pour lequel la technologie n’existerait pas dĂ©jà  ».
L’actualité de Margaret Atwood
La reine de l’adaptation littéraire
Si la « grande dame des lettres canadiennes » a connu ses premières heures de gloire lors de la parution de La Servante écarlate en 1985, elle a été de nouveau placée sous le feu des projecteurs en 2017 lorsque ce même roman a été porté au petit écran. Elle a participé au projet en revêtant les rôles de productrice et consultante. Le succès de cette adaptation a été retentissant, à tel point que d’autres projets ont suivi. Si vous préférez la toile au papier, découvrez sans plus tarder trois de ses romans majeurs transposés en séries :
- La Servante écarlate (The Handmaid’s Tale) ;
- Captive (Alias Grace) ;
- MaddAdam, diffusé prochainement.
Ses dernières publications
Cette auteure n’est jamais en panne d’inspiration ! Elle a rédigé des dizaines et des dizaines de romans, nouvelles, poèmes ou encore essais. Ses ouvrages sont traduits dans une cinquantaine de langues. Son dernier roman en date ? Les Testaments, paru en 2020. Il s’agit de la suite tant attendue de La Servante écarlate. En novembre de la même année, un recueil de poésies, Dearly, est également sorti. Il a été largement applaudi par la critique littéraire et défini comme « véritable manifeste de résistance poétique ». À plus de 80 ans, il est certain que cette artiste de renom n’a pas fini d’user de sa plume pour le plus grand bonheur de ses lecteurs !
Margaret Atwood est sans conteste une romancière de talent. Impossible de ne pas tomber sous le charme et le poids de ses mots, si lourds de sens et pourtant manipulés avec une infinie délicatesse. Tous ses ouvrages gagnent à être lus, relus et partagés. La marque de fabrique « Atwood » ? Le pouvoir de voyager dans le temps : s’inspirer d’un passé et d’un présent bien réels pour anticiper un futur possible. Le résultat est parfois effarant, certes, mais il offre de belles pistes de réflexion vers un avenir meilleur. N’est-ce pas là la mission première d’une écrivaine dystopique ?
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Émilie Ambroise pour Celles qui Osent
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