« Marinette Pichon ! » Si vous n’avez jamais entendu scander ce nom, n’essayez pas de faire croire que vous êtes une grande fan de football. En effet, le palmarès de cette championne est tel qu’elle avait été rebaptisée dans les années 2000, LA Zidane du foot féminin. Virtuose du ballon rond, avec une volonté à faire trembler les cages de but de ses adversaires, elle a été la première Française classée en tête des joueuses internationales. En dehors des terrains, sa ténacité lui a permis de s’épanouir en couple. Marinette Pichon et Ingrid Moatti ont réussi à construire une famille, en dépit des épreuves, des déceptions, et des préjugés. Aujourd’hui, l’ex-joueuse s’attache à transmettre aux autres l’art de la persévérance. Décryptage du parcours hors normes d’une icône du onze féminin.
Marinette Pichon, première footballeuse professionnelle française
Une place dans le jeu
Bien que dans l’hexagone, les femmes aient commencé à goûter au football depuis 1917, la Fédération française n’a accepté d’intégrer les équipes féminines qu’en 1970. Aussi, les clubs féminins ont attendu des décennies avant de prendre place sur l’ensemble du territoire. En 1980, Marinette Pichon a tout juste cinq ans, lorsqu’un entraîneur lui propose de poser ses petits pieds sur un terrain et de s’amuser parmi les garçons. Elle ne laisse plus le ballon et apprend le jeu avec ses nouveaux compagnons. Finalement, la partie s’achève quand elle atteint l’âge limite de 16 ans. La jeune fille est alors contrainte de rejoindre l’un des rares clubs féminins de l’époque, à Saint-Memmie, dans la Marne. Elle y reste 10 saisons et joue en 1994 son premier match en équipe de France.
L’aventure américaine
Au cours des années 2000, bien que Marinette ne parle pas un mot d’anglais, elle n’hésite pas une seconde à saisir l’opportunité d’intégrer un club professionnel aux États-Unis. Là-bas, le foot féminin a déjà ses lettres de noblesse. Ainsi, en 2002 elle signe un premier contrat chez les Philadelphia Chargers. De l’autre côté de l’océan, elle découvre un public qui se passionne pour le soccer (football) féminin, beaucoup plus suivi que le jeu masculin. Puis, en 2003, elle est reconnue meilleure joueuse par la WUSA (Women’s United Soccer Organization), la ligue professionnelle américaine. Ensuite, les succès s’enchaînent lorsqu’en 2004 elle remporte la Conférence de l’Est, avec les Wildcats du New Jersey.
Le palmarès d’une star du foot
Toujours plus aguerrie par son expérience et ses victoires d’outre-Atlantique, la « Zidane » du foot féminin revient sur le vieux continent. Ainsi, elle achève sa carrière au Juvisy FCF. En 2005, elle remporte avec le club essonnien un titre en Challenge de France. Elle est désignée meilleure buteuse de Ligue 1, avec un record de 38 buts. « Ne jamais rien lâcher », tel est son crédo. Avec la même équipe, elle gagne le Championnat de France en 2006. L’UNFP (Union Nationale des Footballeurs Professionnels) la reconnait, à deux reprises, Joueuse de l’année. Lorsqu’elle prend sa retraite en 2007, son palmarès d’attaquante, longtemps inégalé, affiche 182 sélections et 81 buts.
Un projet de famille, Marinette Pichon et Ingrid Moatti
Un mariage avec Ingrid Moatti
En dehors des terrains, l’ancienne internationale travaille au Conseil Général de l’Essonne. Elle y rencontre une autre sportive de haut niveau, Ingrid Moatti, championne de basket en fauteuil. C’est le coup de foudre ! Cependant, les deux jeunes femmes attendent la séparation d’Ingrid avec son conjoint pour commencer à former un dessein de famille. Enfin, après 7 années de Pacs, la loi autorisant le mariage gay en France est votée. Marinette, qui prône l’égalité des droits pour les couples, épouse en 2013 celle qui porte désormais le nom d’Ingrid Moatti Pichon.
Un coming out qui n’en est pas un
Marinette reconnait qu’avant de rencontrer Ingrid, elle n’assumait pas aussi ouvertement son homosexualité. Néanmoins, elle affirme n’avoir jamais fait réellement son coming out. Certes, dans l’hexagone, l’homosexualité dans le football reste un sujet tabou et bon nombre de joueuses préfèrent rester discrètes quant à leurs préférences. Pour sa part, Marinette n’aime pas mentir. Aussi, c’est tout naturellement qu’elle parle de sa vie amoureuse, espérant que cela puisse aider d’autres femmes. Afin de récompenser sa belle visibilité, en 2018 l’association des journalistes LGBT (AJL) lui décerne un Out d’or.
Un rude parcours de PMA
Pour satisfaire leur désir d’enfant, le couple s’engage dans un nouveau match. Pendant six ans, leur quotidien est rythmé par les allers-retours vers la Belgique où le recours à la PMA est autorisé. Les moments d’espoir et de déception se succèdent. Cependant, là encore, Marinette n’aurait jamais baissé les bras. Elle enchaîne six inséminations artificielles, en vain. Ingrid, à son tour, essuie cinq échecs avant de réussir à mener la grossesse à son terme. En décembre 2012, Marinette Pichon et Ingrid Moatti sont enfin les parents d’un petit Gaël. Marinette devient également la seconde personne homosexuelle à se voir octroyer un « congé de paternité » dans une collectivité territoriale.
La volonté de transmettre des valeurs
Un livre pour témoigner
« Ne jamais rien lâcher ». Encore une fois, comme l’exhorte le titre de son premier livre, l’ex-butteuse s’attache maintenant à témoigner de son expérience. Elle espère porter un message positif et inspirant. Sa passion pour le football lui a sauvé la vie, aime-t-elle répéter. Enfant, elle était maltraitée par un père violent physiquement et moralement qui, à force d’insultes, n’avait de cesse de la dévaloriser. Aussi, la petite fille a dû se résoudre à chercher ailleurs le soutien nécessaire pour pratiquer son sport, et échapper à l’enfer du quotidien. Grâce à l’appui sans faille de sa mère, elle pouvait retrouver les terrains sur lesquels elle partageait avec d’autres le bonheur de jouer.
Un camp foot féminin
Promouvoir encore et toujours l’égalité femme-homme dans le sport et développer le foot féminin, Marinette est résolue. Elle fonde en 2018 la Football Académie, une association qui propose des stages exclusivement dédiés aux filles de 9 à 17 ans. Chaque année, pendant une semaine, de jeunes joueuses, licenciées ou non, vivent en immersion complète dans la planète du ballon rond. L’occasion de se familiariser avec la tactique, la préparation mentale, la gestion du stress et d’y rencontrer quelques grands noms des terrains.
Une nouvelle vie au Canada
Bien qu’elle ait raccroché ses crampons depuis déjà quelques années, la retraitée renoue avec les terrains pour se lancer dans une nouvelle carrière d’entraîneure. En effet, le rectangle vert lui manquait et elle avait envie d’un nouveau challenge. Aussi, en 2019 elle répond à l’annonce publiée par l’Association Régionale de Soccers (ARS) du lac Saint-Louis, au Québec, où elle s’expatrie en famille. Elle s’y épanouit maintenant en tant que coach avec, affirme-t-elle, toujours la même volonté de tout analyser, de conseiller et d’accompagner son équipe.
Petite fille maltraitée et humiliée par son père devenue joueuse d’exception, femme portant fièrement ses valeurs, Marinette inspire toujours. La réalisatrice Virginie Verrier prépare un biopic sur cette grande championne au parcours frénétique. L’occasion de retrouver bientôt le récit de cette trajectoire et de cette ténacité légendaires sur écran géant.
Pour aller plus loin :
Ne jamais rien lâcher – M. Pichon, Brigitte Henriques, First, 2018
Caroline Ferreira pour Celles qui osent
En attendant notre prochain article, n'oubliez pas de suivre notre podcast sur ces Femmes qui Osent
4 Comments
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Salut Marinette,
Je suis contente de savoir que vous êtes heureuses et comblées, contente de savoir que ma petite Ingrid a trouvé le grand Amour après tant d’épreuve. J’ai beaucoup pensé à elle, à Maxim. Amitiée, Marine