Le storyteller est ce personnage de l’ombre qui rôde dans toutes les histoires. Son talent pour raconter est utilisé comme technique de communication politique, marketing ou managériale afin de promouvoir une idée, un produit, une marque. Mais son point différenciant avec la pure argumentation commerciale réside dans l’art du storytelling. Avec beaucoup de style, ce conteur se connecte au cerveau émotionnel pour en éveiller les sens. Sachant susciter l’attention, son pouvoir de séduction est un véritable aimant à émotions, favorisant le processus d’identification. Pour articuler son récit, son savoir-faire s’apparente à celui d’un scénariste. Mais le recours à la fiction fait-il de ce narrateur un artiste de la duplicité ? La vérité si je mens !
L’art du Storytelling, la connexion au cerveau émotionnel
C’est dans la tête, Docteur ! Pendant longtemps, le concept du système limbique comme siège des émotions, proposé par MacLean, s’est imposé chez les scientifiques. Aujourd’hui, cette idée est révolue et le cerveau émotionnel fait débat.
Pour simplifier, partons de la dichotomie raison versus émotion. Dans ce match de catch cérébral, la combattante de René Descartes va au tapis à chaque compétition ! Roger Schank, chercheur en sciences cognitives, explique cette suprématie émotionnelle par ce constat : « Les hommes ne sont pas idéalement conçus pour comprendre la logique, ils sont idéalement conçus pour comprendre les histoires. »
Rangez les calculettes, oubliez les équations mathématiques, la seule formule magique qui opère est le storytelling. Là où l’inconscient fonctionne à l’infini, le conscient à une mémoire tampon limitée. L’être humain mémorise des histoires et non des chiffres.
Comme un dernier uppercut à toute rationalité, la conscience, bien malgré elle, utilise également l’art de se raconter des histoires… pour justifier chacun de ses arbitrages. Gerald Zaltman, professeur à la Harvard Business School, affirme que 95 % de nos décisions d’achat se prennent inconsciemment. Sans aucune mauvaise foi, ce cerveau cartésien invente toujours des raisons pour justifier les choix inconscients.
Le storytelling exige un talent, aussi, la banalité est hors propos. Contre la rhétorique habituelle des données chiffrées, l’association d’une idée à une émotion exclut toute forme de trivialité. Robert McKeen, spécialiste renommé de l’écriture de scénario, le confirme :
« Il faut au contraire mettre en évidence la tension qui existe entre les attentes et la réalité dans toute son adversité. »
L’art de raconter des histoires : le conte de faits pour relier une expérience aux sens
Le storyteller n’est peut-être pas ce super héros tout beau et bien musclé, mais il sait faire preuve d’une certaine forme d’intelligence. Comme terrain de jeu, il préfère l’imaginaire au rationnel, et en particulier celui de son auditoire. Plutôt que de convaincre, il a l’art de faire vibrer. Son arme fatale ? Son histoire, et surtout ses dessous, c’est-à-dire, les dialogues et la mise en scène.
Le storytelling, l’exaltation des sens
Tout jeune, le storyteller est tombé dans la marmite du druide de l’empathie. Ainsi, l’intelligence émotionnelle fait partie de ses potions magiques. Par sa capacité à communiquer, il crée un lien étroit avec son public. Sachant aussi déchiffrer les émotions de l’autre, il exprime ses idées de façon intelligible pour qu’elles soient compréhensibles. Cette habileté exige :
- la connaissance du vocabulaire émotionnel ;
- un lexique riche pour décrire une émotion ;
- l’utilisation des déclinaisons d’une émotion grâce à des adjectifs précis.
Avec cette large palette des couleurs des sentiments et la précision de son coup de pinceau lexical, le conteur crée le lien indéfectible avec son audience. Tous les sens sont en émoi ; le lecteur est sous le charme.
Le storyteller, un magicien des temps
Certes, il n’est pas inscrit officiellement à l’ordre des psychologues. Cependant, il entre dans l’univers de son interlocuteur et en comprend ses moteurs.
L’exercice de la psychologie cognitive réside dans sa capacité à conjuguer à tous les temps. Il fait appel aux situations vécues du passé pour se projeter dans une version idéale au présent, voire au futur. Et le tout sans recourir à l’hypnose thérapeutique !
Susciter l’émotion étant plus efficace que le martelage commercial, chaque événement est mis en scène pour aller chercher un souvenir. Qu’il soit tendre ou mauvais, empreint d’un désir ou d’une peur, la baguette magique du storyteller rend justice avec, idéalement, un happy end.
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Le récit, un scénario à construire par son concepteur pour parvenir à captiver
Artiste polymorphe, le storyteller suit la logique implacable d’un scénariste. En effet, une bonne histoire contient tous les ingrédients d’un bon scénario :
- une théorie, ou le message porté ;
- un ou des protagonistes, et la diversité des caractères ;
- des thématiques développées correspondant aux valeurs prônées ;
- des éléments déclencheurs, des nœuds dramatiques, des rebondissements, voire du suspens ; rien de mieux pour tenir l’audience en haleine ;
- une arche dramatique, ou ce liant pour que le processus d’identification et d’adhésion fonctionne.
Sa seule entorse dans son script est parfois la confusion des genres. Sa recette scénaristique mélange facilement la comédie humoristique à l’intrigue quasi policière digne d’une Agatha Christie pour pimenter sa narration. Qu’il soit rustique comme notre Maïté hexagonale, ou plus glamour comme notre Cyril Lignac, ce chef conteur ne lésine pas sur les étoiles pour émerveiller son hôte.
Utilisé lors des campagnes électorales, le storytelling a longtemps traîné une mauvaise réputation. En effet, les spin doctors des candidats politiques maîtrisent les techniques scénaristiques pour redorer tous les blasons ! Aujourd’hui, le storyteller opère toujours dans l’ombre, mais dans d’autres sphères.
Désormais, Internet est l’une de ses toiles de prédilection. Faisant évoluer son art vers le corporate storytelling, la page à propos ou qui suis-je est son nouveau carnet d’écriture. Les femmes infopreneurs font appel à lui comme biographe du Web. L’histoire de la création de l’entreprise ou le mythe de sa fondatrice est l’élément fédérateur et déclencheur de la conviction et de la conversion. À l’heure de la visibilité, avant d’acheter une offre de service, le persona adhère avant tout à la personnalité et au parcours de la dirigeante. Et cette adhésion à la protagoniste crée cette relation de proximité ; l’internaute embarque dans l’aventure au détriment de la concurrence.
⏩ Vous voulez voir un exemple de storytelling ? Lisez cette page Qui suis-je et laissez-vous transporter par la folle histoire de Lucie Rondelet, la fondatrice du webzine Celles qui osent.
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Le Storyteller, le Mozart du bobard ?
Pour garder une dynamique, le storyteller utilise différentes techniques, avec entre autres :
- L’anecdote : cette confession, parfois intimiste, crée une pause dans le récit pour une meilleure compréhension des faits.
- Le témoignage : qui peut mieux parler d’une expérience au grand public que les clients d’une entreprise ?
- La success story : pourquoi les studios d’Hollywood auraient-ils le monopole des happy ends ?
- Le mythe et la légende : ces deux genres sont de formidables leviers romanesques !
Cette dernière technique ne fait pas de cet artiste un affabulateur. Le storyteller ne gère pas une succursale du Bureau des Légendes ! Choisir la fraude et le bluff dans la narration sape la confiance de l’audience. Seth Godin, ancien responsable du marketing direct de Yahoo, prône un storytelling intelligent. Par conséquent, la réalité dépasse toujours la fiction.
Oser parler des aspérités, des fragilités et des défauts du personnage fait partie intégrante d’un bon storytelling. Les faux pas et les erreurs de parcours sont autant de nœuds dramatiques. Inutile d’être une super héroïne aux super pouvoirs, ou d’être aussi conquérante qu’une guerrière onna-bugeisha, la sincérité est de mise. Robert McKeen, donne ce parallèle probant :
« Le tueur en série Hannibal Lecter (dans Le Silence des agneaux, NDLR) est drôle, charmant et brillant, et il mange le foie des gens. Le public apprécie l’authenticité d’un conteur qui n’ignore pas la face sombre des êtres humains et présente sans détour des événements adverses. Le récit fait alors naître chez ceux qui l’écoutent une énergie positive, mais réaliste. »
Bien que défini comme technique commerciale utilisée pour faire pencher la balance dans les processus de vente, l’art du storytelling est avant tout de créer un lien émotionnel. La mémoire et l’imaginaire sont deux sources où puiser des sensations vécues pour y trouver des points d’ancrage et susciter ainsi cette émotion. Le storyteller soigne la forme de son récit avec sa mise en scène, et la profondeur de ses dialogues avec sa richesse lexicale. Il navigue hors de toute réalité virtuelle ; la sincérité et l’honnêteté prévalent pour faire évoluer ses protagonistes.
✍🏼 Vous sentez-vous l’âme d’un storyteller ? Alors découvrez d’autres articles sur ce fabuleux métier sur le blog formation-redaction-web.com
Estelle Fontaine, pour Celles qui Osent
Sources :
- Havard Business Review :
– Quand privilégier les chiffres plutôt que les émotions pour vendre ?
https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2021/01/32972-quand-privilegier-les-chiffres-plutot-que-les-emotions-pour-vendre-un-produit/
– Storytelling : le jeu des 7 histoires
https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2017/08/16556-storytelling-jeu-7-histoires/
– Le Storytelling ou l’art de susciter l’émotion
https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2021/01/33186-le-storytelling-ou-lart-de-susciter-lemotion/
– Le cerveau émotionnel ou la neuroanatomie des émotions – CAIRN info
https://www.cairn.info/revue-cahiers-critiques-de-therapie-familiale-2002-2-page-73.htm?contenu=article
- Jean-Marie Roth, L’écriture de scénario
- Le storytelling en marketing
- https://www.dygest.co/seth-godin/le-story-telling-en-marketing
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