Comprendre ce qu’est la collapsologie pour mieux construire le monde de demain

Qu’en est-il de l’avenir de l’humanité ? Sommes-nous au bord de l‘effondrement de notre civilisation ? Comment construire le monde de demain ? Depuis la nuit des temps, les femmes et les hommes se sont creusés les méninges avec ces questions existentielles. Aujourd’hui, trouver des réponses est urgent. Très urgent même, selon le dernier rapport du GIEC. Pour nous aider à les imaginer, nous nous sommes penchées sur une théorie toute fraîche. Un courant de pensée transdisciplinaire : la théorie de l’effondrement ou collapsologie. Voyons plutôt.

La théorie de l’effondrement ou collapsologie : petite définition

Dépoussiérons nos livres de latin : le terme « collapsologie » vient de collapsus, qui veut dire « tombé en un seul bloc ». Pour une traduction plus proche de nous et qui nous servira à briller lors de notre prochain dîner entre amis, en anglais, to collapse signifie s’effondrer. La collapsologie est donc la théorie de l’effondrement. « De l’effondrement de quoi ? ». Eh bien, de notre civilisation !

Ce terme est inventé en 2015 par Pablo Servigne et Raphaël Stevens dans leur livre Comment tout peut s’effondrer ? Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations, préfacé par Yves Cochet, ancien ministre de l’Environnement. Pablo Servigne est ingénieur agronome, biologiste et « spécialiste des questions d’effondrement ». Raphaël Stevens est « éco-conseiller » et expert en résilience des systèmes socioécologiques.

Qu’appelle-t-on un effondrement de civilisation ? Dans son livre, Pablo Servigne explique :

« L’effondrement, c’est le processus à l’issue duquel les besoins de base (eau, alimentation, logement, habillement, énergie, etc.) ne sont plus fournis à une majorité de la population par des services encadrés par la loi ».

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Pablo Servigne
Pablo Servigne, auteur et chercheur interdisciplinaire (créateur avec Raphael Stevens du concept de collapsologie), à Montpellier, le 8 octobre 2018, lors d’une conférence organisée par Sup Agro.

Ce qui veut dire, grosso modo, que nous allons manquer de tout, parce que nous sommes trop nombreux et que nous avons trop pollué. Cela va engendrer une vague de catastrophes naturelles, créant une panique mondiale, voire, la fin du monde. Voilà voilà, bonne journée à vous aussi.

L’effondrement de la civilisation : les raisons d’une telle popularité aujourd’hui

Hello pandémie de 2020. Qui ne se rappelle pas des scènes apocalyptiques dans les magasins lorsque le confinement fût annoncé ? Chômage technique, pénuries, virus, anxiété… Il est aisé de penser que cette crise sanitaire est l’un des signes avant-coureurs d’un effondrement de civilisation proche. Bien sûr, nous en avons vu d’autres, des crises : guerres, famines et maladies ont marqué depuis toujours notre histoire. Mais cette fois, c’est différent.

Pourquoi ? Parce que jusqu’alors limitées à un seul domaine bien défini, cette crise sanitaire Covid-19 met en branle l’interconnexion de tous les éléments de notre écosystème et remet en cause nos modes de vie à tous les niveaux. Pour Pablo Servigne, la pandémie liée au coronavirus est une « crise cardiaque générale », qui montre « l’extrême vulnérabilité de nos sociétés ».

Les collapsologues ont pour mission de nous alerter sur la gravité du caractère irréversible d’un effondrement de civilisation prochain. Ils ont trouvé en cette pandémie un parfait exemple pour illustrer leur théorie et nous dire que c’est le début de la fin, si nous n’ouvrons pas vite les yeux. Pourtant, malgré sa popularité actuelle liée aux crises modernes, cette idée de collapsologie – ou théorie de l’effondrement – ne date pas d’hier.

La fin de notre civilisation : un concept vieux comme le monde

La collapsologie trouve ses racines dans le Nouveau Testament et les croyances religieuses moyenâgeuses. L’ Apocalypse est l’une des premières formes de collapsologie étudiée par les historiens. En Occident, 82 fins du monde ont été annoncées depuis Nostradamus sans qu’aucune ne se soit concrétisée. Preuve en est, vous lisez cet article aujourd’hui.

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Bref, le thème du déclin, de la chute ou de la disparition des civilisations – Empire romain, Atlantide, Mayas, etc. – n’a rien de nouveau. À partir du 20ᵉ siècle, beaucoup d’intellectuels ont entrepris d’étudier la question, disséquant les impacts négatifs de nos modes de vie hyper industrialisés. En 1972, un groupe de réflexion réunissant économistes, scientifiques et industriels dirigé par Donella et Dennis Meadows, produit un rapport qui se nomme Les limites à la croissance. Actualisé en 2012, ce modèle illustre depuis, les différentes théories sur l’effondrement de la civilisation industrielle en cours et à venir.

Collapsologie et théorie de l'effondrement infographie Meadows

Ce rapport explique que notre système économique a des limites physiques, que nous allons dépasser entre 2020 et 2030. Dans une interview donnée au journal Le Monde en 2012, Dennis Meadows dit :

« Dans les vingt prochaines années, entre aujourd’hui et 2030, vous verrez plus de changements qu’il n’y en a eu depuis un siècle, dans les domaines de la politique, de l’environnement, de l’économie, la technique. Et ces changements ne se feront pas de manière pacifique ».

L’humanité au bord du précipice ?

Alors, y sommes-nous déjà, à cet effondrement global ? Oui et non. Le sujet est controversé. Beaucoup de scientifiques appuient l’idée que l’effondrement de notre civilisation est déjà en cours. À la suite des catastrophes naturelles récentes (incendies, tsunamis, tremblements de terre, épidémies, etc.), les faits font plutôt pencher la balance du côté des collapsologues.

Cependant, il n’est pas forcément question de fin du monde comme cela le serait dans un film apocalyptique. On peut souffler (un peu). Ce serait plutôt la fin de « notre » monde tel qu’il est aujourd’hui. Le matérialisme, le capitalisme et le patriarcat sont montrés du doigt. Ils ont permis le progrès, certes, mais ce modèle est à bout de souffle. Vieux de 200 ans, basé sur la cupidité, l’individualisme et la destruction, nous avons malheureusement oublié que nous faisons partie de cet écosystème qui nous maintient en vie.

Dans son interview pour le podcast Nouvel œil, Pablo Servigne formule une phrase importante :

« Il faudrait abolir le mot nature. Le mot nature est terrible parce qu’il dit notre séparation entre les humains et la nature ».

Il est grand temps d’oser comprendre que nous sommes la nature.

La bonne nouvelle ? C’est que les personnes qui s’intéressent à la théorie de l’effondrement ne sont pas fatalistes, résignées ou enclines à broyer du noir dans leur cabane dans les bois. Au contraire, elles tentent de trouver des solutions innovantes pour instaurer un système de résilience collective pour un avenir plus optimiste.

Ensemble, construire le monde de demain

Même s’il va être difficile à éviter, il n’est pas encore trop tard pour se préparer à un effondrement. Mais il va falloir s’activer rapidement, les collapsologues affirment que nos jours sont comptés.

Dans son dernier livre, Une autre fin du monde est possible, Pablo Servigne appelle à renforcer les solidarités, le local, l’autolimitation et l’autonomie, car il se considère comme vivaliste. À la différence des survivalistes (vous savez, ceux qui stockent de la nourriture, achètent des armes et se construisent des bunkers ? Oui, ça existe pour de vrai, même en France), le vivaliste se veut positif et bienveillant. Ouf.

D’après les collapsologues, les actions à mettre en place devront être basées sur deux concepts : la joie et la sobriété. Aller à l’essentiel et nous délester de ce qui est superficiel.

Nous observons déjà une mutation de notre société :

  • passage d’une culture de la propriété à celle de l’usage ;
  • envie de vies plus minimales ;
  • recours à des circuits plus courts ;
  • achats dans des boutiques écoresponsables ;
  • volonté de ne plus manger d’animaux ;
  • placement de notre argent dans des banques éthiques.

Un vent de renouveau souffle sur nos modes de vie, même si ce n’est, pour le moment, qu’une simple brise. Ces solutions nous font espérer un monde moins sombre. Et si cet effondrement n’était que l’évolution logique et progressive de notre civilisation ? Et si nous pouvions faire un effort collectif pour reprendre notre futur en main ? C’est ce qu’ont le courage de penser de nombreux activistes et militants comme Camille Étienne.

Le mot de la fin (pas du monde, mais de l’article)

Certes la réalité fait mal : réchauffement climatique, disparition de la biodiversité, crises économiques, aggravation des inégalités… Selon une étude financée par l’ONG Avaaz, 75 % des 16-25 ans jugent le futur « effrayant ». La question d’un avenir heureux se pose donc plus que jamais aujourd’hui. Car la maison brûle vraiment : il n’est plus désormais question du déclin d’une civilisation, mais de la source de la vie elle-même. La collapsologie ou théorie de l’effondrement nous pousse à regarder en face ce que nous avons envie d’ignorer. Ce courant de pensée peut nous aider à planter ensemble les graines d’un futur meilleur pour l’humanité. Alors qu’attendons-nous pour avoir l’audace de faire un pas dans la bonne direction ? 💚

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Laura Montoro, pour Celles qui Osent

Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW.

Sources :

https://www.franceinter.fr/la-collapsologie-et-le-survivalisme-renforces-par-la-pandemie-de-covid-19
https://www.wwf.fr/vous-informer/actualites/rapport-giec-2021?gclid=Cj0KCQjwqKuKBhCxARIsACf4XuHnOzB4HtutDuitGAROvqLeuwCixjr_4jF42lBjyqLJtLFnP24pc0gaAvVIEALw_wcB
https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/

En attendant notre prochain article, n'oubliez pas de suivre notre podcast sur ces Femmes qui Osent

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