La Joconde tout le monde connaît, non ? C’est quand même le tableau le plus célèbre du monde ! Mais ce n’est pas seulement une peinture de Léonard de Vinci : il s’agit du portrait d’une femme qui a fait couler beaucoup d’encre. Elle en a subi des épreuves. On a tenté de la faire parler et l’on a dit tout et son contraire à son sujet. Sur cette œuvre, une somme de mystifications a été construite. Mona Lisa est devenue, bien malgré elle, une icône, mais aussi une cible et un objet de convoitise. Il y a 110 ans, un homme la dérobait et lui aura ainsi permis de devenir ce chef-d’œuvre mondialement connu. L’histoire de La Joconde, ce sont des faits, parfois rocambolesques, et de nombreuses fictions créées de toutes pièces. Le secret de Mona Lisa réside-t-il dans son sourire énigmatique ou bien dans le regard qu’on lui porte ? À moins qu’il ne se trouve dans sa trajectoire audacieuse. Car déjouant tous les sorts de l’Histoire, La Joconde n’a cessé de se réinventer.
Qui est Mona Lisa ? Un feuilleton sans fin pour connaître sa véritable identité
Ce tableau a fait l’objet de nombreuses études et interprétations par des experts plus ou moins compétents. Et l’identité de Mona Lisa a été maintes fois contestée. Alors, qui se cache réellement derrière ce portrait ? Les hypothèses sont très nombreuses et certains spécialistes ont même avancé qu’il s’agirait d’un homme.
Pourtant, tout porte à croire que la femme représentée est Lisa Gherardini, l’épouse de Francesco del Giocondo. Ce marchand d’étoffes florentin est d’ailleurs le commanditaire de l’œuvre. Un livre de Vasari publié en 1550 témoigne qu’il s’agit bien d’elle (référence en bas de l’article). En voici un extrait :
« Lionardo entreprit pour Francesco del Giocondo de faire le portrait de sa femme, Mona Lisa […] Mona Lisa étant fort belle, pendant qu’il la portraiyait, il faisait jouer ou chanter et avait continuellement recours à des bouffons qui la fissent demeurer gaie, afin d’ôter cette mélancolie que la peinture a coutume de donner lorsque l’on fait des portraits. » Giorgio Vasari, 1550.
« Giocondo » signifie « heureux » en italien. Léonard de Vinci aurait donc utilisé le sourire comme emblème pour cette femme en jouant de la signification de son nom d’épouse.
Enfin, « Mona » (parfois orthographié « Monna ») est une contraction de Madonna, qui signifie « Madame ». On la surnomme aussi la Gioconda (d’après le nom d’épouse de Lisa del Giocondo), qui a été francisé « la Joconde ».
Mais le mystère continue à être entretenu. Il n’est pas étonnant qu’une œuvre qui fait déplacer 30 000 visiteurs par jour (selon un article du journal Le Monde en 2019) fasse toujours autant parler d’elle.
L’histoire de La Joconde, ou plutôt la saga
Chronologie d’un tableau parvenu à une célébrité exceptionnelle
- 1503 : Léonard de Vinci débute la création du Portrait de Mona Lisa.
- 1518 : Le roi François Ier achète le tableau (mais le peintre le conserve pour en poursuivre son exécution).
- 1519 : Mort de l’artiste. Il a travaillé 16 années sur cette œuvre qui restera inachevée.
- 1797 : La Joconde arrive au musée du Louvre après avoir séjourné à Versailles durant l’Ancien Régime.
- 1911 : Vol du tableau.
- 1913 : Il est retrouvé en Italie chez un ancien ouvrier du Louvre !
- 1914 – 1918 : On le met en lieu sûr pendant la guerre (à Bordeaux et à Toulouse).
- 1939 – 1945 : L’œuvre est de nouveau cachée (dans la Vallée de la Loire et le Quercy).
- 1956 : Un homme la vandalise en jetant une pierre qui brise sa vitre et endommage le coude gauche de Mona Lisa.
- 1963 : La Joconde devient ambassadrice de la France aux États-Unis. Elle est accueillie par le président Kennedy et exposée à Washington, puis à New-York.
- 1974 : Dernière sortie pour Mona Lisa, au Japon et en Russie (également pour représenter la France). Deuxième attaque par une femme à Tokyo, mais sans conséquence, grâce à la vitrine protectrice.
- 2005 : Pour accueillir la foule de plus en plus nombreuse, Mona Lisa est désormais seule au centre de la salle des États (la plus grande salle du musée).
- 2009 : Troisième attaque de l’œuvre par une femme qui jette un mug en direction du tableau, mais la vitrine a encore été renforcée et est devenue inattaquable.
Le vol de La Joconde fait décoller sa cote de popularité
La Joconde n’a pas toujours été ce chef-d’œuvre de la Renaissance italienne mondialement connu et que tout le monde a déjà vu, au moins en photo. Ce portrait n’a d’ailleurs pas été exposé tout de suite lors de son arrivée au Louvre. Il a fallu quelques années pour qu’on lui porte un intérêt assez grand et qu’il soit montré au public. Puis, durant plus d’un siècle, il a séjourné dans une galerie entouré d’autres peintures.
Mais en 1911, un événement va mettre les projecteurs sur Mona Lisa, puisqu’elle s’est envolée. La presse s’empare de l’affaire et des récompenses sont promises. Le vol du tableau devient un sujet populaire. Pendant deux ans, il est recherché, sans succès. Et en 1913, Vincenzo Peruggia, qui fut ouvrier vitrier au Louvre, propose la peinture à un marchand d’art italien. C’était bien trop risqué, puisque ce dernier prévient la police : La Joconde est retrouvée !
Les aventures de ce tableau perdu ont fortement contribué à accroître sa popularité. Le Portrait de Mona Lisa n’était alors plus une peinture comme les autres.
Mona Lisa réfugiée pendant les deux guerres mondiales
À peine revenue au Louvre, La Joconde repart. Là aussi, il s’agira d’un voyage clandestin, mais cette fois, il se fera avec l’aval du conservateur du musée qui a osé organiser cette escapade. Pour protéger le tableau, on le cache durant toute la Première Guerre mondiale à Bordeaux, puis à Toulouse. Il ne rentrera au Louvre qu’en 1918.
Et Mona Lisa n’aura que 20 ans pour se reposer, puisque la Seconde Guerre mondiale entraînera de nouveau son exil, afin de la soustraire aux pillages des œuvres par les nazis. Cette fois, elle se réfugiera aux châteaux de Chambord et d’Amboise, à Montauban, mais aussi dans le Quercy. Puis elle retrouvera le Louvre en 1945.
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Ainsi, après avoir été volée, Mona Lisa circule clandestinement. Elle est devenue une grande voyageuse du siècle. La vie de ce tableau est marquée par des événements historiques, mais également par plusieurs attaques d’individus et c’est là le signe que ce n’est pas uniquement une peinture, mais que La Joconde est devenue un symbole. Tout cela participe à la création du mythe, et les légendes et détournements dont elle fait encore l’objet l’intensifient.
Le secret de Mona Lisa pour demeurer immortelle : les fake news
On ne peut pas présenter la trajectoire de ce tableau sans évoquer la somme de commentaires et de fables qu’il a suscitée.
⏩ Pour découvrir l’histoire de l’art d’un point de vue féministe, lisez cet interview de Margaux Brugvin.
Les fake news qui surgissent régulièrement autour de ce chef-d’œuvre viennent alimenter le mythe de La Joconde. Et plus celui-ci est grand, plus les affabulations sont nombreuses. C’est un cercle vicieux qui accroît sa légende. Ainsi, on ne cesse de parler d’elle et elle en devient immortelle.
Certains ont prétendu qu’il ne s’agissait pas de l’épouse de Francesco del Giocondo, mais d’une maîtresse de Julien de Médicis. Sans doute que l’intérêt de cet homme d’État italien pour le tableau aura suffit à construire ce premier mythe dans l’histoire de La Joconde. Est-ce à dire que pour les commentateurs de l’art, une épouse a moins d’intérêt qu’une maîtresse ? Je vous laisse en juger.
Son voile est pour certains « experts » le signe qu’elle portait le deuil, et pour d’autres, qu’elle était enceinte. Son sourire étrange serait la marque d’une maladie. Syphilis, dépression ? Aucun consensus scientifique n’a été trouvé quant à l’origine de sa souffrance. D’autres « savants » se sont même mis à interpréter les craquelures de la peinture, y voyant des messages…
Comme le dit Mathieu Vidard à la fin de sa chronique sur France Inter :
« Si vous souhaitez vous faire connaître à peu de frais, prenez le tableau le plus célèbre du monde, inventez n’importe quelle fake news à son sujet et vous serez certain de tutoyer à votre tour l’ivresse de la célébrité. »
La Joconde, comme toutes les stars, a sa part d’ombres et ses légendes. Le monde s’est accaparé ce tableau. Et c’est la marque d’un chef-d’œuvre : il s’extrait de son temps et de son histoire en traversant les époques avec toujours quelque chose à nous dire.
« C’est moi que j’suis La Joconde / Que de mots vains on m’inonde / Critiques, artistes abondent / En intarissables facondes […] » Paul Braffort, chanté par Barbara en 1958.
Alors d’après vous, quel est le secret de Mona Lisa ? Et qui de la foule ou de l’œuvre en a fait le portrait le plus célèbre au monde ?
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Émilie Rousseau pour Celles qui osent.
Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW.
Bibliographie :
Vies des artistes, Giorgi Vasari, Grasset, 2007 [1550].
Sources :
https://www.louvre.fr/decouvrir/le-palais/de-la-joconde-aux-noces-de-cana
https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010062370
https://www.fondationresistance.org/documents/dossier_them/Doc00103.pdf
https://www.erudit.org/fr/revues/museo/2011-v5-n2-museo02113/1033515ar/
https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/08/02/la-jocondomania-un-casse-tete-pour-le-louvre_5496054_3246.html
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