Une femme sur dix déclare boire de l’alcool tous les jours. Les buveuses excessives représenteraient entre 500 000 et 1,5 million de personnes en France. Pour le professeur Michel Reynaud, un des précurseurs de l’addictologie, la situation est inquiétante d’autant que la consommation d’alcool causerait 4 % des décès féminins dans l’Hexagone. Dans un pays qui sacralise le vin, une femme qui boit est festive, drôle… presque patriotique. Boire est même devenu une norme sociale. Dans son livre Sans alcool, Claire Touzard, journaliste et grand reporter, raconte son sevrage. « Être sobre est bien plus subversif qu’on ne le pense ». Elle nous livre le journal amer d’une « alcoolo planquée ». Celles qui Osent aborde le sujet tabou de l’alcoolisme chez les femmes à travers le témoignage d’une femme qui est parvenue à se libérer de son addiction.
L’alcoolisme chez les femmes : un art de vivre ?
Claire Touzard a longtemps cru que l’alcool était dans son ADN. Dans sa Bretagne natale, il est familial, bon enfant et source de partage. Il est admis que son père boit trop. Adolescente, elle pratique avec ses amis le binge drinking qui consiste à boire le plus possible en un temps record. C’est une sorte de rite initiatique pour entrer dans l’âge adulte.
« À 20 ans, tu n’as pas d’amis si tu ne bois pas. »
Le premier verre semblait pourtant prometteur…
Peu à peu, l’alcool se place au centre de la vie de Claire. Elle identifie les causes profondes de sa quête d’ivresse : la solitude, la dépendance affective et une forme d’anxiété sociale. Le monde l’effraie. Boire, c’est combler un vide et oublier la peur. Les personnes maladives du contrôle comme elle sont celles qui s’abrutissent le plus avec les addictions. Quand on manque de confiance en soi, l’alcool permet de devenir momentanément quelqu’un d’autre. D’ailleurs, on excuse facilement les gens bourrés de faire n’importe quoi dans la rue. « L’ivresse est un formidable passe-droit ! » Lorsque l’on boit, on pense rarement à l’après…
L’alcool comme « art de vivre » excuse sa consommation excessive. Son quotidien est rythmé par des apéros et des dîners arrosés. Accro à l’étourdissement, Claire réduit au strict minimum sa vie diurne et consciente. De plus, l’alcool nourrit son personnage social de journaliste aventurière, toujours célibataire (qu’elle encense comme pilier émancipateur des femmes.) Il est omniprésent dans ses voyages, des chambres d’hôtel aux salons business des aéroports ; c’est un langage international pour communiquer avec l’autre.
Claire s’interroge : que ferait-elle à la place de boire ?
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Arrêter de boire : du dry january à la sobriété par amour
« Il n’y a pas de société sans drogue, il n’y en a jamais eu ». Nicole Maestracci
Un soir du 31 décembre, Claire décide d’arrêter de boire. « Je ne trinquerai plus. Pas ce soir ni aucun autre. » À ses amis, elle invoque une volonté d’abord temporaire, le dry january, une coutume américaine qui consiste à faire une détox après les excès du Nouvel An. Mais la journaliste est déterminée à arrêter. Pour elle. Et par amour. Sa rencontre avec le bel Alexandre, photographe de talent et ancien alcoolique lui aussi, l’a sauvée.
Elle sait que l’alcool altère ses relations affectives et plus globalement sa vie.
Ne pas boire constitue pourtant un acte quasi militant en France, « pays du pinard », où l’exportation des vins et spiritueux représente 7,25 milliards d’euros en 2020. Il est vendu partout, très facilement. La bistronomie et le fooding ont contribué à rendre l’alcool branché. Les publicités embellissent les bouteilles dans des mises en scène soignées, les rendant désirables. Les marques s’adressent même aux femmes, particulièrement aux plus jeunes, dans des campagnes marketing ciblées. Et pendant ce temps-là, la société minimise les nuisances de la boisson en véhiculant une illusion d’allégresse et de partage.
Claire passe de consommatrice à observatrice de sa propre consommation, mais aussi de celle des autres. Nombre de personnes ont des problèmes avec l’alcool, mais le nient. En arrêtant, elle prend conscience qu’elle va devoir affronter ses propres démons, mais aussi ceux qui boivent. « Être sobre c’est être relativement seul. Tu as l’impression de gâcher la fête. »
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Témoignage d’une femme alcoolique : boire n’est pas un acte militant
Chaque jour d’abstinence en plus, elle déconstruit les idées qui l’encourageaient à boire de l’alcool. Elle croyait que l’alcool tuait son anxiété. Elle découvre qu’il la générait. Il ne soigne rien. Elle s’aperçoit que boire trop ne rend pas plus efficace ou créative. « Aucune grande idée ne va émerger d’une beuverie. » Au contraire, l’alcool crée des trous de mémoire béants dans notre cerveau. « On boit généralement pour mieux travailler jusqu’à ce que l’on se rende compte que cela nous empêche de le faire. » Ce sont de fausses croyances. Boire avec excès conduit à l’ivresse. « Il bourre la gueule. Point barre. »
Être une femme est un combat. Toutes les héroïnes auxquelles elle s’identifie boivent : Phoebe Waller Bridge, Carson McCullers ou Françoise Sagan. Mais boire n’est pas un geste d’émancipation ou militant. « Quand je buvais, je confondais qui j’étais avec qui je voulais être. »
Les trentenaires comme elle pensent, en buvant, occuper un territoire masculin. Claire a bu pour se sentir forte face aux hommes. L’alcool lui a donné l’illusion d’être protégée. Alors qu’en buvant, elle a annihilé sa vivacité d’esprit, celle qui la rend puissante.
La sobriété pour retrouver la liberté
Claire a peur de devenir ennuyante désormais. Angoissée par la routine, elle appréhende d’être enfermée dans une existence ronflante et craint de replonger.
Peu à peu, elle prend conscience qu’elle n’y arrivera pas seule et participe aux réunions des Alcooliques Anonymes AA. « Les AA, c’est Hollywood et ses drames, mais avec des chaises tape-culs ! »
Elle découvre de nombreux avantages à la sobriété. Elle savoure à nouveau les heures, le temps qui passe. La nuit, elle rêve. Désormais, elle s’en souvient. « Les alcooliques ne rêvent pas. » Droguée du mouvement, Claire est maintenant plus calme ; elle arrête de s’énerver pour rien. Elle vit la joie du sexe sans alcool. Elle savoure sa liberté retrouvée. Même quand le monde s’effondre et sombre dans une pandémie angoissante, Claire garde le cap et y voit encore plus l’intérêt d’être sobre. La sobriété est une leçon d’humilité. C’est admettre que l’alcool a été à un moment donné plus fort que soi.
Arrêter de boire, c’est avoir le courage de lâcher ses démons et grandir. Se créer une identité nouvelle. La sobriété permet de se délivrer de ses craintes, mais surtout de retrouver sa LIBERTÉ.
📎 Découvrez le témoignage bouleversant de Claire Touzard dans son livre Sans alcool.
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Violaine B — Celles qui Osent
Sources :
Sans alcool de Claire Touzard
Mutualité. fr : Alcool : l’inquiétante augmentation de la consommation des femmes
Inserm.fr : Alcool & Santé Lutter contre un fardeau à multiples visages
En attendant notre prochain article, n'oubliez pas de suivre notre podcast sur ces Femmes qui Osent