Sur scène, derrière le micro, il y a une jeune femme avec un rouge à lèvres rouge intense, une épaisse frange et une chevelure blond platine. Derrière la pop star se cache une jeune femme simple, vive, spontanée et ambitieuse. Elle a osé tout mettre en place pour réaliser son rêve. Celui de faire entendre ses chansons et devenir quelqu’un. Du jour au lendemain, sans y être vraiment préparée, Angèle connaît le succès. Immense, soudain. La chanteuse belge fait la une de tous les magazines, enchaîne les émissions de radios et de télévisions et les concerts. Le docu Angèle sur Netflix, sorti le 26 novembre 2021, nous plonge dans les coulisses de la vie d’une star de la pop pendant 1 h 24. Réalisée par Brice VDH et Sébastien Rensonnet, la chanteuse se livre avec simplicité, sincérité et humour sur sa carrière naissante et sa célébrité soudaine. Angèle évoque le fragile équilibre entre la solitude et la joie qui accompagne la notoriété. Face caméra, Angèle raconte sa propre histoire, telle qu’elle l’a vécue. Elle nous ouvre la chambre de ses secrets, avec ses souvenirs, ses journaux intimes, ses croquis et ses vieilles chansons. Comment a-t-elle réussi à trouver son public et sa place dans le milieu très convoité de la musique et du star system ? Celles qui Osent a regardé Angèle sur Netflix, un film autobiographique, et vous livre ses impressions. Attention, spoiler !
Angèle sur Netflix : la genèse d’une pop star
En décembre 1995, Angèle Van Laeken naît à Uccle en Belgique. Ses parents sont des artistes connus dans leur pays. Sa mère, Laurence Bibot, est mannequin, humoriste et comédienne. Son père, Serge Van Laeken, dit Marka, est auteur, compositeur et interprète. Enfant, elle s’insurge parfois de n’être que « la fille de » et ressent vite le besoin d’être reconnue en tant qu’individu à part entière.
Alors qu’elle n’a que 5 ans, sa mère lui déclare : « tu es très jolie ma fille, mais cela ne suffira pas dans la vie. Développe autre chose. » Angèle choisit le piano. « La musique, c’est ma place. » Rapidement, elle sent que la musique la valorise, mais elle est déterminée à ne pas suivre les traces de son père. Dans son journal intime, elle déclare : « J’aime le piano, mais je n’en ferais JAMAIS mon métier. » Depuis toujours, Angèle ressent le besoin d’écrire dans des carnets ses secrets les plus intimes.
Elle cultive une très grande complicité avec son frère, Roméo Elvis, devenu rappeur au plus d’un million d’abonnés. Angèle devient alors « la sœur de… » En 2015, alors étudiante en musique, Angèle s’inscrit sur Instagram, sur les conseils d’une amie. Elle commence à poster des vidéos d’elle en train de jouer et de chanter. Pour éviter la critique et assurer aux gens qu’elle ne se prend pas au sérieux, elle se déguise et fait des blagues devant une poignée d’abonnés.
Angèle, celle qui ose
Sylvie Farr, surnommée Sylvie « Culot » pour sa capacité à pousser des portes, décèle un vrai potentiel chez Angèle. Celle qui était sa voisine babysitteuse, de 8 ans son aînée, s’impose alors comme sa manageuse. Elle la « sort de sa chambre » et l’encourage, dès 2016, à faire des concerts dans les bars de Bruxelles.
« J’avais tellement peur de me planter. Si ça ne marchait pas, ça allait être la honte. »
Sylvie y croit pour deux. Angèle se produit même dans le mythique bar de l’Archiduc de Bruxelles et y rencontre son deuxième manager, Nicolas. Par « un hasard miraculeux », Damso, qui a flashé sur sa reprise de Bruxelles au piano-voix, lui propose de faire les claviers et la première partie de sa tournée. La proposition est improbable, mais elle n’a rien à perdre. Malheureusement, devant le public du rappeur, Angèle se fait huer par 2 000 personnes. Elle trouve la force de ne pas vivre cela comme un échec. Avec courage et audace, elle n’abandonne pas et sa détermination paye ; les dates suivantes, les gens l’applaudissent et l’acclament. Qui aurait cru qu’à peine quelques années plus tard, en novembre 2020, elle chanterait Fever en duo avec la super pop star internationale Dua Lipa !
Le succès fulgurant de la Loi de Murphy
Le 23 octobre 2017, Angèle sort son premier single intitulé La Loi de Murphy, sans label. Inspiré de l’adage de l’Américain Edward A. Murphy Jr, les paroles résument une philosophie de vie qui considère que tout ce qui est susceptible d’aller mal ira mal. Le succès est immédiat et fulgurant. Le clip comptabilise plus de 10 millions de vues sur YouTube. La loi de Murphy fait le buzz et marque le début de la carrière d’Angèle. Elle reçoit alors en direct, les réactions de milliers de gens, des éloges comme des critiques. Peu à peu, elle perd le contrôle : hypersensibles, ses angoisses prennent le dessus. « Tout ce qui m’arrive est extraordinaire. Ma tête est partout. J’ai choisi de me montrer, mais là je flippe à mort. Et si ça ne marche pas, si ça foire, c’est moi qui foire personnellement. »
La notoriété soudaine : un bonheur ambivalent selon Angèle dans le docu Netflix
« Personne n’est prêt à vivre cela. J’étais à la fois hyper heureuse et en même temps je me demandais qu’est-ce que je fous là. Tout cela a été tellement vite, tellement fort… »
Angèle réalise que lorsque l’on devient une star, « plus aucun rapport social n’est normal. » Sincère et spontanée, elle reçoit beaucoup d’amour, qu’elle ne peut rendre de manière égale. C’est frustrant, pour elle et pour certains fans. Leurs réactions sont parfois démesurées.
Elle s’interroge alors sur son bonheur et sa réussite. Est-ce que ces 330 K followers sur Insta la rendent plus heureuse qu’avant ? Angèle prend conscience qu’elle vit à un rythme effréné, pour construire son personnage public. Elle ne vit que pour elle et son image. « Moi et la chanteuse Angèle. Tout le reste me paraît inutile. J’ai honte. » Le soir, après les concerts, elle se sent parfois très seule. Son bonheur est ambivalent. « J’étouffe. Avant, j’étais libre. Et en même temps, je suis reconnaissante. C’est beau ce qui m’arrive. J’en ai rêvé, je l’ai voulu et j’ai tout fait pour en arriver là. »
Volontairement, elle a développé la version améliorée d’elle-même, « un mélange de tous mes fantasmes : la petite sirène, une princesse, Hélène Ségara, Priscilla, Ariana Grande »
« Seulement voilà, la vraie Angèle, je l’ai perdue. Je ne sais plus qui je suis ».
Nonante-cinq, son nouvel album intimiste
Le confinement de mars 2020 lié à la crise sanitaire mondiale lui impose de s’arrêter, comme pour tous. À 25 ans, Angèle est forcée de se mettre en pause. Elle filme alors son ennui et ses occupations. Avec le confinement, elle ne peut plus voyager ou faire la fête. Là, elle se retrouve confrontée à ses angoisses. « Ça va être long putain. »
Rapidement, elle se crée une sorte de cabane pour composer des musiques avec son clavier et travaille sur de nouveaux textes. Elle pense alors à un deuxième album. « De quoi ai-je envie de parler ? Qu’est-ce qui compte pour moi aujourd’hui ? »
Angèle se sait chanceuse : son premier album, écrit quand elle avait 20 ans, a connu un succès immédiat. Cela lui met une sorte de pression. Désormais, en 5 ans, sa vie a beaucoup changé et elle ne peut plus raconter la même chose à son public. Elle décide d’oser un album plus personnel, plus intime, peut-être moins fédérateur, mais qu’importe. Son nouvel album Nonante-cinq signe une nouvelle ère, avec des titres plus introspectifs, moins universels. Elle y déclare par ailleurs l’amour à la ville qui l’a vue grandir dans son titre Bruxelles, Je t’aime.
Angèle, la féministe qui casse les codes
Angèle fait une apparition dans le long-métrage Annette de Leos Carax comme ouverture de la sélection officielle 2021 de Cannes, avec Simon Helberg, Marion Cotillard et Adam Driver. Elle foule pour la première fois le tapis rouge du palais des festivals. Certes, elle s’est faite belle dans une somptueuse robe Chanel, dont elle est l’égérie pour la collection Eyewear et Coco Beach, mais refuse de se contraindre à l’épilation. « Je ne ressens pas l’envie de m’enlever les poils sous les bras, mais je n’ai pas non plus envie que cela soit le principal sujet. » Angèle casse les codes. Elle aspire à être libre. Elle veut avoir confiance en elle et se sentir belle sans Instagram. Elle aimerait aussi ne plus prendre en considération les remarques des autres.
Après s’être fait importuner par un homme dans le tramway, Angèle écrit spontanément sa chanson Balance ton quoi, qui devient rapidement l’hymne féministe des jeunes générations. Elle rejoint la lignée des artistes qui utilisent leurs voix pour faire entendre la cause des femmes. « Quand une fille dit NON, c’est NON. »
Sauf qu’elle ne souhaite pas apparaître comme une féministe donneuse de leçons. Surtout que son frère est alors accusé d’agression sexuelle. Même si le rappeur s’excuse publiquement, ayant cru répondre à « une invitation », sur les réseaux sociaux, on lui demande de « balancer son frère ». Elle passe alors trois mois recluse chez elle, car l’affaire a également provoqué des tensions familiales. Angèle condamne l’acte de son frère et sait qu’une prise de conscience générale et un changement de comportement s’imposent.
Lorsque Playboy lui propose de faire une interview et un portrait d’elle, Angèle accepte, innocemment. L’équipe du magazine choisit alors une photo hyper sexualisée, à son insu. Sans surprise, elle fait la une des tabloïds belges. Elle se sent humiliée, salie, réduite à l’image de la jolie blonde se mettant à nue pour Playboy. De cette mauvaise expérience naîtra sa chanson La thune.
La bisexualité d’Angèle et son coming-out volé
À 23 ans, elle tombe amoureuse d’une autre femme. Elle s’avoue enfin qu’elle est bisexuelle. Malheureusement, en novembre 2019, une photo volée de son couple fait la une de Public. Le scoop est même révélé à la télévision dans l’émission Touche pas à mon poste par Cyril Hanouna. « Ce mec m’a ôté le droit d’en parler à mes proches. » On lui a volé son coming-out . Elle doit alors affronter les réactions de son entourage, mais aussi les avis parfois tranchés de son public. Elle reçoit des insultes et perd des abonnés. Pour elle, l’orientation sexuelle ne devrait pas être un sujet à scandale. Il doit être banalisé. De son amour pour une femme naître sa chanson Ta reine.
Proche de sa mamie surnommée mamie Pilou, Angèle regrette de ne pas avoir pu lui expliquer elle-même. Cette femme, d’une autre génération, qui vit dans une autre « réalité », toujours d’une grande franchise, lui permet de garder la tête froide et les pieds sur terre.
Angèle a conscience d’être privilégiée. Elle adore sa nouvelle vie, même s’il elle a dû s’y adapter. Les détracteurs de ce film diront qu’à travers ce documentaire, une star de 25 ans réalise son autopromotion. Par ailleurs, Angèle a été violemment critiquée sur les réseaux sociaux après sa prestation lors de la cérémonie des 37e Victoires de la Musique : les internautes ont trouvé qu’elle chantait affreusement faux en live et qu’elle manquait de souffle. La jeune belge possède malgré tout une personnalité attachante et un indéniable talent. (Ce documentaire donne d’ailleurs envie de réécouter toutes ses chansons.) Elle aimerait continuer à exister, prendre sa place, l’assumer. « Il faut que j’y aille à fond ! Je n’ai pas plus de rêves que quelqu’un d’autre. Mon rêve, c’est plus la quête personnelle. Je rêve d’être sereine dans ma vie, d’être entourée des bonnes personnes. Je rêve de grandir et d’apprendre de mes erreurs. D’être juste quelqu’un qui fait le bien autour d’elle. »
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Sources :
Documentaire Angèle sur Netflix
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