Le nom d’Anne Bonny est associé à celui d’une pirate irlandaise audacieuse et libre, devenue une « icône » féministe qui transgresse les interdits. Marginalisée dès sa naissance, la jeune femme fréquente les pirates dans les tavernes, porte des pantalons et des cheveux courts. Cette rebelle, qui a multiplié les conquêtes, a osé se travestir en homme pour devenir pirate, mener la grande vie avec Jack Rackam et même vivre une romance avec une autre femme pirate : Mary Read. Celles qui Osent vous raconte l’incroyable épopée de la vie d’Anne Bonny, une pirate devenue icône féministe.
Les faits relatifs à l’existence d’Anne Bonny nous sont parvenus via des biographies, souvent écrites par des pirates, des documents officiels, et des légendes de tavernes. On peut donc questionner la véracité de certaines anecdotes.
Anne Bonny, une « bâtarde » marginale
Anne Bonny naît à Cork, une ville portuaire en Irlande, vers 1697. Elle est issue d’une liaison illégitime entre une servante et son père, William Cormac, un procureur mariée à une femme très riche. À l’époque, les « bâtards » sont considérés comme des parias, l’incarnation même du péché de la chair, souillée par la faute de leurs parents. Quand le scandale éclate au grand jour, William Cormac est mis à la porte par son épouse trompée. Il quitte l’Irlande avec sa servante et son bébé pour la Caroline du Sud, non loin de Charleston, où il achète une plantation. La famille prospère, mais les parents sont soucieux : en grandissant, leur petite fille est très indisciplinée, rebelle et sauvage.
En 1724, Daniel Defoe, l’auteur de Robinson Crusoe, publie Histoire générale des plus fameux pirates dans lequel il mentionne Anne Bonny. On y apprend que depuis toute petite, elle s’habille comme un garçon et porte les cheveux courts.
En 1718, alors âgée d’une vingtaine d’années, la jeune fille, éprise de liberté, quitte son père pour James Bonny, un petit pirate sans envergure, avec lequel elle s’installe aux Bahamas. William Cormac, qui désapprouve cette union, déshérite sa fille. Selon la légende, Anne Bonny, par vengeance, aurait incendié la plantation de son père…
Anne Bonny et Mary Read : deux femmes pirates rebelles
À cette époque, Rogers, le gouverneur des Bahamas, qui veut rétablir le commerce et anéantir la piraterie, propose une loi d’amnistie pour les pirates. Le jeune mari, James Bonny, reçoit en tant que pirate repenti un lopin de terre. Pire, pour Anne Bonny, il devient fermier et dénonce contrebandiers et pirates. Elle, qui rêvait d’aventure, est très déçue. Mais à l’époque, l’île de New Providence, aux Bahamas, regorge de pirates, qu’elle côtoie dans des tavernes. C’est ainsi qu’elle fait la connaissance de John Rackham, l’un des pirates les plus redoutables des Bahamas, à qui elle se joint lorsque ce dernier refuse de se soumettre au gouverneur de l’île. Les marins superstitieux interdisent les femmes à bord des vaisseaux parce qu’ils croient qu’une femme à bord porte malheur. Alors Anne se travestit en homme (la tenue des pirates est pratique pour dissimuler les formes féminines) et monte à bord du navire.
Anne Bonny se retrouve ainsi à bord du William, avec un équipage composé d’une vingtaine d’hommes. Elle est la seule femme. Selon la légende, Anne Bonny et John Rackham seraient devenus amants et auraient même eu un enfant, qu’ils auraient donné à un couple lors d’un passage à Cuba. Lors d’une escale, l’équipage rencontre Mary Read, une autre femme pirate, qui rejoint le navire de Rackham, à la demande d’Anne Bonny. Toutes deux portent des habits d’homme et participent aux combats. Elles possèdent de l’audace, du courage, de la ruse et de la souplesse : ce sont d’excellentes combattantes.
L’équipage de Rackham est le seul à avoir deux femmes en son sein. Mary Read se fait appeler Willy et Anne Bonny, Adam Bonny. On raconte également qu’elles eurent une liaison amoureuse qui rendit Rackham fou de jalousie, à tel point qu’il menaça de leur trancher la gorge.
Anne Bonny, une pirate devenue icône féministe
Plusieurs navires de guerre sont envoyés à la poursuite de Rackham. Mary Read et Anne Bonny sont également activement recherchées par le gouvernement britannique. En 1720, le William, subit une attaque du navire du capitaine Barnett, envoyé par le gouverneur de New Providence. Ivres et lâches, Rackham et ses hommes se seraient cachés sous le pont, tandis que seules Bonny et Read auraient combattu, seules, les autorités. Les deux femmes luttent vaillamment contre leurs adversaires, mais sont finalement contraintes de rendre les armes. Tout l’équipage est emprisonné en Jamaïque. Tous sont condamnés à la pendaison. Après le supplice, le cadavre de Rackham est goudronné puis suspendu à l’air libre, dans une cage. (pour que l’âme du défunt ne repose jamais en paix). Bonny aurait alors dit à Rackham :
« Je suis désolée de te voir là, mais si tu t’étais battu comme un homme, tu n’aurais pas à être pendu comme un chien ».
Accusées d’actes de piraterie et également condamnées à mort par pendaison, Anne Bonny et Mary Read implorent la clémence du juge. Elles bénéficient alors d’un sursis après avoir révélé à la cour qu’elles étaient enceintes, les enfants à naître étant considérés comme innocents. Mary Read meurt en prison des suites d’une fièvre ou d’une fausse couche en avril 1721. Quant à Anne Bonny, on sait qu’elle a été graciée par le gouverneur de Jamaïque (on suppose que son père aurait soudoyé le juge et payé une caution). Elle a disparu, une fois libérée de prison. La légende raconte qu’Anne se serait « rangée », et aurait entamé une vie de femme mariée et mère de 5 enfants, en Virginie.
Cette fin, qui comporte de nombreuses zones d’ombre, a participé à faire d’Anne Bonny, une légende. De nombreux films et récits se sont inspirés de cette histoire, comme l’album d’Hergé Le trésor de Rackham le Rouge ou le film Pirates des Caraïbes de Gore Verbinski.
Les femmes pirates représentent une puissante menace pour l’ordre social, car elles cassent les codes sociaux de l’époque et brisent les préjugés sur la faiblesse naturelle des femmes. Le nom d’Anne Bonny est associé à celui d’une femme audacieuse et libre, devenue une « icône » féministe qui ose transgresser les interdits.
La vie d’Anne Bonny vous intéresse ? Je vous conseille l’excellente fiction audio d’Arte Radio, « La dernière nuit d’Anne Bonny ».
Les aventurières vous font rêver ? Vous pouvez lire nos articles dédiés aux vies d’Anita Conti, première femme océanographe, ou celle de l’exploratrice Alexandra David-Néel.
Victoria Lavelle pour Celles qui Osent
En attendant notre prochain article, n'oubliez pas de suivre notre podcast sur ces Femmes qui Osent
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