Dans l’histoire de l’ascension du Lhotse par les femmes, voici Orianne Aymard. Le 23 mai 2019, cette « novice en haute altitude » était la 4e française à gravir la majestueuse et redoutable montagne de 8 516 m faisant face à l’Everest. Situé à la frontière entre le Népal et le Tibet, ce sommet attire irrésistiblement les alpinistes par sa beauté et sa difficulté. Orianne nous offre le récit intense d’une expédition jalonnée d’accidents terribles et de nombreuses frayeurs. Découvrez le portrait de cette himalayiste endurante et calme qui trace son chemin de femme vers les hauteurs. Une femme déterminée qui, malgré une ascension éprouvante, s’apprête à revenir dans la chaîne de l’Himalaya pour y escalader le plus haut sommet du monde.
Accident cérébral dans les contreforts de l’Himalaya et rencontre spirituelle
Née en région parisienne, Orianne vient depuis sa tendre enfance à Chamonix et a toujours été passionnée de montagne et d’altitude. À 25 ans lors d’un premier voyage en Inde, elle a une hémorragie cérébrale au pied de l’Himalaya. En se réveillant, elle croit qu’elle va mourir et fait ses adieux à ses parents par téléphone. Mais elle survit et après une sérieuse opération au cerveau, son chirurgien lui enjoint de renoncer définitivement aux treks en haute altitude.
L’accident s’est produit près du tombeau de Ma Anandamayi, une sainte indienne considérée comme une déesse et surnommée la « Mère de la Joie ». Cette grande figure hindouiste de l’Inde moderne a depuis lors une importance capitale dans la vie spirituelle d’Orianne. À 25 ans elle a vu la mort de près et a déjà conscience de sa finitude.
L’ascension du Lhotse par une femme : affronter la haute altitude et préparer son mental
Quinze ans après son accident, après de longues années de suivi médical et une intense préparation physique et mentale, cette passionnée revient à Katmandou avec un désir chevillé au corps : gravir le Lhotse. Quatrième plus haut sommet du monde, le Lhotse est situé à la frontière entre le Tibet et la Chine, à une altitude de 8 516 mètres. Cette montagne est appelée la « sœur siamoise de l’Everest » car elle est juste en face. Plus difficile techniquement que le « toit du monde », le Lhotse est moins fréquenté par les grimpeurs ; mais c’est lui qu’Orianne a choisi pour sa rencontre avec elle-même.
Elle découvre son équipe qui se trouve composée exclusivement d’hommes. Dès le départ elle est victime de misogynie, spécialement de l’un d’eux qui se révèlera particulièrement toxique durant toute l’expédition. Mais cette femme à la détermination indéfectible tiendra jusqu’au bout, même si la malveillance et la jalousie subies auraient pu lui être fatales à de nombreuses reprises.
« La force n’est pas statique, elle vient dans l’épreuve », disait Nietzsche.
Orianne commence donc les nombreuses marches d’approche et acclimate progressivement son corps à la haute montagne ; le camp de base de l’Everest (5 345 m) deviendra « sa maison » pendant les semaines à venir, le lieu de repli après chaque excursion en haute altitude. Pour quitter le camp de base et monter, il faut traverser le terrible glacier du Khumbu. Cette cascade de glace située à 5 480 m est redoutée des alpinistes du fait des risques d’éboulements, d’effondrements de séracs, d’avalanches et de nombreuses crevasses. C’est l’une des zones les plus dangereuses de l’ascension. Mais Orianne, concentrée, passe calmement et avance méthodiquement vers son objectif.
De l’approche au sommet : la 4e femme française sur la 4e plus haute montagne du monde
La grimpeuse française de 40 ans aura à endurer de nombreuses épreuves durant son expédition : tout d’abord la mort d’un sherpa du groupe. Puis la chute d’un camarade dans une crevasse de 25 mètres ; deux autres rapatriés pour œdème pulmonaire ; une effroyable tempête de neige à 6 400 m ; plusieurs avalanches à quelques mètres du camp… S’ajoute à cela son sherpa qui la quitte 3 jours avant l’ascension, la perte d’un crampon à 8 000 m, son masque à oxygène défectueux…
Le 19 mai 2019 après de nombreuses rotations préparatoires, Orianne, son nouveau sherpa et l’équipe partent enfin pour l’ascension finale. Ils s’engagent vers la « zone de la mort » c’est à dire au-dessus des 8 000 mètres d’altitude, là où aucun humain ne peut survivre à cause de l’air raréfié. À ces hauteurs, c’est la course contre la montre : chaque minute est comptée, avant que le froid extrême et le manque d’oxygène ne finissent par user totalement le corps. Après une lente progression, ce sont les derniers mètres, épuisée elle est presque en haut, quand soudain elle tombe nez à nez avec… un cadavre. Nouveau choc. Elle ne le savait pas mais un alpiniste figé est statufié là depuis 7 ans et vous accueille en haut du Lhotse !
Elle y est, elle a enfin atteint ce lieu tant désiré ; mais il fait près de moins trente degrés et elle sait qu’il faut redescendre immédiatement, tant l’endroit est dangereux et impropre à la vie. Alors commence la descente, épreuve plus grande encore, tant Orianne est à bout de forces. Avec l’aide de Pemba, formidable sherpa et puisant son énergie au plus profond d’elle-même, elle parviendra à rentrer au camp saine et sauve. Au bout d’elle-même mais profondément heureuse.
Les femmes ont leur place sur le toit du monde : résilience et alpinisme au féminin
Orianne s’est inspirée de femmes audacieuses comme Chantal Mauduit, première femme à avoir gravi le Lhotse en 1996, Alexandra David Néel, aventurière exploratrice orientaliste et Hilaree Nelson, première femme alpiniste à descendre le couloir du Lhotse à skis en 2018.
Comme elles, en haut, Orianne se sent tellement vivante… Reliée au grand tout, c’est dans cet espace infini et sauvage qu’elle se connecte à elle-même, à la Vie, à quelque chose de supérieur. Oui, c’est une quête spirituelle, une recherche de sa vraie nature et de sa destinée karmique.
Après son accident et la contre-indication médicale, rien ne prédisposait Orianne Aymard à vivre une telle aventure ; elle, la « novice », moins expérimentée que les autres en matière d’alpinisme. Alors son ascension du Lhotse est un moment de vie extrêmement fort. C’est une victoire sur elle-même et une victoire sur la mort qu’elle a remportée. Et au sommet, en regardant l’Everest, « Déesse Chomolungma » en tibétain, elle sait qu’elle reviendra. Car la vie d’Orianne est une histoire de résilience et de feu intérieur.
L’ascension de l’Everest en mai 2023 : défi sportif et anticonformiste
Forte de son ascension réussie au Lhotse, Orianne Aymard est activement soutenue par l’association DareWomen (reconnue d’utilité publique) qui depuis 2019, accompagne les femmes dans leurs projets audacieux. Ainsi épaulée, elle décide de relever le défi du « Grand Chelem des Explorateurs » : gravir les plus hauts sommets des 7 continents, puis atteindre les 2 pôles à ski. Dans l’histoire, peu de femmes dans le monde ont réalisé ce challenge. Son objectif est d’inciter les femmes à se dépasser, à oser réaliser leurs rêves et voler plus haut !
Orianne a donc débuté ce projet en janvier 2022 avec l’ascension de l’Aconcagua, plus haut point des Amériques (6 962 m) situé en Argentine ; elle le poursuit aujourd’hui avec l’ascension de l’Everest prévue pour mi-mai 2023. Durant cette ascension vers le Toit du monde, Orianne sera filmée par un réalisateur et pourra être suivie sur les réseaux sociaux.
Lire aussi le récit de l’ascension Clean Everest de Marion Chaygneaud-Dupuy
Grâce à DareWomen, association dédiée au féminisme constructif, vous pouvez soutenir financièrement les prochaines expéditions engagées d’Orianne Aymard.
Conseils aux femmes pour leur déploiement : audace, confiance en soi et leadership
Femme inspirante de 44 ans, Orianne Aymard a été tour à tour diplomate au Quai d’Orsay, humanitaire au C.I.C.R., chercheuse, docteure en science des religions, diplômée de biologie marine. Aujourd’hui elle est conférencière, coach en leadership au féminin, himalayiste et écrivaine. Voici ses conseils d’audace :
« Écoutez votre petite voix intérieure, vos rêves et vos désirs, faites-vous confiance. Allez vers vos envies, croyez en vous et soyez fidèle à qui vous êtes. »
Avec sa simplicité solaire et son sens de la gratitude, Orianne Aymard est un modèle de courage dans des conditions extrêmes. Forte et vulnérable à la fois, rien ne peut la détourner de sa course vers les plus hauts sommets du monde. On a d’ailleurs une pensée pour la sportive Isabelle Autissier qui de son côté a par deux fois fait le Vendée Globe, dit « l’Everest des mers »…
Globe trotteuse infatigable, Orianne confirme par son exploit que les femmes ont toute leur place en haute montagne et que la volonté et l’audace ne sont pas l’apanage exclusif des hommes. Cette femme ardente et libre ose vivre sa vie hors des sentiers battus et a indéniablement l’étoffe d’une grande aventurière. Merci Orianne : vous nous donnez des ailes !
Caroline Taisne, pour Celles qui Osent
S’abonner à notre newsletter pour lire régulièrement d’autres portraits de femmes inspirantes
Sources :
Interview d’Orianne en vidéo sur la chaîne de TVMountain
« Sous l’œil de la déesse », Orianne Aymard, paru aux Editions du Mont-Blanc en fév. 2022
Dare High, le site officiel d’Orianne Aymard
DareWomen, l’association qui soutient le projet d’Orianne