Haute de 29 centimètre, cheveux blonds, peau claire, taille fine et commercialisée en 1959 par l’entreprise Mattel spécialisée dans les jouets pour enfants, la poupée Barbie est aujourd’hui bien ancrée dans les représentations culturelles et collectives. On l’a connue enseignante, vétérinaire, hôtesse de l’air, médecin, entourée de Ken, Teresa, ou Raquel.
L’univers Barbie s’est considérablement développé depuis sa création, jusqu’à retrouver une popularité que rien ne semble pouvoir ébranler avec la diffusion dans les salles obscures du film de la réalisatrice Greta Gerwig, épopée féministe dont Barbie est l’héroïne.
Barbie, symbole de l’american way of life
Fondée en 1945, Mattel est une société américaine spécialisée dans la production de jouets pour enfants. C’est Ruth Handler, la femme du co-fondateur de l’entreprise, qui a l’idée de créer une poupée-mannequin, inspirée de Bild Lilli, figurine allemande blonde à la garde-robe contemporaine. « Barbie » est en réalité le diminutif de Barbara, la fille du couple Handler. Présentée pour la première fois à une foire américaine dédiée aux jouets pour enfants, Barbie connaît un succès immédiat. Les poupées de l’époque étaient asexuées, à l’opposition de celle commercialisée par Mattel aux mensurations hypertrophiées et à l’allure de pin-up : grosse poitrine, longues jambes, taille fine.
Au début des années 1960, en pleine Guerre Froide, Barbie devient symbole de l’americain way of life, et du soft power américain. Mais Mattel développe rapidement des déclinaisons de la poupée, et celle-ci devient vétérinaire, médecin, enseignante, aviatrice, jockey… faisant ainsi écho à l’émancipation féminine et à l’entrée des femmes dans le monde du travail. Mais les têtes pensantes de Mattel, conscientes de la popularité de Barbie, adaptent la poupée aux différentes ethnicités, et conquièrent ainsi le marché mondial. La première Barbie noire, quant à elle, voit le jour en 1968, année de la conquête afro-américaine des droits civiques.
Une poupée icône culturelle
Associée à l’imaginaire des Trente Glorieuses, Barbie représente un monde prospère à l’économie foisonnante, et devient vite un symbole du capitalisme. Dans le but de préserver la popularité de la poupée, Mattel adapte cette dernière aux évolutions de son temps et des moeurs. Ruth Handler, sa créatrice, dira d’ailleurs :
« L’idée que je me faisais de Barbie était qu’à travers la poupée, la petite fille pouvait devenir qui elle voulait. Barbie a toujours incarné une femme qui a le choix. »
Barbie, c’est aussi l’ambivalence d’un symbole. Si certaines ont voulu en faire une icône féministe, d’autres décrient son physique stéréotypé, véhicule de diktats de beauté et de normes genrées. Dans une interview accordée à France info, Sandrine Galand, autrice de l’essai Le féminisme pop, explique :
« La création d’une poupée ‘adulte’ est un geste profondément féministe, qu’il soit conscient ou non. Avant, les petites filles étaient encouragées dès la petite enfance à prendre soin de leur poupée. Le jeu reproduisait le cadre auquel on destinait les mères de famille. Pour la toute première fois, on a offert aux jeunes filles un jeu qui leur permettait de se projeter dans un avenir autre. »
Barbie, une poupée féministe ?
C’est la question qui a agité les éditorialistes et le débat public durant l’été dernier. Le film de Greta Gerwig détient le record du meilleur démarrage jamais connu pour un film réalisé par une femme et intègre le club très masculin des longs-métrages ayant remporté plus d’un milliard de dollars. Il est censuré au Vietnam, au Koweit, en Algérie ou encore au Cameroun, car il porterait atteinte à « la morale publique ». L’intrigue est simple : Barbie est expulsée de Barbie Land, où elle vit la vie parfaite, après avoir perdu quelques uns de ses attributs harmonieux. Elle se retrouve projetée dans le vrai monde aux côtés de Ken, et découvre les réalités du patriarcat.
Par exemple, Sandrine Galand, autrice de Féminisme Pop, critique le marketing à outrance dont le film a fait l’objet :
« Un objet pop participe forcément d’une logique capitaliste. Il est né au cœur d’industries culturelles faisant leur chiffre d’affaires grâce aux stéréotypes, particulièrement en ce qui a trait au genre. Il s’agit avant tout de plaire pour vendre. Tout ceci s’oppose fondamentalement aux valeurs et enjeux féministes. »
Mais pour Victoire Tuaillon, journaliste féministe interviewée sur France Inter :
« Je ne crois pas que ce soit une satire du féminisme. C’est une satire de la masculinité, et une critique qui porte juste. Ce n’est pas un exposé en profondeur sur pourquoi le patriarcat est un système nocif, mais ça l’explique de manière légère. Le film ne montre pas la réalité du patriarcat. Car il aurait fallu montrer l’ampleur des violences que subissent les femmes. »
En effet, le film, de par sa dimension grand public, explique quelques grands principes du féminisme avec douceur et humour, et popularise ainsi une pensée auprès de spectateurs divers et variés.
Victoria Lavelle pour Celles qui Osent
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