La biographie de Simone Weil est captivante. Philosophe humaniste et intellectuelle majeure du siècle dernier, Simone Weil a toujours ressenti une profonde compassion pour les plus démunis. Sa vie et son œuvre philosophique ont toujours été au service de ses engagements politiques. Elle a défendu la classe ouvrière avec une ardeur peu commune, en toutes circonstances, parfois au péril de sa vie. Ses réflexions sont plus que jamais d’actualité, à près d’un siècle de distance, car elle a étudié la spiritualité du travail. Née en 1909, dans une famille juive complètement assimilée son frère deviendra un grand mathématicien. Son père est militaire, sa mère, très aimante, s’occupe des enfants. Elle reçoit une éducation stricte, mais au sein d’une famille très ouverte. Disciple d’Alain, qui l’appelle « la martienne » à Normale, cette surdouée est aussi qualifiée de « Vierge rouge »par ses camarades, à cause de ses engagements pacifistes.
Biographie de Simone Weil : la défense de la classe ouvrière par une philosophe humaniste
À l’inverse de la plupart de ses pairs, Simone Weil éprouve la condition ouvrière dans sa chair, en travaillant à l’usine. Pour elle, la philosophie sert à vivre sa vie dans la vérité. Cette quête de sens est au cœur de son engagement syndical, qui lui permet de questionner le sens du travail. Philosophe humaniste, elle questionne la condition sociale de celles et ceux qui exécutent les tâches ingrates. Dès son plus jeune âge, sa sensibilité exacerbée lui fait ressentir toute injustice de manière intense. Jeune étudiante, elle est souvent affectée par les situations qui impactent les populations de pays lointains. Ainsi, elle se distingue de ses camarades, affichant une grande sensibilité et une très grande intelligence. Élevée de manière complètement athée, elle est une enfant à la santé déjà fragile. C’est une iconoclaste, dont les tenues vestimentaires surprennent les autres élèves, qui la trouvent différente. Elle l’est.
Simone Weil et l’épreuve du réel
Confrontée toute sa vie à de violents maux de tête, elle ne peut surmonter les difficultés rencontrées en usine. Les cadences du travail à la chaîne et les rapports rudes avec la hiérarchie surpassent ses fragiles capacités physiques. La voici donc enseignante, ce qui lui permet d’analyser son expérience de travailleuse dans les ateliers. Elle se rend compte que c’est le bruit qui empêche les individus de penser, que pour voir la vérité il leur faut se réveiller. C’est ce que le travail à la chaîne ne permet précisément pas de faire, tant il aliène. Son engagement syndical la pousse à fréquenter des mouvements anarchistes, mais elle s’éloigne peu à peu de ces partis. Puis elle quitte le corps enseignant, au cadre trop contraignant pour elle. Elle commence alors à écrire son œuvre de philosophe humaniste, pour combler sa quête d’absolu.
La découverte de la spiritualité du travail
La satisfaction des droits sociaux ne suffit pas à rendre la vie bonne, c’est une illusion qui induit en erreur les classes laborieuses. Simone Weil prend de plus en plus en considération le sort des prolétaires, qui représentent à ses yeux une communauté politique légitime. Elle réalise que dans la cité, il n’y a pas que le social qui fait sens, notamment chez les plus pauvres. Une communauté, c’est une culture qui est faite d’une langue, de mœurs et d’une religion. Sans la prise en considération de ce terreau civilisationnel, la conquête des droits sociaux s’apparente pour elle à un marché de dupes. Elle s’aperçoit que les opprimés sont partout les mêmes, qu’ils sont dominés par des forces identiques, sous toutes les latitudes. Depuis toujours on leur ment, pour mieux les exploiter. Ces constats la confortent à poursuivre son travail de philosophe humaniste.
La critique du colonialisme d’une révoltée
Pour Simone Weil, toute conquête militaire est toujours un mal. Les bouleversements induits par le pouvoir de l’argent, mis au service d’ambitions économiques démesurées, sont toujours payés au prix fort par les plus fragiles. Elle considère que les effets néfastes du capitalisme sont si puissants qu’ils sont capables de faire basculer la civilisation dans un abîme mortifère. L’absence d’obligations du système colonial vis-à-vis de celles et ceux qui sont ses subordonnés est à la base de sa réflexion philosophique. C’est ce qui lui fait comprendre un besoin fondamental présent en tout individu : l’enracinement. Elle réalise que ce désir est universel, quelle que soit la culture, la civilisation, la religion, l’ethnie ou la langue des populations concernées. Cette matrice est la vraie richesse, celle qu’il faut préserver envers et contre tout, car elle comble les âmes. C’est tout le sens de ses recherches en tant que philosophe humaniste.
L’enracinement, besoin de l’âme humaine
Simone Weil comprend que pour l’âme humaine, l’enracinement est comme une fondation pour une maison. Cette vérité première est ressentie de manière charnelle, avec beaucoup d’intensité, parfois même une vraie souffrance physique. En recherche du plus haut niveau d’attention au réel, elle se tourne alors vers la prière. C’est cette pratique qui lui permet de prendre conscience qu’il y a un monde supérieur, tel le karma. Elle trouve dans la pensée grecque ancienne, mais aussi dans l’hindouisme et dans la philosophie, des clés de compréhension insoupçonnées. Ainsi s’ouvrent à elle les portes de la mystique chrétienne. C’est pour elle un véritable ébranlement spirituel qui la marque à jamais. Réalisant que le christianisme est la religion des esclaves, elle en saisit le côté subversif. Ce choc spirituel la révèle alors à elle-même, car elle rencontre plus révolutionnaire qu’elle : le Christ.
Simone Weil, la révélation de la foi d’une philosophe engagée
La sensibilité exacerbée de Simone Weil lui fait « porter la douleur du monde ». Par la prière, elle communique avec une force supérieure, à qui elle confie ses tourments. Sa fascination pour la figure du Christ lui fait entrevoir un au-delà surnaturel, qui la rassure et lui permet de surmonter son chagrin. Aux portes de l’Église, elle ne se convertit pas, sa révélation n’ayant aucun besoin des oripeaux de la foi. Sa relation avec Dieu est à l’image de sa vie, une recherche d’absolu au travers de la quête de la vérité. Elle reçoit le message divin de façon charnelle, en vivant la parole christique de manière totale. Touchée par la grâce, elle préserve sa foi pure, s’éloignant de toute forme de pouvoir. Sa pensée est un remède, qui propose de sortir la société de sa léthargie, par une profonde résurrection politique. C’est le sens même de la spiritualité du travail qui a guidée sa vie.
L’héritage politique de Simone Weil, visionnaire pour notre temps
Elle décède à trente-quatre ans, consumée par la maladie, laissant un testament politique unique, à la portée immense. La relecture de ses œuvres mêlant philosophie, histoire, théologie, sciences sociales, éthique, mathématique et littérature, est à redécouvrir d’urgence. À l’heure des risques écologiques majeurs qui pèsent sur nous, Simone Weil nous force à prendre en compte le réel. Conservatrice, elle aura compris avant les autres combien l’homme fait partie d’un tout, fondateur de son identité. Les dégâts considérables causés par le déménagement permanent de notre monde, à cause de la mondialisation, donnent à ses écrits des allures de prophétie. Simone Weil dérange, car elle oblige à ouvrir les yeux, à prendre sa propre part de responsabilité, en tous domaines.
Simone Weil, la pesanteur et la grâce d’une pensée exigeante
La rudesse de sa pensée sans concession bouscule le confort intellectuel et les postures idéologiques valorisantes. Ainsi, nous voici maintenant face à celle qui ne fait pas de compromis, qui nous met face à nos contradictions. Lire Simone Weil, philosophe humaniste, c’est se confronter à une spiritualité du travail exigeante qui nous oblige à un profond examen de conscience. Sa philosophie est une arme qui sert le combat pour la justice. Elle lutte contre la pesanteur d’un monde qui écrase les déclassés, les petits, celles et ceux « qui ne sont rien ». Pour l’éternité, elle restera un être complètement à part, qui a tout donné pour les autres, jusqu’à en mourir. Il est temps de l’écouter et de suivre ses enseignements, car elle a vécu complètement dans la sincérité. Grâce lui soit rendue, car elle est celle qui a osé la vérité. Pour nous. Passez un peu de temps avec elle et profitez de ses contributions en vous plongeant dans la biographie de Simone Weil. Vous ne le regretterez pas.
Philippe Asensio pour Celles qui Osent
Source : Livre Audio : Simone Weil, la pesanteur et la grâce.