Connaissez-vous Sophie Gourion ? Cette féministe qui se définit comme « brune sans filtre » milite au quotidien contre « les préjugés à l’emporte-pièce » et contre les injustices faites aux femmes. Propulsée grâce à son blog Tout à l’ego, ses mots bousculent, s’enflamment en faveur de sa cause. Sa carrière est entièrement dédiée à son engagement. Lundi 18 octobre 2021, je l’ai rencontrée devant les sculptures imposantes de Niki de Saint Phalle à Paris. Entre des rires et des clics d’appareil photo, je l’ai interrogée sur son parcours. Clap sur la biographie de Sophie Gourion, cette slasheuse féministe qui en a sous le talon !
L’enfance de Sophie Gourion : une jeunesse parmi des femmes inspirantes
Une enfance dans un espace de liberté
« Je n’avais pas de conscience féministe, mais ma mère l’était, je pense, sans pour autant le savoir ou le revendiquer. »
Sophie est née en 1973 et a grandi à Paris. Elle me raconte qu’elle vient, du côté maternel, d’une famille d’Afrique du Nord assez traditionaliste. Sa mère ne manquait pas de courage et d’indépendance. Elle a subi des pressions familiales pour se marier, mais a résisté à sa manière, ce qui était loin d’être évident à cette époque. Au moment où elle a décidé de s’engager avec un homme, c’était assez tardif pour son milieu d’origine. Elle a toujours travaillé et n’a jamais développé d’attirance pour les activités étiquetées « féminines ».
C’est dans le même esprit de liberté qu’elle a élevé Sophie, favorisant son bonheur. Celle-ci se souvient que sa famille ne dirigeait ni son comportement, ni son apparence en fonction de son genre.
« Durant mon enfance, mes parents ne m’ont pas fait sentir que j’étais une fille. Ainsi, je pouvais faire des activités qu’on attribuait aux garçons ! ».
Coupe de cheveux à la garçonne, valorisation de la beauté naturelle, elle a grandi avec une éducation non stéréotypée.
Les femmes téméraires qui l’ont inspirée
Derrière une apparence calme, la grand-mère paternelle de Sophie portait la marque d’une histoire sombre. Son aura lui évoquait Simone Veil. Elle venait de Roumanie et a perdu quasiment toute sa famille dans les camps. Malgré ce drame, elle ne montrait pas l’ombre de ses traumatismes et ne se plaignait pas. « Ne dépends jamais d’un homme. Sois toujours indépendante ! », répétait-elle à Sophie. Elle l’encourageait à prendre le chemin de la liberté.
Sur la table du café, un beau livre avec le visage de Frida Kahlo en couverture attire mon attention. C’est le fils de Sophie qui lui a offert, connaissant son admiration pour ce modèle de courage et de résilience. En le feuilletant, on découvre des photos étonnantes ! Adolescente, Frida posait en costume d’homme avec une moustache. Les codes du genre, la question de la maternité, la place des femmes dans l’art, etc., sont autant de sujets que cette icône avait abordés tôt, et qui sont des préoccupations de Sophie également.
Le féminisme au cœur de la biographie de Sophie Gourion
Du burn-out à la révélation
Pendant 11 ans, Sophie a travaillé au sein d’une marque de cosmétiques. Un parcours idéal : elle a été coordinatrice marketing, acheteuse, puis cheffe de projet web. Au retour de son second congé maternité, cette trajectoire rêvée se fissure : son équipe est décimée et elle doit fournir à elle seule le travail de 3 personnes. Management tyrannique et pression sont la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Son corps craque.
« Ce burn-out a fait surgir en moi le désir de parler des injustices et d’exprimer ma colère. J’ai décidé de faire ce qui m’a toujours fait rêver : écrire ! »
Son blog, Tout à l’ego, nait en 2011. Sexisme, féminisme, droit des femmes, elle s’exprime sur des sujets qui lui tiennent à cœur. Succès viral ! Forte de cette réussite, elle crée en 2016 le Tumblr Les mots tuent. Elle y dénonce le traitement journalistique des violences faites aux femmes. Pas moins de 400 articles sont épinglés et un grand nombre de militantes soutiennent la démarche.
L’entrée au ministère de Laurence Rossignol : la campagne de lutte contre le sexisme
En 2016, la plume audacieuse de Sophie est repérée sur les réseaux sociaux par Laurence Rossignol, alors ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes. Elle lui propose de rejoindre son cabinet. Sophie devient alors conseillère en communication au ministère. C’est le top départ d’une mission qui l’embarque dans des projets servant son engagement. Elle travaille sur la campagne Sexisme pas notre genre pour faire progresser l’égalité entre les hommes et les femmes.
Mettre en lumière le sexisme était inédit à ce moment-là ! Ce plan de mobilisation a donné lieu à plus de 700 initiatives labellisées sur tout le territoire. Des mesures de sensibilisation de grande envergure ont permis à Sophie de travailler avec des centaines d’associations. Solidaires de ce plan d’action, des personnalités publiques du milieu du cinéma et de la politique ont même porté cette parole. 16 mois d’actions auprès de Laurence Rossignol qu’elle n’est pas près d’oublier :
« C’est la plus belle chose qui me soit arrivée. C’était une expérience passionnante ! »
Découvrez aussi les portraits de Marion Vaquero et d’Elsa Miské, d’autres combattantes du sexisme.
La percée d’un livre pour l’égalité filles-garçons
Consciente qu’il faut déconstruire les clichés du genre dès le plus jeune âge, Sophie avait écrit et envoyé un manuscrit jeunesse à des éditeurs en 2014. L’histoire : une petite fille cherche un déguisement de Wonder Woman pour Noël. Quelle déception, elle ne trouve que des déguisements de princesse ! Elle questionne sa mère : « Pourquoi je n’ai pas le droit d’être Wonder Woman ? », « Pourquoi les garçons n’ont pas le droit de pleurer ? ». S’ensuit une discussion mère-fille. L’histoire de Sophie est un hymne à la liberté qu’elle murmure aux oreilles des enfants tout en réduisant en poussière les stéréotypes. Les années s’écoulent et le manuscrit jugé « trop engagé » semble être laissé au fond du placard des éditeurs.
Mais en 2019, coup de théâtre : les éditions Gründ, intéressées par cette histoire, la contactent. Sophie saute sur l’occasion. Elle retravaille cet ouvrage afin qu’il s’adresse aux 3-6 ans, et qu’il y ait un côté filles, un côté garçons. Son plaidoyer au ton poétique et humoristique touche. L’album Les filles peuvent le faire… aussi ! Les garçons peuvent le faire… aussi ! est publié en 25 000 exemplaires et traduit en 7 langues. C’est un succès !
Le métier de consultante pour encourager les femmes
En 2019, Sophie rencontre la fondatrice de Garance & Moi, cabinet de conseil dédié à la carrière au féminin. La découverte de l’activité de bilan de compétences est un véritable un coup de cœur ! L’idée d’accompagner des femmes en transition professionnelle et de les aider à s’épanouir la captive. Très vite, elle décide de suivre la formation de consultante en gestion de carrière que ce cabinet dispense. Avec la certification obtenue haut la main, elle démarre sa nouvelle carrière chez Garance & Moi.
L’un de ses atouts est de bien connaître les freins limitant la carrière des femmes :
« L’équilibre des temps de vie repose essentiellement sur les épaules des femmes. Dans 9 cas sur 10, la question d’équilibre travail/vie personnelle dans le bilan de compétences est incontournable pour elles. Elles rencontrent plus d’obstacles que les hommes et gagnent moins qu’eux. Leur carrière étant beaucoup plus morcelée, elles ont donc besoin d’un accompagnement spécifique. »
Un défi encore réussi. Son sens de l’empathie et sa détermination à lever les barrières qui pèsent sur les femmes font que Sophie est très sollicitée dans son activité de consultante.
« Crois en tes rêves et tu verras que tout est possible ! »
C’est la dédicace solaire que Sophie a écrite pour ma fille dans un exemplaire du fameux livre jeunesse. Comment ne pas en être convaincue quand on écoute son parcours ? Sophie s’est aventurée avec courage dans plusieurs activités en phase avec son combat pour l’égalité hommes-femmes. Consultante bienveillante, elle met son énergie au service des femmes pour les aider à concilier carrière et aspirations personnelles. Sa plume engagée a semé tant de graines de tolérance et de respect de la condition féminine. Elle fait partie des militantes inspirantes de notre époque.
⏩ Dans le prolongement de l’engagement de Sophie Gourion, lisez notre article sur l’agence des Nations Unies qui lutte pour l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes : l’ONU femmes.
Diane Feore, pour Celles qui Osent.
Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW.