Bonnie et Clyde : lumière sur l’amante criminelle entrée dans la légende
Entendez-vous souvent parler de Bonnie sans Clyde ? Libre et adulée par certains, condamnée et décriée par d’autres, la belle criminelle a pourtant de quoi faire couler beaucoup d’encre. Son destin tumultueux, mêlé d’amour et de crimes, ne cesse d’inspirer les artistes. Comment Bonnie Parker, prodige des concours d’orthographe et d’art oratoire, s’est-elle retrouvée complice et meurtrière, recherchée dans toute l’Amérique ? Comment un destin si court, embrassant des valeurs de gangster si peu honorables a-t-il pu autant passionner la foule et faire naître quantité d’œuvres ? Entrez dans l’histoire du couple maudit qui a suscité les passions et défrayé la chronique en mêlant crimes, braquages et sentiments. Suivez le parcours et la folle cavale de Bonnie Parker, hors-la-loi amoureuse qui fascine.
Une vie hors du commun, loin des aspirations féminines de l’époque
Lorsqu’une Ford V8 est criblée de balles par la police américaine, le 23 mai 1934, le plus célèbre couple de bandits de l’histoire est tué. C’est la fin de l’incroyable course-poursuite de Bonnie et Clyde qui a enflammé la presse et déchaîné l’Amérique alors en pleine crise. Bonnie Parker, 23 ans, meurt aux côtés de l’amour de sa vie, Clyde Barrow, le corps percé par les mêmes projectiles. Découvrons qui était la jeune poète rêvant d’aventure et ce qui l’a menée à cette mise à mort.
Une élève studieuse prête à fuir la misère quotidienne
Enfant, Bonnie Parker perd son père très tôt dans un accident du travail. Sa famille est contrainte de déménager dans une ville particulièrement pauvre à l’ouest de Dallas. Adolescente, c’est une bonne élève qui affectionne particulièrement le maquillage et la mode. Les films parlants lui plaisent beaucoup et elle rêve de devenir une star du cinéma qui vivrait une histoire d’amour passionnelle. À 16 ans, la jeune femme se marie à un ancien camarade de classe, Roy Thornton. Elle arrête ainsi ses études et devient serveuse. Puis arrive la Grande Dépression en 1929 et Bonnie perd son emploi. Elle ne divorcera jamais, mais tourne pourtant la page lorsque Roy se fait arrêter une énième fois pour un braquage à main armée.
L’année 1930 est le point de bascule dans la vie de Bonnie : sa rencontre avec Clyde à 19 ans. Ils tombent alors sous le charme l’un de l’autre. La Texane voit en lui un homme d’action qui sait prendre des décisions. C’est pour elle la promesse d’une aventure tumultueuse. Lui, de son côté, est séduit par la détermination de cette jeune personne et son refus de vivre une existence médiocre. Mais l’emprisonnement de Clyde pour cambriolage peu après leur rencontre sépare les amoureux. Le détenu réussit néanmoins à s’échapper grâce à la complicité de sa bien-aimée qui lui apporte une arme en prison. À ce moment-là, ils scellent leur destin l’un à l’autre à jamais. En aidant un prisonnier à s’échapper, l’amante devient donc complice et c’est la naissance du couple de bandits, bientôt connu dans tout le pays.
Une femme poète fugitive et engagée
Rattrapé puis renvoyé en prison, Clyde en sortira en février 1932. Le jeune homme tente de repartir du bon pied en décrochant un job. Il rêve d’économiser pour ouvrir son propre garage automobile. Mais la police le surveille de très près, ne le croyant pas capable de se ranger. Le nombre incessant de visites des forces de l’ordre sur son lieu de travail le fait finalement renvoyer. Il n’en faut pas plus au rebelle qui décide alors d’une autre tournure pour son destin. L’homme reprend une vie de crime aux côtés de sa bien-aimée, qui paraît partager avec passion et rage ses valeurs de liberté allant à l’encontre de l’ordre établi.
Si la muse du poète est souvent féminine, dans l’histoire de Bonnie et Clyde, il en est autrement. C’est l’homme qui inspire les vers. Ancienne élève brillante, habituée des prix d’orthographe et d’art oratoire, la belle prend la plume pendant sa cavale et lors d’un passage en prison. Elle confie que l’inspiration lui vient de son partenaire et de l’amour qu’elle lui porte. Dans ses vers, elle conte l’injustice subie par Clyde, celle qui l’a poussée, selon elle, à la criminalité. Elle place son amant dans la même lignée que Billy the Kid et Jesse James. Clyde est pour elle un gangster au grand cœur et la vie de hors-la-loi est pour lui l’unique façon de garder le contrôle sur son existence. Le couple devient ainsi fugitif pour vivre sa liberté. Alors que Clyde initie Bonnie au crime, la jeune femme de son côté convertit le bandit à la poésie. Du revolver à la plume, il n’y a alors qu’un pas pour les deux criminels les plus recherchés du pays.
Extrait du livre Poèmes de Bonnie Parker, « Le bout du chemin » (éditions MazetoSquare, page 8) :
« Tu as lu l’histoire de Jesse James
Comment il vivait et comment il est mort.
Si tu ressens l’envie de lire encore des trucs dans ce genre,
Voici l’histoire de Bonnie et Clyde.
[…]
… je peux te dire la main sur le coeur
Que quand j’ai connu Clyde,
C’était un mec honnête, loyal et droit.
Mais la loi s’est moquée de lui,
Elle n’a cessé de le rabaisser,
Et l’a enfermé dans une cellule.
[…]
Un jour, ils vont les descendre tous les deux
Ils vont les enterrer côte à côte.
Certains auront de la peine,
Pour la loi, ce sera un grand soulahement,
Mais pour Bonnie & Clyde, ce sera la fin. »
L’image d’une marginale condamnée par sa société
Née en 1910, Bonnie a été témoin dans les années folles, de la naissance d’un nouveau modèle de femme. Se détachant de l’autorité masculine, les « Flappers » ou « garçonnes » représentent un mouvement fort des années 1920-30. Les femmes bravent les prohibitions, fument en public, se maquillent, portent les cheveux courts… Les « flappers » amènent une vraie révolution dans la mode et dans la société. Elles sont audacieuses, indépendantes, refusent les codes de leur époque œuvrant ainsi activement à l’émancipation féminine.
Bonnie, connue pour être fan de mode, grandit avec l’héritage de ce mouvement contestataire. Elle semble marcher dans les traces de ces garçonnes se voulant plus libres, pour aller, quant à elle, encore plus loin. Consciente du chemin qu’elle prend en suivant Clyde, elle sait que rien ne lui sera pardonné. Son seul statut de femme paraît déjà l’incriminer. Son poème « La fille de la rue » extrait du livre Poèmes de Bonnie Parker (éditions MazetoSquare, page 23) cite quelques vers qui en témoignent :
« Une fille ne peut presque jamais être pardonnée
Trop de gens sont impatients et attendent
Pour la détourner du droit chemin.
Un homme peut enfreindre chaque loi,
Et le monde lui tendra encore la main.
Pourtant, une fille qui a aimé imprudemment
Est bannie partout dans le pays. »
Son choix d’aimer un bandit la condamne par tous, elle le sait. C’est pourtant sa simple présence qui apporte sans doute tant de visibilité au duo de criminels. Une femme qui embrasse une vie de hors-la-loi, exécrant routine et vie misérable, cela n’est pas coutume. Braquages, crime et courses-poursuites deviennent alors aux yeux de Bonnie l’unique moyen de vivre, en quête de liberté et aux côtés de celui qu’elle aime éperdument. Cela la conduit notamment à passer plusieurs mois en prison à la suite d’un braquage avec Clyde. Elle écrit alors une série de poèmes. Début 1934, c’est le coup de trop : les deux bandits libèrent 5 prisonniers incarcérés en tuant deux jeunes policiers. Ces derniers meurtres vont pousser la police, et ce qui deviendra l’actuel FBI, à redoubler d’efforts pour stopper la folle cavale. Dirigée par le déterminé Frank Hamer, ex-ranger dit sans pitié, une équipe de force de l’ordre a pour objectif d’appréhender, mort ou vif, le couple de meurtriers. La fin, quelques semaines après, est inéluctable.
Bonnie Parker : une hors-la-loi amoureuse qui fascine et détonne
La pauvreté et la morosité qui règnent après 1929, suite à la crise inédite, expliquent en partie l’engouement du public à suivre les aventures du couple, fortement médiatisées. C’est une saga passionnante et pleine de rebondissements qui est narrée par la presse au public alors confronté à la Grande Dépression.
Un contexte morose de Grande Dépression
En 1930 s’abat la plus grosse crise économique du XXe siècle. Elle est d’autant plus rude qu’elle suit les années folles, période d’importante prosperité pour le pays. Après le krach boursier de 1929, les marchés financiers s’effondrent, les banques et entreprises font faillite, le chômage explose… Près d’un quart de la population se retrouve sans travail.
Dans ce contexte rude où la pauvreté s’intensifie, l’histoire de Bonnie et Clyde détonne. La presse se fait le relais de leurs crimes. Clyde est d’ailleurs surnommé par les médias « bébé voyou », un terme surprenant pour désigner un criminel. Les journalistes sont loin d’adopter un ton neutre, conscients de l’engouement du public pour ces deux stars en cavale. Les meurtriers sont alors vus comme un couple hors du commun au milieu de la crise actuelle. La presse se passionne pour le sujet et le public se délecte de suivre les aventures de ce duo hors du commun. Lors d’une prise d’assaut, la police va mettre la main sur une série de photographies des amoureux qui va jouer un rôle clé dans la notoriété des deux amants, précipitant également leur perte.
Une cavale médiatisée qui passionne l’Amérique des années 1930
La presse s’empare de certains clichés que les amants en fuite ont abandonné. Elle les diffuse, contribuant largement au gain de popularité du binôme. Le public est captivé par l’histoire des deux hors-la-loi amoureux. Pourquoi tant d’engouement autour de ces photographies ? D’abord parce qu’il s’agit de clichés privés, volés à des bandits en pleine cavale. Avec ces images inédites, on entre dans l’intimité du couple de criminels, inatteignables. On y voit Bonnie, femme pleine d’audace, prendre la pose avec son amant sous les yeux de leur complice de l’époque et photographe improvisé, William Daniel Jones, 16 ans. La jeune intrépide s’affiche même fumant un cigare, s’affranchissant clairement des codes établis, ce qui n’est pas sans rappeler le mouvement des « Flappers » avant elle. Le public se délecte alors de voir les voleurs se mettre en scène, madame tenant en joue son amant. Les images permettent au monde entier de mettre un visage sur les noms des deux malfrats. Ils sont jeunes, beaux, libres, insouciants et paraissent se jouer de l’ordre établi. L’engouement incontrôlable du public pour le duo renforcera d’ailleurs la détermination de la police, humiliée, à stopper la cavale désormais médiatisée.
« À la diffusion de ces photographies, Bonnie et Clyde ont incarné tout à coup la liberté, le défi à l’autorité et l’amour interdit à une époque où le pays manquait cruellement de distraction » explique Jeff Guinn, écrivain américain.
Issus de milieux très modestes, le couple véhicule l’idée d’une vengeance contre l’ordre établi, les banquiers, le cloisonnement des classes sociales, les lois… Bonnie et Clyde deviennent ainsi le symbole de la liberté pour une Amérique brimée et ravagée par la crise. Fantasme pour certains, simple divertissement pour d’autres, ils emportent avec eux la morosité du contexte. La presse paraît jouer un rôle de complice, prenant le parti des amants et dévoilant une histoire d’amour passionnée, mêlée de liberté que rien ne semble pouvoir arrêter. L’écrivain et journaliste d’investigation, Jeff Guinn, tente de peindre un portrait plus réaliste et moins romancé du couple de meurtriers dans son ouvrage Go Down Together, The True Untold Story of Bonnie and Clyde.
Célèbre photo où Bonnie feint une mise en joue de son amant, sous l’œil de leur complice William Daniel Jones © W. D. Jones/Bettmann
Bonnie et Clyde : la liberté à tout prix, source d’inspiration depuis des décennies
Outre l’amour et le crime, les fameux Bonnie and Clyde symbolisent la quête de liberté. C’est un sujet de prédilection pour les artistes qui ne manquent pas de se laisser inspirer par l’histoire des deux bandits.
La quête d’une liberté au-dessus des lois, jusqu’à la mort
Celui qu’on a appelé « le couple maudit » est un mélange détonnant d’amour passionnel, de quête de liberté et de refus des règles établies. Derrière la romance de Bonnie et Clyde, c’est la peinture d’une époque particulièrement difficile où la pauvreté et le désespoir ont conduit certains au crime. Les amants meurtriers illustrent cette période et vivent leur recherche de liberté en assassinant. Le couple déchaîne les passions et divisent les avis. On les admire pour leur non soumission, leur soif de liberté et leur détermination à combattre l’ordre établi. On les condamne pour leurs crimes, on les déteste d’outrepasser les lois et de tuer. Les deux fugitifs ne font pas l’unanimité mais font parler d’eux sans conteste. C’est là toute l’ambivalence du sujet devenu légendaire. Ils représentent l’amour passionnel, hors-la-loi, qui vient bouleverser les codes romanesques. Nombre d’artistes ont trouvé l’inspiration dans le destin, aussi violent que tragique, des amoureux criminels. Quantité d’œuvres perpétuent le mythe en romançant l’histoire de Bonnie et Clyde pourtant dévastatrice.
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L’histoire qui inspire les artistes et perpétue le mythe
Le sujet Bonnie & Clyde a fait couler beaucoup d’encre et nourri quantité de créations. Il est source d’inspiration, symbole d’un amour passionnel, au-dessus des lois. Nombre d’artistes ont repris l’histoire du couple, de Johnny Hallyday à Gainsbourg en passant par Taylor Swift et les rappeurs Tupac, Eminem ou Jayz avec Beyoncé. On retrouve dans ces chansons, l’argent, les cavales et la passion. C’est l’omniprésence de fantasmes : celui de la course-poursuite, de donner du fil à retordre aux autorités, de vivre une relation passionnelle sous adrénaline et aux antipodes de la vie quotidienne. C’est une échappatoire au réel et à la routine.
Côté 7ème art, l’une des œuvres majeures sur le sujet est Bonnie and Clyde d’Arthur Penn en 1967. Le film montre comment le couple devient ennemi public malgré lui. Le duo joué par Faye Dunaway et Warren Beatty apparaît comme attachant. À l’opposé, les forces de l’ordre sont brutales, sans valeurs morales. Le parti est ainsi pris et la légende est nourrie.
Les graines de la quête de liberté semblent être plantées et viendront alimenter sans cesse le monde du cinéma. Les très célèbres et féministes Thelma et Louise du film de Ridley Scott, d’un autre genre certes, n’ont-elles pas été comparées à leur tour à Bonnie et Clyde, se battant coûte que coûte pour leur liberté ? Aucun doute sur le fait que les deux amants criminels aient laissé de quoi marquer encore nos prochaines décennies.
Passionnée d’écriture, éprise d’un truand, la jeune poète a mené une vie marginale, outrepassant les lois. S’affranchissant des codes établis, Bonnie Parker s’est montrée aux yeux de tous comme une hors-la-loi amoureuse qui fascine. Sa présence dans le gang Barrow a sans nul doute joué un rôle crucial dans la médiatisation démesurée et l’histoire romancée relayées par la presse. Près d’un siècle après la disparition des amants maudits, l’attraction pour ce binôme paraît toujours intacte tant leur soif de liberté et d’aventures était grande. Leur mort spectaculaire, après des mois de poursuite, marqua le tournant vers la légende, rendant célèbre à tout jamais le couple de bandits le plus recherché d’Amérique. Le XXe siècle aura vu Pablo Escobar, Al Capone, Jacques Mesrine… mais il retiendra à jamais Bonnie and Clyde, le duo de gangsters vu comme le plus amoureux de l’histoire.
Envie d’en savoir plus sur Bonnie & Clyde ? Regardez « Bonnie and Clyde : histoire d’un couple de gangsters hors norme » :
Eve Estingoy pour Celles qui Osent
Sources :
Poèmes de Bonnie Parker, éditions MazetoSquare
https://www.vanityfair.fr/culture/people/articles/la-veritable-histoire-de-bonnie-et-clyde/57110
https://www.histoire-pour-tous.fr/dossiers/2758-lhistoire-de-bonnie-a-clyde.html
https://www.loelia.fr/annees-1920-flappers/
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