« BB », l’icône libre et glamour des sixties

Issue d’une famille bourgeoise, Brigitte Bardot est soumise à une éducation catholique stricte, bienséante et sans compromis. Son père, Louis Bardot, est un riche industriel. Comme il se doit, sa mère, Anne-Marie Mucel, est mère au foyer. C’est dans ce milieu aisé et coincé que Brigitte naît, le 28 septembre 1934, à Paris. Enfant, rien ne la prédestine à devenir une icône, un mythe ou un sex-symbol international. Elle n’est pas jolie et grandit dans l’ombre de sa sœur cadette, Mijanou, la préférée aux yeux pervenche. Blessée et esseulée, elle pleure et se maudit lorsque le miroir lui renvoie son image : appareil dentaire, grosses lunettes, amblyopie de l’œil gauche et léger strabisme. Pourtant, dès 1956, dans Et Dieu… créa la femme, BB déchaîne les foules. Sacrée plus belle femme du monde, elle devient le symbole incandescent de l’émancipation féminine. Miracle ? Destin ? Providence ? Hasard ? Grâce à Celles qui osent, découvrez l’incroyable métamorphose de Brigitte Bardot et la biographie d’une audacieuse née.

Biographie de Brigitte Bardot, l’enfance de l’art

Les parents Bardot inscrivent Brigitte à la danse classique dès l’âge de 7 ans afin de parfaire son éducation. Très vite, sa professeure de l’époque, Mme Bourgat, remarque son naturel, sa sincérité et sa spontanéité. Elle devient la meilleure du cours, dépasse les attentes et excelle dans l’improvisation.

L’âme d’une étoile

« Cet enfant oubliait tout en dansant et se trouvait dans un état second. L’inspiration correspond aux plus secrets mouvements de l’âme. Brigitte n’avait pas 10 ans que je fus certaine qu’elle appartenait déjà à cette catégorie de mystiques qui attendent un appel. », Mme Bourgat

La chrysalide

En 1949, à 14 ans, Brigitte entre au Conservatoire de Paris et y obtient un premier accessit. La danse, c’est le seul espace où elle s’autorise à s’aimer. Elle s’y adonne plusieurs heures par jour avec perfectionnisme pendant 12 ans (7 ans avec Mme Bourgat et 5 ans avec le célèbre professeur russe, Boris Kniaseff). Ses jambes et ses muscles s’étirent, sa taille s’affine, son menton s’élève, son port de tête se redresse, sa silhouette devient gracile et fluide. Si son visage conserve une moue boudeuse, ses yeux pétillent, son expression s’enhardit et se solarise. Mue par son élégance et sa grâce naturelles, Brigitte se distingue des autres petits rats. Elle gagne en estime d’elle-même et peut devenir professionnelle, peut-être même étoile de l’Opéra de Paris ?

La mascotte des magazines junior

L’œil avisé de la fondatrice du magazine ELLE, Hélène Lazareff, en décide tout autrement. Cette amie de la famille capte la transformation saisissante de l’adolescente. Pour elle, Brigitte incarne la beauté fraîche et saine dont sa revue a besoin pour représenter la jeune fille moderne. Brigitte Bardot devient rapidement la mascotte des magazines de mode junior. De ses premiers clichés, on retient des postures un peu figées. Bardot ne se libère pas spontanément de son éducation guindée. Devant les flashs des photographes, elle dégage ce qu’on attend d’elle, une image de jeune fille de bonne famille au maintien plutôt classique. Ses rondeurs restent discrètes et sa sensualité légendaire encore enfouie.

se former à la rédaction web

La rencontre choc

Pourtant, lorsque Marc Allégret, réalisateur, découvre la une du n° 8 du magazine, quelque chose de saisissant l’interpelle dans le visage encore poupin de Bardot. Il y décèle une expression sous-jacente d’effronterie, d’insolence et de détermination peu commune à une gamine de cet âge. Avec Roger Vadim, son assistant, ils organisent une rencontre et lui proposent un rôle dans le film Les Lauriers sont coupés. Finalement, le tournage n’aura pas lieu, mais Brigitte vient de faire la connaissance de son premier grand amour.

« Je l’ai trouvé extraordinairement beau ! Je n’avais pas 15 ans et je ne pouvais pas imaginer qu’un jour, il serait mon mari. J’étais tellement timide, tellement gamine, en socquettes, petit col blanc amidonné, petite cravate et uniforme. Je n’ai pas eu de coup de foudre instantané, car je n’osais pas imaginer qu’il pouvait tomber amoureux de moi. Mes amis de l’époque ? Des garçons d’une vingtaine d’années, futurs médecins aux petites binocles coincées sur le nez ! Vadim véhiculait une telle autre image ! Je n’étais pas habituée. », Brigitte Bardot

Brigitte est totalement happée par le côté bohème, ouvert et sécurisant de Roger Vadim. Il est probablement le signal inconscient qu’elle attend pour se libérer des chaînes de sa petite vie bourgeoise étriquée.

« Je l’ai trouvée royale. Balzac dit que « l’élégance, c’est de paraître ce que l’on est ». À presque 15 ans, Brigitte était déjà ainsi. Très directe, pleine d’humour, amusée par l’idée d’une nouvelle expérience, mais pas du tout convaincue que le cinéma était une chose marrante ! Elle était à la fois désinvolte, altière et sublime de beauté. », Roger Vadim

L’amour entre dans la danse

Brigitte et Vadim se revoient, se plaisent et tombent passionnément amoureux au grand dam des parents. Pour entretenir cette relation, Brigitte doit gagner son indépendance, oser « foutre le camp de chez ses parents ». Le cinéma, pour elle, c’est avant tout un acte de libération. Les conseils de famille se succèdent et l’adolescente ne doit son salut qu’à l’un de ses grands-pères.

« Si ta fille doit devenir une dépravée, elle le deviendra avec ou sans le cinéma. », le grand-père de BB, surnommé Le Boum

La relation avec Vadim est rocambolesque et faite d’interdits à braver. Brigitte découvre un milieu fantaisiste et plein d’esprit. Elle est subjuguée. Les amoureux se voient en cachette dans des studios prêtés par des amis. Brigitte sèche les cours. Vadim signe des mots d’excuses.

Une première tentative de suicide

Au sein de la famille Bardot, c’est la catastrophe, l’inimaginable. Vadim est considéré comme un saltimbanque, un sans le sou. Brigitte est sommée de ne plus le voir et chaperonnée du matin au soir. Mais c’est trop tard ! L’adolescente s’est éveillée à une autre voie où tout semble permis, surtout d’aimer, d’être aimée et de lâcher prise. Faire un pied de nez au conformisme. L’adolescente ne supporte plus le carcan familial et l’étroitesse de ses parents. Emplie d’une grande tristesse face à leur psychorigidité, elle fait une tentative de suicide en se mettant la tête dans le four :

« Très jeune, je me suis dit que la vie ne valait pas la peine si l’on devait en souffrir. J’avais donc le suicide comme porte de sortie. »

Ses parents la trouvent in extremis. Louis Bardot cède. Le mariage est célébré en décembre 1952, peu après les 18 ans de Brigitte. C’est la dernière condition imposée par ses parents.

Brigitte Bardot, biographie d’une audacieuse née, les débuts d’une star

Le couple vivote mais évolue en toute liberté. Vadim joue la carte du gendre idéal, se stabilise en prenant un poste de journaliste à Paris-Match. Quant à Brigitte, elle délaisse ses rêves de ballerine pour tenter sa chance sur les plateaux.

1952 et plus… pas de chat au cinéma

Subtilement, la future vedette fait ses premiers pas au cinéma et s’invite à l’écran dans des petits rôles  : Le Trou normand aux côtés de Bourvil, Manina, la fille sans voiles de Willy Rozier, Si Versailles m’était conté de Sacha Guitry, ou encore Les Grandes manœuvres de René Clair, avec Gérard Philipe et Michèle Morgan.

« Avant de devenir célèbre, j’en ai fait des merdouilles. Ça m’a permis de quitter la maison. De découvrir un semblant de liberté d’autant plus cher que j’avais été élevée à la dure. Une fois que j’ai décidé de me lancer dans cette carrière, je me suis donnée à fond. C’est la base de ma vie. Quand j’entreprends quelque chose, j’essaie de le faire du mieux possible. Je me donne du mal. », Brigitte Bardot

Festival de Cannes, le style « BB » s’affirme

Vadim croit ferme au potentiel de sa femme. Il la promeut tant et plus. Brigitte joue le jeu et s’investit. À Cannes, elle imprime son style, s’habille à sa guise, lance le bikini et se moque des convenances et des protocoles. Elle a goûté à la liberté et cette sensation bluffante lui sied de la tête au pied. Aucun rôle principal à son actif que, déjà, on ne voit qu’elle, on ne parle que d’elle. Sa photogénie, sa taille fine et son insolent minois font genre dans les séries de mode des magazines dont elle devient l’égérie. Bardot ne correspond pas aux critères de la beauté classique qui bannit les visages enfantins. La mode est aux Lana Turner et Marilyn Monroe, le style blonde permanentée, posture de diva. « BB », c’est tout autre chose. C’est l’aplomb au naturel et tout le portrait d’une audacieuse née.

1956, le coup de génie de Vadim,  Et Dieu… créa la femme

Après bien des péripéties, Vadim tient le bon scénario pour sa femme. Il veut lui donner un rôle sur mesure, un rôle où la nature sauvage, rebelle et insoumise de Bardot puisse crever l’écran. Il s’inspire d’une histoire vraie qu’il romance, et lance Et Dieu… créa la femme. Il dira plus tard :

« Brigitte ne ressemble pas tout à fait à Juliette dans la vie, mais elle en a la nature. »

À 22 ans, Brigitte se livre à une véritable métamorphose. Dans ce film culte, elle lâche tout, va au bout d’elle-même, à la recherche de sa vraie identité. Oser être soi-même, enfin ! Peu importe le résultat, peu importe le qu’en-dira-t-on ! Elle est une enfant et elle danse, comme avant, au cours de Mme Bourgat, quand elle oubliait tout et qu’elle improvisait à merveille ! La scène du mambo endiablé est totalement spontanée. Une seule prise suffit. Les chaînes de Brigitte se délitent une à une et tout le carcan de préjugés qui va avec. Chaque scène prend le contre-pied de son éducation et du rejet dont elle a été victime. Brigitte se balade pieds nus, en robe légère et seyante, sans coiffage ni maquillage dans le petit village de Saint-Tropez : une pharmacie, une épicerie, une librairie, un port de pêche (Brigitte restera fidèle à l’authenticité et au pittoresque de ce lieu  mythique, et se désole du snobisme ambiant et de l’éclaboussure du luxe qui prédominent désormais). Sa foudroyante sensualité et son extraordinaire naturel explosent. Elle est à la fois radieuse, éblouissante d’audace, torride, belle à couper le souffle, provocante et je-m’en-foutiste. Mais pas que !

Icône libre et glamour des sixties

Ce film, considéré « à scandale », traduit à la perfection le désarroi et la fougue des jeunes filles de cette époque. À la recherche d’autre chose, ces adolescentes et toutes jeunes femmes étouffent intérieurement. Elles aspirent à une autre vie, plus libre, plus excitante, moins conforme. Les sentiers battus et la prédestination les angoissent. Ces filles-là ne se retrouvent pas dans le modèle préétabli qu’on leur impose. Elles aiment la bohème, le glamour et le rêve, comme Juliette, incarnée par Bardot. Elles doutent, s’interrogent, ont du mal à accepter l’asservissement à vie, le joug dont elles ne pourront plus se libérer, comme Bardot incarnée par Juliette.

Elles réclament :

  • le droit au doute ;
  • à la tentation ;
  • à la provocation ;
  • à l’essai ;
  • aux expériences ;
  • au refus ;
  • à la prise de risques ;
  • à l’indépendance ;
  • à la sexualité ;
  • à la contraception ;
  • à l’avortement ;
  • et bien plus encore…

Bref, elles veulent tout simplement vivre libres et être elles-mêmes. Comme Bardot dans Et Dieu… créa la femme.

Le mambo endiablé de Brigitte Bardot dans Et Dieu créa la femme
Brigitte Bardot dansant dans Et Dieu… créa la femme

⏩ À lire aussi : Histoire du féminisme français

Symbole de l’émancipation féminine et de la révolution des mœurs

« Le succès m’est tombé dessus comme à Gravelotte ! On ne s’y attend jamais, car on doute toujours… C’était rigolo parce qu’en fin de compte, il n’y a rien de choquant ! », Brigitte Bardot

« Le film a été notre enfant artistique. Ce fut une merveilleuse façon de rompre ! », Roger Vadim

Cette symbiose générationnelle fait de Brigitte Bardot l’incarnation de l’émancipation et de la révolution féminines (ce qui n’était absolument pas prémédité et ce qu’elle n’a jamais revendiqué).

« J’ai simplement été celle que j’avais envie d’être. Naturelle, vraie et franche. », Brigitte Bardot

En France, le film fait un flop avec seulement 180 000 entrées. Les ligues de vertus crient au scandale. La censure frappe. Le puritanisme des années 50 a raison de certaines scènes. Les critiques parlent de nullité confondante. Seul Les Cahiers du cinéma est enthousiaste :

« Bardot est magnifique et pour la première fois, totalement elle-même ! »

Autrement dit, naturellement audacieuse ! Sur grand écran, sans remords et sans tabous, une femme ose exprimer son ardent désir à l’égal d’un homme. Aux États-Unis, en 1957, c’est l’hystérie collective ! 8 millions d’entrées ! Bardot déchaîne les foules et les passions ! Il faut attendre 1958 pour que la France se décoince, et que les Françaises se prennent au jeu de la Bardot mania. 4 millions d’entrées ! 12 millions au total ! C’est le début de l’idolâtrie !

« À elle seule, Brigitte Bardot rapporte plus à la France que la Régie Renault », révèle Antoine Pinay, ministre des Finances du Général de Gaulle.

⏩ À lire aussi : Elles étaient une fois, Celles qui osent

BB, déesse de l’amour, de la sensualité et de la sexualité décomplexées

Si le film signe la gloire de BB, il met un terme à la relation Bardot/Vadim. Brigitte Bardot, adulée, se sent plus libre et plus désirable que jamais. Elle a de nouveau soif d’aventures et d’amours passionnés, toujours et encore. Le syndrome du rejet, peut-être ? Sûrement ! À condition qu’il lui plaise, elle ne résiste pas à l’amour éperdu d’un homme. Cet instant troublant où rien n’est dit mais où tout transparaît : l’admiration, l’attirance, la supplication, l’appel des corps, des sexes, la libération. Toute une errance et d’irrésistibles moments d’égarement. En amoureuse décomplexée, la jeune artiste s’engouffre tout naturellement dans l’ivresse de la séduction et de la conquête.

On l’oublie souvent, en totale rupture avec la bonne bourgeoisie d’où elle issue, Brigitte a toujours gardé son âme d’enfant. Intérieurement, elle reste fragile et blessée, un être à fleur de peau. D’aucuns lui prêtent une blessure narcissique, autrement dit, une nature narcissique. Peu importe ! Brigitte, c’est BB avec ses défauts et ses qualités. Parmi ses amants et maris les plus célèbres, Celles qui osent cite Roger Vadim, Jean-Louis Trintignant, Sacha Distel, Sami Frey, Jacques Charrier, Gunter Sachs et Serge Gainsbourg. Depuis 1992, la star inoubliable partage sa vie avec Bernard d’Ormale.

« À part tuer quelqu’un, je crois que j’aurais été prête à tout. Je ne vis que d’amour. J’ai raté plein de choses que je devais faire et que je n’ai finalement pas faites parce que je ne voulais pas quitter l’homme dont j’étais amoureuse. J’ai voulu mourir plusieurs fois parce que des hommes m’ont quittée. C’était en quelque sorte mon oxygène. J’ai besoin de vivre sous haut voltage amoureux et j’ai une grande reconnaissance pour les hommes qui ont partagé un peu de vie avec moi. », Brigitte Bardot

De 1956 à 1973, une carrière époustouflante

Bardot, on se l’arrache à prix d’or. Tout le monde la veut. Symbole de la nudité et de la sensualité, objet de désir mondial, les États-Unis lui ouvrent bras et fortune. Elle refuse et reste fidèle à la France. Elle y réalise une carrière sans précédent avec les plus grands noms du cinéma, mais aussi ceux de la chanson, de la danse, de la photographie, de la peinture, de la littérature, de la presse :

  • 47 films dont La Vérité de Henri-Georges Clouzot, Le Mépris de Jean-Luc Godard, Vie privée et Viva Maria de Louis Malle, L’Ours et la poupée de Michel Deville, Boulevard du Rhum de Robert Enrico, En cas de malheur de Claude Autant-Lara, Les Pétroleuses de Christian Jacques, etc. ;
  • 70 chansons, dont Initiales BB, Bonnie & Clyde, Harley-Davidson, La Madrague, Je t’aime, moi non plus, Comic Strip, etc. ;
  • des revues de danse, dont un célèbre ballet avec Michel Renault, étoile de l’Opéra de Paris ;
  • un nombre inimaginable de photos (BB a été la femme la plus photographiée au monde) ;
  • des shows télévisés ;
  • la une de tous les magazines et de tous les journaux ;
  • première célébrité à représenter Marianne, en 1969, selon la volonté du Général de Gaulle qui la choisit pour sa bonne humeur, son franc-parler et sa simplicité ;
  • Etc.

Le monde entier est à ses pieds. En quelques années, Brigitte Bardot est passée du statut de starlette du Festival de Cannes à celui de star absolue. Sa renommée est internationale. C’est une légende.

Brigitte Bardot sur la plage de Deauville
Brigitte Bardot sur la plage de Deauville. Collection privée

Brigitte Bardot vue par Simone de Beauvoir

On pourrait penser que tout les oppose. Et pourtant ! Voici ce que dit Simone de Beauvoir sur BB, dans un article intitulé Brigitte Bardot and the lolita syndrome paru le 1er août 1959 dans la revue américaine Esquire :

« Elle va pieds nus, elle tourne le dos aux toilettes élégantes, aux bijoux, aux parfums, au maquillage, à tous ces artifices. Elle marche, elle danse, elle bouge. Elle fait ce qui lui plaît et c’est cela qui est troublant. Elle se fiche comme d’un iota de l’opinion des autres. Elle ne cherche pas à scandaliser. Elle n’a pas d’exigences : elle n’est pas plus consciente de ses droits que de ses devoirs. Elle suit ses désirs. Elle mange quand elle a faim et fait l’amour avec la même simplicité désinvolte. Le désir et le plaisir semblent pour elle plus convaincants que les préceptes et les conventions. Elle ne critique pas les autres. Elle fait ce qui lui plaît, et c’est cela qui est perturbant. Elle ne pose pas de questions, mais elle offre des réponses dont la franchise peut être contagieuse. Loin de la soumettre, l’attitude de Bardot – une Lolita en apparence – la protège des hommes : la femme adulte habite le même monde que l’homme mais la femme-enfant se meut dans un univers où il ne peut pénétrer et ainsi la différence d’âge rétablit entre eux la distance… »

« […] Son érotisme n’est pas magique, mais agressif. Au jeu de l’amour, elle est plus un chasseur qu’une proie. L’homme est un objet pour elle, exactement comme elle l’est pour lui… Dans les pays latins, où les hommes restent accrochés au mythe de la ‘femme objet’, la ‘naturalité’ leur semble plus perverse que n’importe quelle sophistication. Refuser les bijoux et les cosmétiques, les talons aiguilles ou les corsets, c’est refuser de se transformer en idole insaisissable. C’est affirmer que l’on est le camarade et l’égale de l’homme, reconnaître qu’entre hommes et femmes, il y a désir et plaisir mutuels. Elle apparaît comme une force de la nature, dangereuse aussi longtemps qu’elle restera indomptée. Elle n’est ni perverse, ni rebelle, ni immorale. C’est pourquoi la morale n’a aucune chance avec elle. »

Les risques de la gloire, la bardolâtrie et les paparazzi

Très vite, en pleine gloire, la super star, l’actrice mythique est désenchantée. Sa présence déclenche systématiquement une émeute et l’arrivée instantanée des paparazzi, telle une nuée d’insectes. On la touche, on lui tire les cheveux, on l’oppresse, on l’épie, on la traque. Prise à son propre piège, la liberté se referme sur elle et l’enserre. La pression est énorme. La bardolâtrie dépasse les limites du supportable. Brigitte est encerclée par la foule, les services d’ordre, les journalistes, les photographes de tout poil, et surtout les paparazzi. Ils sont toujours présents, tapis quelque part, en surveillance lointaine ou rapprochée. Nuit et jour, ils se relaient. Où qu’elle soit, les téléobjectifs la filent, à la recherche du moindre cliché : en tournage, chez elle, en voiture, à l’hôtel, partout. C’est une traque de tous les instants. Vie publique et vie privée n’ont plus de frontière. Le monde entier photographie Brigitte Bardot comme la Tour Eiffel ou la Tour de Pise.

Paparazzi, laissez-moi vivre !

La star a besoin du regard des médias pour exister, mais la femme ne supporte plus les intrusions dans sa vie personnelle. Les murs de sa maison de Saint-Tropez, la Madrague, sont escaladés, le portail franchit, la plage envahie, la garrigue occupée, tout comme le toit de sa maison. Les clichés s’invitent jusque dans la salle de bains de l’actrice. Jusque dans la chambre, à Paris, où Brigitte tente de pouponner, à la naissance de son fils, Nicolas. Accueillir un nouveau-né au milieu des flashs la révulse. De la Madrague à Paris, le viol de l’intimité est permanent.

« On allait se mettre dans les cailloux, dans l’eau, devant la Madrague, bronzés jusqu’à la taille parce qu’on y restait toute la journée, même avec de l’huile, on cramait ! Dès qu’elle sortait de sa maison, elle faisait semblant de ne pas nous voir et poussait ses chiens dans l’eau pour qu’ils nous mordent. Les chiens s’en foutaient. Ils nageaient un peu, puis revenaient s’étendre sur la plage. Elle enrageait. », Daniel Angeli, le roi des paparazzi

Ce harcèlement constant contribue certainement à son rejet de la maternité. Brigitte, enceinte de Jacques Charrier, souhaite avorter. Face au risque et à l’illégalité, les médecins s’y opposent. Brigitte vit très mal cette grossesse imposée. Elle doit honorer ses contrats et est assaillie de toutes parts. Plus tard, avec son naturel et sa verve habituels, elle osera dénoncer ce qu’elle a vécu comme une « tumeur » qui poussait en elle. Dans l’univers ambiant du « politiquement correct », ses propos ont choqué. Aujourd’hui, 5 % de femmes déclarent ne pas vouloir d’enfants.

Écrasée par la célébrité

Brigitte, la fille aux pieds nus, libre et transgressive, la Esmeralda de Saint-Tropez, vit désormais recluse dans un univers rétréci, une prison dorée. Télé, lecture, téléphone… Téléphone, lecture, télé. Les rideaux de la Madrague sont constamment tirés. Elle ne sort qu’à des fins professionnelles, escortée. Fini les baignades imprévues, les tours de bateau, les sorties quotidiennes au village avec un panier en osier. Fini la liberté. Pour calmer les esprits et se protéger, elle est contrainte d’ériger des murs bétonnés sur deux côtés de la plage. Brigitte ressent une tristesse incommensurable. Cette traque féroce dure 15 années, sans relâche. Lui reste-t-il une issue ?

6 juin 1973, le tournant de sa vie

Lors du tournage de Colinot trousse-chemise, l’actrice termine sa journée de travail, désabusée, en compagnie de son photographe, Jacques Estarbié. Ensemble, ils rencontrent une figurante accompagnée de 2 chèvres. Brigitte s’inquiète du sort des animaux après le tournage et apprend qu’une des chevrettes est destinée au prochain méchoui. L’actrice ne fait qu’un bond et se saisit de la future « Colinette » pour l’arracher à son funeste sort. Jacques Estarbié a juste le temps d’immortaliser la scène par un cliché express. La paysanne est indemnisée, l’animal est sauvé. À la réception de la photo, Brigitte écrit  :

« Adorable Jacques, cette photo est formidable. La sorcière mangeuse de chèvres et la fée des animaux qui sauve « Colinette ». C’est symbolique. C’est le tournant de ma vie, et vous étiez là au bon moment. Merci, merci, merci. Je vous embrasse de tout mon cœur. »

Brigitte Bardot arrête le cinéma
Le jour où BB arrête le cinéma pour Colinette

C’est ainsi que le soir du 6 juin 1973, à 38 ans, en pleine gloire, Brigitte a le cran d’annoncer officiellement son retrait à la presse. La femme la plus célèbre du monde tire sa révérence, quitte la vie publique et déserte les plateaux. Certains prétendent à un caprice de star. Ils sont vite contredits. Depuis près de 50 ans, l’inoubliable vedette consacre sa vie et sa fortune au sort des animaux. Elle a notamment créé, en 1986, la Fondation Brigitte Bardot. Ses actions et ses prises de position notoires contre l’abattage rituel, la fourrure, les chasses aux phoques ou à la baleine, les abandons d’animaux domestiques ou encore la corrida reçoivent un large écho et montrent du doigt la classe politique.

« J’arrête le cinéma. C’est fini ! Ce film est le dernier. J’en ai marre… Je veux passer mon temps à m’occuper de la défense animale. Et je crois que j’aurais beaucoup de travail. C’est pour ça qu’il vaut mieux que je ne fasse plus de cinéma… J’ai donné ma jeunesse et ma beauté aux hommes, je donne ma sagesse et mon expérience aux animaux. »

La célébrité au service des causes animale ou sociétale à défendre

Le saviez-vous ?

  • 1962, BB prend la parole dans 5 colonnes à la une pour dénoncer l’horreur des abattages d’animaux sans étourdissement préalable. Un demi-siècle plus tôt, son reportage choc est digne de ceux de L214. On lui doit l’utilisation du pistolet anesthésiant, honteusement remis en cause aujourd’hui au nom de l’abattage rituel ;
  • 1962, BB est la seule célébrité à tenir tête à l’OAS qui tente de lui extorquer 5 millions de francs. Face à sa résistance, l’OAS menace de la passer au vitriol. Elle tient bon et dénonce les faits dans une lettre ouverte à la presse ;
  • 1973, BB prend publiquement position pour la légalisation de l’avortement ;
  • 1977, Brigitte Bardot déclenche une vaste campagne médiatique depuis les glaces polaires du Canada, à Blanc-Sablon. Elle y dénonce, en direct, le massacre des blanchons organisé pour leur fourrure. À son retour en France, elle obtient l’interdiction du commerce de produits dérivés de la chasse sur bébés phoques de moins de 4 semaines.
  • 1996, BB refuse les 3 millions de francs proposés par Madonna pour interpréter son rôle dans Initiales BB. Raison : Madonna porte de la fourrure.
Brigitte Bardot la chasse aux blanchons
BB, son combat contre la chasse aux blanchons

Ça vous épate, non ? Femme-enfant, femme fatale, femme combattante, Brigitte Bardot ne laisse personne indifférent. En avance sur son temps, l’artiste a payé cher sa sexualité décomplexée, sa beauté affolante, ses amours ardents, ses combats et sa soif de liberté. Mais qu’elle le veuille ou non, même recluse, son aura brille encore. Il en est ainsi des étoiles. Étoile pressentie à l’Opéra de Paris, étoile au cinéma, étoile de la condition animale, Brigitte Bardot a réussi toutes les métamorphoses de sa destinée.

Avec beaucoup de respect, Celles qui osent la laisse tranquillement reprendre ses activités et lui souhaite un heureux anniversaire. Le webzine vous proposera bientôt de la redécouvrir dans un article à venir sur sa Fondation. La ténacité, l’audace et le courage vous donnent à nouveau rendez-vous !

Si la cause animale vous tient à cœur, ces articles devraient vous intéresser :
Investiture d’Hélène Thouy du Parti animaliste à la présidentielle de 2022
Science et conscience animale
Biographie de Gabrielle Paillot, lanceuse d’alertes animalières

 

Etsie TESSARI pour Celles qui osent

 

Sources :

https://www.vogue.fr/vogue-hommes/culture/diaporama/entretien-avec-brigitte-bardot/17556
https://www.lavoixdunord.fr/94117/article/2016-12-23/et-dieu-crea-la-femme-quand-bardot-bousculaient-les-tabous
https://information.tv5monde.com/terriennes/brigitte-bardot-par-simone-de-beauvoir-
https://www.liberation.fr/cinema/2000/03/18/bb-dans-la-ligne-de-mire-la-bardotmania-filmee-sur-le-tournage-du-mepris-paparazzi-court-metrage-doc_320777/
https://www.franceculture.fr/emissions/brigitte-bardot-a-nu-grandes-traversees
https://www.parismatch.com/People/Brigitte-Bardot-naissance-d-un-mythe-1753313

Accueil


https://www.francebleu.fr/infos/medias-people/brigitte-bardot-fete-ses-85-ans-ce-que-vous-ne-saviez-pas-sur-bb-1569490173

En attendant notre prochain article, n'oubliez pas de suivre notre podcast sur ces Femmes qui Osent

Celles qui osent instagram
4 Comments
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.