Soigner et faire rire | Les vocations de Caroline Estremo

Avec une mère infirmière, Caroline Estremo s’était promis de ne JAMAIS le devenir. À 15 ans, elle refuse catégoriquement l’idée. « Pour piquer les gens et torcher des culs toute la journée ? Jamais ! » Et puis, elle abandonne finalement la fac de droit pour devenir… infirmière au CHU de Toulouse. Douée pour faire rire les patients, ses collègues et son entourage, elle quitte la blouse blanche pour le one-woman-show. Dans son livre Salle de pause : quand une infirmière passe des urgences à la scène, l’infirmière nous raconte son incroyable reconversion en tant qu’humoriste. Après les 25 000 exemplaires vendus de son premier livre #infirmière, dans lequel elle révèle les difficultés et les joies du métier, Caroline revient dans ce nouvel ouvrage sur la genèse de sa success-story. Celles qui Osent retrace la biographie de Caroline Estremo, qui cartonne désormais sur le Web et sur scène !

Infirmière aux urgences : la vidéo virale du premier sketch de Caroline Estremo

« J’ai peur des gens sérieux. Instinctivement, j’ai envie de les faire rire. »

C’est le 16 septembre 2016 que sa vie bascule, sur des toilettes, après 3 tartines de pâté. « Oui, dans des W.-C, on peut trouver l’idée du siècle. » En flânant chez elle après une dure matinée de travail aux urgences d’un hôpital, l’infirmière réalise que la petite Caroline rêveuse et désireuse de devenir comédienne s’est perdue « entre la taxe d’habitation et l’impôt sur le revenu. » Sur ces toilettes, scrollant son portable, elle tombe sur la vidéo d’un célèbre humoriste rendant hommage aux infirmières. Prise d’une fulgurante inspiration, elle écrit alors son premier sketch sur les urgences, puis se filme en selfie. Dans cette vidéo intitulée Infirmière aux urgences, elle raconte avec humour les anecdotes de son métier.

« Infirmière c’est tendu du slip, infirmière aux urgences, c’est Koh Lanta ! Les urgences, ce n’est pas du House, du George Clooney, du Grey’s Anatomy ! »

se former à la rédaction web

En une nuit, sa vidéo comptabilise 1 million de vues, et devient virale. De nombreux médias la contactent alors. Elle est même invitée pour passer en direct dans l’émission de Daphné Burki,  La nouvelle édition sur C8. Passionnée depuis l’enfance par le monde de la TV, elle est surexcitée à l’idée d’être conviée sur un plateau, sous les projecteurs. « C’est beau, c’est fou. »

Après sa courte mise en lumière télévisuelle, à son retour au travail, elle récolte moult sourires et compliments de ses collègues, admiratifs. « Les cadres étaient enchantés, en réalité soulagés […] quant aux collègues, ils m’accueillirent avec humour et félicitations, affublant assez vite du surnom la “star” ». Quand elle annonce qu’elle écrit un livre et qu’elle va monter sur scène pour parler de son métier, elle ressent pourtant beaucoup moins de bienveillance ou d’enthousiasme de la part de sa hiérarchie. « Je suppose que les hauts dirigeants craignaient que je descende l’établissement. »

#infirmière : un livre, puis un spectacle

Elle écrit en un mois son premier livre #infirmière. « J’adorais ça. Il suffisait juste de raconter mon histoire. » Pendant plusieurs mois, l’infirmière-humoriste, courageuse, cumule son travail, l’écriture de son livre et de son spectacle. Les bonnes nouvelles s’enchaînent : la directrice d’un petit théâtre de banlieue parisienne l’invite à jouer devant un public de 40 personnes. Elle reçoit quelques conseils scéniques d’un directeur d’un café-théâtre renommé de Toulouse, afin d’apprendre à tenir en haleine un public pendant une heure. Dans son salon, avec pour seul public sa table basse, elle s’entraîne durement.

Le 24 avril 2017, c’est la première de son spectacle, qu’elle jouera cinq soirs d’affilée. Entre deux anecdotes intestinales, Caroline raconte : « je passais la veille de ma première à pleurer, vomir, implorer les dieux de la météorite, et a créer un lien particulier avec les toilettes de ma chambre d’hôtel. » L’infirmière doute, par manque de confiance en elle ; elle a peur d’oublier son texte et de ne pas réussir à faire rire les gens.

« Au pire, tu ne meurs pas, au pire tu es juste pas drôle et ta fierté décèdera une fois de plus. »

Caroline doit gérer le stress d’avant-scène. Pourtant, en tant qu’infirmière aux urgences, elle sait ce qu’est, mais le stress scénique se manifeste sous d’autres formes : sueurs, vertiges, nausées. « N.B : je vais donc passer ma carrière à me chier dessus, et apparemment, c’est tant mieux. »

Sa première semaine de représentation est une réussite. Caroline emporte rapidement l’adhésion de son public : les gens rient et elle se félicite d’avoir eu droit à deux standings ovations. Sur scène, elle concède « qu’il est difficile de se laisser totalement aller, de se montrer à nu, sans retenue. »

📸  Pour vous immerger dans les coulisses du stand-up, découvrez la série Jeune et Golri avec Agnès Hurstel, réalisée par Fanny Sidney.

Le retour à la réalité : des critiques et des échecs

Après cette semaine de congé un peu particulière, Caroline reprend le travail, veillant à rester elle-même, pour que ses collègues ne se disent surtout pas qu’elle a pris la grosse tête. Elle ne pourra malheureusement pas éviter certaines critiques de collègues médisants. « Ça finira par s’arrêter… c’est une guignole… elle fait honte à la profession… c’est une infirmière de merde… elle fait ça pour l’argent… »

Pendant l’année qui suit sa première représentation, Caroline rejoue plusieurs fois dans ce petit café-théâtre parisien ainsi que dans une salle toulousaine. Au fur et à mesure des spectacles, elle progresse, acquiert de l’assurance, malgré quelques trous de mémoire récurrents (qu’elle a pu éradiquer grâce à un hypnothérapeute). Elle énumère les aléas techniques qu’elle a pu rencontrer sur scène (coupure d’électricité, problème de micros), mais aussi les aléas « humains », ces moments où elle sait qu’elle va devoir sortir les rames pour faire rire un public « timide », peu réceptif.

Mais Caroline ne raconte pas que ses victoires. En janvier 2018, par exemple, elle participe à un plateau d’humoristes. Sauf que « trois cents personnes ont ri du début à la fin du spectacle, sauf… pour mon sketch. » Échec cuisant. Elle pense même s’arrêter là… La rencontre avec sa manageuse Clémence, dite Chards, lui donne un nouvel élan : grâce à elle, elle passe d’une salle de 130 à… 1 200 personnes. Magique ! Pour l’aider à booster ses réseaux sociaux, l’humoriste reçoit aussi l’aide précieuse de Lisa, community manager. Ces deux femmes qui l’aident à se professionnaliser deviendront peu à peu ses amies.

Faire rire malgré le covid grâce à son spectacle Infirmière sa mère

Caroline Estremo a dit adieu aux couloirs de l’hôpital… pour faire son grand retour « covidien », dès la première vague au printemps 2020. Pendant quelques mois, pour cause de crise sanitaire mondiale, elle enchaîne les tests PCR et les intubations… avant de mettre définitivement de côté sa blouse d’infirmière et de créer sa boîte de production, Houpette Girl production (en référence à sa coupe de cheveux ;). Son objectif, reprendre la scène et soigner par le rire, dans un contexte où les gens en ont vraiment besoin !

Caroline confie dans ce livre qu’elle n’a jamais cessé son métier. Elle a eu du mal à le mettre en pause, à raccrocher la blouse. « J’adorais mon poste, même s’il était épuisant. »

En juillet 2020, la reprise de son spectacle Infirmière sa mère se fait avec un peu d’appréhension. Quelle sera l’ambiance avec les sourires masqués ?

« Le principal pour moi était de faire rire dans une période qui nous donnait à tous envie de pleurer ».

La biographie de Caroline Estremo s’enrichit : bientôt actrice ?

Caroline est une bosseuse : elle prend beaucoup de plaisir à écrire ses sketchs inspirés de son quotidien. Mais elle travaille, répète beaucoup. Elle poste régulièrement ses sketchs sur ses réseaux, se filme, recommence, exigeante.

Le travail paye. À l’été 2020, elle réussit les essais d’un casting… de film. Une comédie dramatique. Jouant le rôle d’une infirmière aux urgences, elle donne la réplique à l’une des plus grandes actrices du cinéma français. Le film cartonne et Caroline Estremo monte les marches du Festival de Cannes. Plus tard, elle est même contactée par un producteur télé pour jouer son sketch dans l’émission Parlez-moi d’amour avec humour, animée par l’humoriste belge Alex Vizorek.

Son spectacle Infirmière sa mère est une véritable déclaration d’humour et d’amour à la profession « parce que quand on rit on est plus beau que quand on pleure ». Infirmière, Caroline Estremo a rencontré des patients qui ont des parcours de vie terribles. Dédramatiser a toujours été un moyen de vivre malgré tout, pour ne pas sombrer. Parfois, elle ressent un certain « manque de sang et d’adrénaline », mais cette grande enfant qui aime les gens a réussi le pari d’oser vivre ses rêves.

Cela n’aurait pas été possible sans le soutien indéfectible d’Elo, sa femme : « Je vous souhaite sincèrement de trouver LA personne pour qui vous aurez envie de vous dépasser, de tout donner (…) LA personne avec qui vous rigolerez tellement qu’elle vous déclenchera une crise d’asthme. »

Cette folle aventure est aussi rendue possible grâce à ses lecteurs, son public, vous, nous, moi, alors continuons d’aller voir les artistes en spectacle !

 

🎙  Vous avez envie de rire ? Retrouvez notre interview d’Ambre Larrazet, qui nous parle, entre autres, de sa parodie Mais j’te tej’.

💊  Connaissez-vous l’histoire de Florence Nightingale, pionnière des soins infirmiers modernes, ayant contribué au développement de la statistique médicale ?

 

Violaine Berlinguet — Celles qui Osent

 

Sources :

Livre Salle de Pause : soigner par le rire : quand une infirmière passe des urgences à la scène

Site officiel : www.carolineestremoofficiel.com

En attendant notre prochain article, n'oubliez pas de suivre notre podcast sur ces Femmes qui Osent

Celles qui osent instagram
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.