Caroline Ida est une mannequin, blogueuse et instagrameuse de 61 ans. Elle s’affirme en tant que « sexygénaire », et dénonce l’invisibilisation des femmes de plus de 50 ans dans notre société. Caroline se présente comme une femme libre et engagée, en lutte contre les diktats et en faveur d’une meilleure représentation de la génération silver. En avril dernier, elle a publié Génération silver : sans tabous ni limites, un livre dans lequel elle analyse les injonctions discriminantes dont souffrent les femmes « silver » (terme qu’elle préfère à celui de « sénior ») et les aident à se sentir mieux dans leur corps et dans leur tête. Celles qui Osent a eu la chance de rencontrer Caroline Ida le temps d’une interview, au cours de laquelle nous avons parlé de mode inclusive, de sexualité, de sororité, et de cellulite 🙂 Bonne lecture !
La genèse d’une sexygénaire membre de la génération silver
Caroline Ida a d’abord travaillé 25 ans dans l’entreprise familiale, qu’elle a quittée à 45 ans. Après avoir été salariée de plusieurs entreprises comme Little Marc Jacobs ou une marque de sac à mains, elle réalise, alors âgée de 57 ans et au chômage, qu’il est temps de se recentrer sur elle-même et de s’épanouir autrement.
Mes parents étaient entrepreneurs et je possède ces gènes en moi : je me suis lancée dans une nouvelle aventure sans savoir où j’allais, mais je sentais de bonnes ondes. Il y a quatre ans j’ai créé mon compte Instagram, et ma fille a créé mon blog que j’ai alimenté. La première année, j’ai atteint les 10 000 abonnés et ai commencé à faire des partenariats avec des marques de beauté. C’est à ce moment-là que je me suis rendu compte de l’invisibilité dont les femmes de mon âge étaient victimes : nous n’étions ni au cinéma, ni dans les magasines, ni à la télé.
Fermement opposée au « diktat du 36/38 », Caroline Ida a récemment publié Génération silver : sans tabous, ni limites avec pour objectif « d’inspirer les femmes, et de leur faire du bien », loin des représentations faussées et injonctives des magazines et la publicité.
50 ans, un âge charnière
Quand on demande à Caroline Ida pourquoi elle a appelé son compte Instagram « 50 years of a woman » (cinquante ans d’une femme), elle nous répond :
J’aurais pu viser plus jeune et commencer à 45 ans, car j’entends des femmes de cet âge là se plaindre des normes de beauté de la même manière que d’autres femmes cinquantenaires. Mais la cinquantaine, c’est un espèce de pont vers une autre partie de la vie d’une femme : la ménopause arrive généralement vers 50 ans, les enfants quittent le nid familial, on peut se séparer de son mari…
Les hommes ne souffrent pas de discriminations sociétales similaires, même s’ils sont également soumis à certains diktats.
Après 50 ans, les hommes sont encore très visibles au sein de notre société. Et on ne les critique pas parce qu’ils ont des cheveux blancs, un gros ventre, parce qu’ils sont en couple avec des femmes de 20 ans de moins qu’eux… Alors qu’on traite les femmes de cougars ! D’ailleurs merci à Mme et M. Macron d’avoir ouvert la voie sur ce sujet-là ! Il reste beaucoup à faire.
Intégrer les femmes de la génération silver à la mode et à la presse dite « féminine »
La mode est loin d’être un exemple en terme de diversité et d’inclusivité. Rares sont les mannequins « grande taille » et les vêtements proposés par les marques ne sont pas adaptés à la morphologie des femmes. La preuve ? 40 % des Françaises font une taille 44, considérée comme une « grande taille » par l’industrie de la mode.
J’ai arrêté d’acheter des magasines féminins à cause de cette tendance à l’invisibilisation des femmes normales et à la reproduction de diktats. J’ai décidé de m’y replonger ce mois-ci : rien n’a changé ! Il y a toujours les mêmes genres de jeunes femmes, certes très belles, mais pas du tout représentatives.
Les photoshoots et catwalks ne changeront pas tant que les marques n’auront pas modifié la taille de leurs vêtements. En effet, comment faire des shootings avec des mannequins grande taille quand on n’a même pas les vêtements adéquats ?
Un jour que je faisais un test photo, je suis arrivée et j’ai dit au styliste : « Mais tu sais que je fais une taille 44 ? Tu as quelques chose pour moi ? », ce à quoi il me répond que oui, même si c’est compliqué. On m’a proposé quatre tenues là où l’autre femme venue pour le shooting en avait 20, car elle faisait du 36. Quand on dit que Zara par exemple fait du 44, c’est faux ! C’est un tout petit 44. Le résultat, c’est qu’il y a de plus en plus de femmes qui n’arrivent pas à s’habiller et ne trouvent pas ce qu’elles aiment.
Un autre problème auquel les femmes sont confrontées dans l’industrie de la mode est l’intégration de tous ces diktats et normes discriminantes. Le corps d’un mannequin taille 36 est supposé faire rêver la consommatrice, même si elle ne peut pas se glisser dans les vêtements du top model en raison de leur trop petite taille.
Il y a vraiment un impact énorme du marketing et de la publicité qui nous lavent le cerveau. Le message que je lance c’est « regardez-vous mesdames, acceptez-vous telles que vous êtes tant que vous restez en bonne santé ! ». Il faut absolument se détacher de ces images-là.
La communauté de la génération silver de plus en plus présente
Avec ses 39 700 abonnés, Caroline Ida a créé une véritable communauté, où bienveillance et sororité sont à l’honneur. Aujourd’hui, des centaines de femmes lui écrivent pour la remercier et partager leurs propres expériences.
Je reçois beaucoup de messages comme « je me sens mieux », « je commence à m’accepter », « j’ai appris à refuser les diktats de la société »… Les femmes de ma génération parviennent à s’identifier à moi parce que je suis normale. Je leur rappelle que nous sommes toutes uniques, différentes, mais toutes belles. La diversité au sein d’une société est très importante, et on a besoin de se montrer bienveillantes entre femmes. C’est pour ça que j’aime bien le terme sororité.
Malgré la persistance de certaines critiques malveillantes envers son travail et son engagement, Caroline Ida n’a jamais été complexée par son corps ou par son âge. La démarche d’acceptation de soi a toujours été comme évidente pour elle.
Je connais mon corps par coeur et je le chéris. Je n’ai pas de complexes, j’aurais pu vouloir un ventre plat, des bras lisses sans cellulite, des cuisses toutes fines… Tout ça à cause des diktats qu’on nous a mis dans la tête. Je me suis construite avec une image de moi positive, mes parents m’ont toujours dit que j’étais magnifique. C’était un acquis pour moi, j’ai grandi avec ça. Si j’avais des complexes, je n’aurais jamais pu faire de shooting où je pose nue !
En faveur d’une sororité intergénérationnelle
Quand on est une femme âgée de plus de 50 ans, les discriminations se cumulent. Elles sont d’abord, et comme toutes les autres femmes, soumises aux injonctions sexistes : la beauté uniforme, la taille 36, la cellulite, tout en étant, en plus, victimes d’âgisme. Passé l’âge de faire des enfants, les femmes perdent tout intérêt aux yeux de la société, qui les considère comme des mères avant même de les voir comme des travailleuses. Elles sont aussi exclues du jeu de la séduction, comme si le désir et la sexualité s’arrêtaient avec l’arrivée de la ménopause. Face à cette vision mortifère de la femme cinquantenaire, Caroline Ida prône une philosophie optimiste, synonyme d’empowerment :
Je dis toujours « Osez, mesdames et mesdemoiselles ! » Si on ose, on n’aura pas de regrets, même si l’on se plante. Cela est valable pour toutes les générations de femmes. J’ai osé me lancer dans cette aventure, résultats les marques viennent me chercher, je vais participer au all size catwalk pour la troisième fois. Je vais défiler en lingerie pour montrer qu’une femme de plus de 50 ans est sexy et peut toujours séduire ! Justement, la liberté que j’ai me permet de me sentir beaucoup mieux avec mon corps et ma sexualité.
Quand on demande à Caroline Ida ce qu’elle a osé dernièrement, elle nous répond :
Cela fait deux ans que je n’ai plus de sexualité à deux, mais j’ai toujours des plaisirs solitaires. J’ose travailler avec des marques de sex toys, et j’ai d’ailleurs fait un post sur le sujet le week-end dernier ! Peu de femmes de mon âge en parlent. Oser pour moi, c’est se mettre à nue. Parler de mon intimité, c’est oser également. À présent, je me dis que je dois oser aborder les hommes qui me plaisent ! Les femmes de ma génération n’ont pas l’habitude de prendre les devants en séduction, alors je me dis que je dois essayer.
La femme que Caroline nous conseille d’interviewer ? Mariana Benenge, danseuse de 22 ans passionnée de mode… En attendant de la voir dans Celles qui Osent, le livre de Caroline Ida Générations silver : sans tabous ni limites est disponible en libraire, et son interview sera bientôt disponible en format podcast !
Victoria Lavelle pour Celles qui Osent
En attendant notre prochain article, n'oubliez pas de suivre notre podcast sur ces Femmes qui Osent
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