Celeste Barber, l’humoriste qui dénonce la dictature du paraître

Celeste Barber est une comédienne, humoriste, écrivaine et podcasteuse australienne. Elle a séduit le monde entier en parodiant les clichés trop parfaits des célébrités sur le web. Son #celestechallengeaccepted sur Instagram l’a rendu célèbre. Bouffée d’air dans un univers standardisé, elle est devenue, sans le vouloir, une icône du body-positivisme. Découvrez avec Celles qui Osent le portrait de Celeste Barber, reine de la parodie, qui ose dénoncer la dictature du paraître avec beaucoup d’autodérision.

Celeste Barber, l’humoriste reine de l’autodérision

Sur son compte Instagram, la moindre de ses publications récolte des milliers de likes. Elle ne s’y montre pourtant pas sous son meilleur profil, s’affichant sans complexes dans des tenues et des attitudes aussi drôles qu’improbables. On y découvre l’une de ces photos dont les algorithmes du réseau social raffolent : l’image glamour d’un top model, d’une ballerine ou d’une actrice évoluant avec grâce dans un décor de rêve. En parallèle, la version où Celeste singe la pose stéréotypée de sa cible déclenche l’hilarité.

Celeste Barber naît le 6 mai 1982 et grandit à Terranova, une petite ville de la Nouvelle-Galles du Sud, sur la côte est de l’Australie. Enfant, elle adore danser et faire rire, entourée d’une famille aimante et unie. Mais tout n’est pas rose. Elle évoque dans son livre Challenge Accepted ! : 253 Steps to Becoming an Anti-It Girl, des événements douloureux, comme cette année de collège où elle est victime de harcèlement scolaire. Plus tard, à 16 ans, elle apprend qu’elle souffre d’un trouble de déficit de l’attention avec hyperactivité. « J’étais exubérante et bruyante, mais ma mère m’a toujours dit que j’avais le droit d’être moi-même », raconte-t-elle. Une leçon essentielle pour celle qui ose, aujourd’hui, se mettre à nu. Enfin, en 2007, elle subit une opération à cœur ouvert très éprouvante. Elle n’a que 25 ans.

Les choses ne sont guère plus faciles côté professionnel. Après des études de théâtre à Sydney, sa carrière d’actrice stagne. Les téléspectateurs australiens la connaissent pour ses rôles de séries télévisées comme Office Correctness, mais elle vit surtout de petits boulots. Alors qu’elle joue l’ambulancière Bree Matthews dans All Saints, son ami et partenaire à l’écran, Mark Priestley, entrevoit son talent de comique. Il la pousse vers la comédie.

Elle rencontre son futur mari, Api Robin en 2009. Celui-ci lui prêtera bientôt main-forte dans ses challenges Instagram sous le pseudonyme de #hothusband. Après l’arrivée de leur premier fils Lou, en 2012, la jeune femme donne naissance à Buddy, en 2015. Elle fait défiler son fil d’actualités Instagram pendant qu’elle allaite son bébé au milieu de la nuit. « On n’y voit que des gens beaux, alors qu’on est dans une période où l’on n’aime pas son corps », déplore-t-elle.

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#celestechallengeaccepted : parodier les selfies de people

Celeste et sa sœur commencent alors à s’envoyer ces selfies de people soi-disant naturels. Olivia commente : « challenge accepté ?  ». « Chiche », répond-elle, relevant le défi « pour voir à quoi ressemble le commun des mortels faisant des choses de riches ». Elle affiche ses clichés sur Instagram, les ponctuant d’une légende pleine d’esprit. Bientôt, elle invite ses abonnés à lui proposer des photos à réinterpréter : le #celestechallengeaccepted est né.

L’humoriste continue ainsi ses comparaisons picturales pour amuser la toile, jusqu’au jour où elle reproduit une image de Kim Kardashian. Cette publication la montrant en bas résille sur un monticule de terre fait son effet. Le Daily Mail, puis le magazine Times s’emparent alors du phénomène Celeste Barber.

Depuis, l’australienne a posté plus de 1 400 défis. Elle a dépassé les neuf millions d’abonnés, dont Amy Schumer, Drew Barrymore, Sharon Stone ou encore Marion Cotillard. Tout le monde l’adore, y compris les pastichés eux-mêmes. Il faut dire que la comédienne est dotée d’un fameux sens de l’autodérision. Impossible de résister à ses imitations d’une Beyoncé, d’une Lady Gaga ou d’un Justin Bieber. Gwyneth Palthrow la surnomme « son moment de joie quotidien », et Cindy Crawford se fend d’un gentil commentaire sous un post.

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Dénoncer les dérives d’Instagram avec humour

En 2018, l’une de ses parodies va encore booster sa notoriété : un mannequin sort d’une Rolls Royce seins nus, un sac de luxe sur l’épaule. Celeste, elle, se contorsionne pour ramasser son cabas de supermarché en croisant les bras sur sa poitrine. Elle agrémente le tout d’un pragmatique « Je ne ferai PAS deux voyages ! ».

Le styliste américain Tom Ford, à l’origine de cette publicité, partage aussitôt l’image avec ses millions d’abonnés et invite l’humoriste à son défilé à New York. L’ex-directeur artistique de la maison Gucci va jusqu’à réaliser avec elle une vidéo pastiche d’une campagne de sa propre marque. Assis tous deux à l’arrière d’un taxi, ils s’embrassent à pleine bouche.

À partir de ce moment, la carrière de l’actrice explose. Aux États-Unis, toutes les représentations de son seule-en-scène Défi Celeste Barber accepté ! se jouent à guichet fermé. Elle anime les LA Fashion Awards 2019, fait la couverture des magazines Vogue Portugal, Vogue Australie et InStyle. Elle est invitée dans tous les talk-shows américains et s’embarque dans le récit de cette formidable aventure en 2018.

Suivront des livres pour enfants, un deuxième spectacle, une tournée européenne, une chaîne Youtube… Celeste Barber est bien une hyperactive !

La reine australienne de la comédie remporte, en 2020, un prix à l’AACTA (Australian Academy of Cinema and Television Art). L’année 2021 la couronne d’un Webby Spécial pour son #celestechallengeaccepted. Elle est également élue femme la plus drôle d’Instagram par WhoHaha, un site visant à mettre les humoristes féminines sur le devant de la scène.

Mais qu’est-ce qui plaît tant à ses fans ? C’est, d’après l’intéressée, le fossé entre la réalité et le reflet volontairement déformé du quotidien des stars. Celui-ci est orchestré et les photos sont presque toujours retouchées. Elle dénonce, à travers ses pitreries, l’absurdité de cette course à la perfection. Sarah Banon, de l’Institut Français de la Mode commente : voir ces images désacralisées est un soulagement. Mais au-delà du rire, son action est salutaire, car elle combat les dérives d’Instagram.

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Celeste Barber, icône du body-positivisme

« Merci, vous me faites me sentir tellement mieux ». « Merci de m’avoir rappelé ce qu’était la réalité ». « Pour la première fois depuis vingt ans, j’ai remis un bikini à la plage ! ».

Ces témoignages de personnes rencontrées dans la rue ou à la sortie de ses spectacles donnent à Celeste Barber le sentiment d’être utile.

« Certaines célébrités sur Instagram semblent penser que nous, les gens ni pleins aux as ni bourrés de privilèges, sommes stupides au point de croire que ce qu’elles montrent est authentique », s’emporte-t-elle dans une interview pour BuzzFeed. « Nous valons plus que notre apparence, il faut cesser de considérer le corps des femmes comme un objet et arrêter de nous culpabiliser. »

Celeste insiste, si elle a commencé à publier ces imitations, c’était pour faire rire. Elle n’a jamais cherché à surfer sur le courant de la « body acceptance ». Ses photos l’ont pourtant bel et bien propulsée reine burlesque de la positivité corporelle. Et même si, à l’origine, tout cela n’était pas intentionnel, elle se dit ravie que ses parodies aient pris un sens plus profond.

En 2021, la nouvelle icône de l’estime de soi décide de créer une ligne de sous-vêtements inclusive. Elle choisit Bras N Things, une marque de lingerie australienne et dessine des dessous sexy, confortables et dans de nombreuses tailles. Toujours aussi culottée, elle pose pour la campagne avec son naturel légendaire.

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Réussir le challenge d’encourager les femmes à s’aimer

Mais Celeste Barber ne prête pas son image à toutes les marques qui la sollicitent. Promouvoir des produits amincissants auprès de son public ? C’est non ! « Je ne soutiens rien qui donne aux femmes l’impression qu’elles devraient avoir telle apparence pour se sentir de telle manière ».

Elle ne compte pas non plus se laisser dévorer par le système qu’elle moque. « Je fais rire les gens. Je ne vais pas devenir une égérie de Tom Ford. Je suis une petite dame qui combat une très grosse machine ».

À ses détracteurs qui l’accusent d’être méchante — et même misogyne ! — elle rétorque que son objectif n’est pas d’attaquer des individus. En puis personne n’a l’air pire qu’elle sur ces publications !

En janvier 2020, alors que sa région est ravagée par les incendies, elle se lance un nouveau défi : récolter des fonds pour soutenir les pompiers. Elle ouvre une cagnotte sur Facebook et monte sur scène durant deux nuits consécutives : elle y anime un concert caritatif intitulé Make It Rain aux côtés des groupes de rock Spiderbait, Jet, You Am I, et Even.

Puis, dans un message vidéo plein d’humour, elle exhorte les milliardaires à « donner leur version de dix dollars, ce qui fait à peu près un million d’euros ». Elle espère réunir 15 000 dollars australiens, elle en obtient 51 millions.

À travers son succès, Celeste Barber prouve que les réseaux sociaux ont le pouvoir que nous leur prêtons. Dans son cas, celui de faire rire, tout en encourageant les femmes à oser s’aimer. Challenge réussi.

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Gwénolée Seillier — Celles qui Osent

Site officiel : celestebarber.com

Interview pour Audible, mai 2019

ELLE Celeste Barber : entretien avec une nouvelle idole de la mode

Flow Magazine, no 50

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