6 octobre 2016. L’équipe de France féminine de handball affronte la sélection norvégienne en Golden League. Malgré la défaite tricolore, c’est bien une joueuse française qui enflamme la toile. La gardienne précisément. Sur une interception, et alors que son groupe mène d’un tout petit point, Cléopatre Darleux se risque à traverser le parquet et plante finalement son ballon dans le but adverse. Culotté ! L’audace de l’Alsacienne ne se limite pas au terrain. Celles qui Osent retrace la biographie de Cléopatre Darleux. Entre parcours sportif et engagements féministes, laissez-vous séduire par cette femme courageuse et ambitieuse qui a déjà emballé le cœur de milliers de fans.
Le handball et Cléopatre Darleux : biographie sportive
Les débuts dans le hand, une histoire familiale
Cléopatre Darleux est née le 1er juillet 1989 à Wittenheim, en Alsace. Issue d’une fratrie de 6 enfants, avec tous un an d’écart, elle a toujours pratiqué des activités sportives en famille. Cléopatre explique, dans une interview accordée au média digital À block, qu’elle a d’abord jeté son dévolu sur les disciplines individuelles, comme le judo ou la danse. Finalement, quand ses frères se tournent vers le rugby, elle décide de suivre ses sœurs au handball. Elle intègre l’Union sportive Wittenheim Ensisheim alors qu’elle n’a pas encore 10 ans.
La jeune Alsacienne, qui évolue en équipe départementale, tape dans l’œil des recruteurs. Elle rejoint le pôle espoir de Strasbourg en 2003. Elle joue à la fois sur le terrain, au poste de demi-centre, et dans les buts. Deux ans plus tard, elle suit l’une de ses sœurs au centre de formation de Besançon. Elle doit alors choisir sa position et s’oriente naturellement vers celle qu’on lui connaît aujourd’hui : gardienne.
« Ce qui m’a plu, c’est qu’en étant à ce poste dans l’équipe, je pouvais faire la différence toute seule, tout en étant un peu dans ma bulle. »
Après quelques matchs en D2, elle intègre rapidement la formation qui évolue en D1. À 18 ans, elle signe son premier contrat professionnel, avec le club d’Issy-les-Moulineaux, où elle restera 2 ans. Pendant cette période, elle commence à jouer en équipe de France.
Avalanche de titres, jusqu’à l’or olympique
En 2009, puis en 2011, Cléopatre et ses coéquipières de la sélection nationale de handball décrochent la médaille d’argent au Championnat du monde. La joueuse remporte également, pendant cette période, ses premiers titres nationaux, avec le club de Metz. Vainqueures de la Coupe de la Ligue et de la Coupe de France lors de la saison 2009-2010, puis de la Coupe de la Ligue et du Championnat français en 2010-2011, les Messines raflent tout sur leur passage.
Pour la saison suivante, Cléopatre se lance un nouveau défi. Elle quitte ses terres de l’est de la France. Cap à l’ouest : elle intègre l’Arvor 29, qu’on connaît aujourd’hui sous le nom de Brest Bretagne handball. La Coupe de la Ligue change alors de longitude, mais pas totalement de mains puisque la gardienne de but a l’honneur de la brandir à nouveau. Elle conserve, en outre, son titre de championne de France, car les Brestoises sont sacrées grâce à leur victoire dans les playoffs.
Malgré ce palmarès, l’équipe bretonne, en proie à des difficultés financières, se voit reléguée en Nationale 1. L’athlète entreprend de s’expatrier et rejoint les rangs du Viborg HK, club danois avec lequel elle signe un contrat de deux ans. Cléopatre quitte la France, mais pas le succès. Pendant ses deux saisons au sein de la fédération scandinave, elle gagne deux Coupes du Danemark, une fois le Championnat national, et même la Coupe d’Europe des Vainqueurs de Coupe, qui oppose les meilleures formations européennes.
Après un passage à Nice, la no 16 retrouve le parquet brestois et l’équipe de France en 2016. S’ensuivent toujours plus de consécrations. 2021 reste incontestablement l’année de la gloire pour Cléopâtre, jusqu’à ce jour : lauréate de la Coupe de France et du Championnat national avec le BBH, la désormais Bretonne décroche l’or au Championnat du monde et aux Jeux olympiques.
Les engagements féministes de la championne de handball
Prendre la parole pour valoriser le sport féminin
Cléopatre Darleux n’est pas uniquement reconnue pour ses performances sur le terrain. Quand elle sort des buts, la jeune femme s’exprime pour réclamer la valorisation du handball féminin. On lui doit notamment un tweet adressé au journal L’Équipe, aimé et partagé des milliers de fois. Alors que l’équipe de France de handball féminin vient d’emporter la médaille d’or aux Jeux olympiques, le quotidien sportif relaye l’arrivée de Messi au PSG en une. La gardienne remarque, avec un brin de culot : « L’histoire se répète… on ne mérite pas la une @lequipe ? ». Son audace suscite de nombreuses réactions. Il n’en fallait pas plus pour décider la championne à se mobiliser pour la médiatisation des sportives.
« Les femmes ont toujours dû se battre dans le sport, un domaine plutôt masculin initialement. Cela change petit à petit. Les grandes instances et les médias doivent accompagner cette impulsion. »
Les différences de traitement entre les handballeuses et leurs homologues masculins vont bien au-delà de la couverture médiatique. L’image de la femme dans le sport doit être reconsidérée. La Brestoise rappelle, dans une interview à Femmes ici et ailleurs, qu’il y a une dizaine d’années, la tenue officielle des joueuses après les matchs se composait d’une robe très courte et de talons hauts. Dans le beach handball, les sportives sont, toujours aujourd’hui, obligées de revêtir un slip de bain trop petit d’une taille, quand les hommes jouent en short ! Sexiste, dites-vous ?
Cléo lève les tabous sur les écarts de traitement entre les hommes et les femmes dans le handball de haut niveau, où le patriarcat règne encore. Cela commence par le salaire : la rémunération des handballeurs professionnels est, en moyenne, 4 fois supérieure à celle des athlètes féminines. Jusqu’à la signature d’une convention collective encadrant le handball féminin professionnel en mars 2021, les joueuses qui évoluaient dans le Championnat français bénéficiaient de 6 semaines de congés payés par an. Les équipes masculines en avaient alors 7. Les compteurs sont désormais alignés.
Devenir mère en étant athlète de haut niveau
Pour Cléopatre Darleux, l’un des principaux tabous autour de la carrière des sportives professionnelles reste la grossesse. Elle fait partie des rares handballeuses françaises qui ont osé tomber enceintes alors qu’elles étaient engagées au sein d’une équipe. Sa grossesse, elle l’a vécue comme un combat individuel. Elle avait, d’ailleurs, choisi de ne pas informer son club de son souhait de devenir mère.
« J’estime que c’est une décision personnelle. Ma grossesse n’a pas été très bien perçue. Après avoir annoncé que j’étais enceinte, je me suis sentie mise de côté, plus vraiment intégrée dans l’effectif, comme pour une blessure. »
La probabilité d’une grossesse demeure, à ses yeux, l’une des raisons pour lesquelles les dirigeants se montrent frileux à proposer des contrats longs aux joueuses. Quand certains hommes se voient offrir des accords de 7 ans, la gardienne enchaîne les engagements d’un ou deux ans. Cette précarité s’avère un véritable frein à la maternité pour les principales concernées. Certaines préfèrent étouffer leur désir d’enfant plutôt que de prendre le risque que leur contrat ne soit pas renouvelé.
Après la naissance de sa fille, Olympe, en 2019, la jeune maman revient sur les terrains, plus forte que jamais. Les titres décrochés depuis en témoignent. Elle décide alors de se mobiliser pour que la grossesse devienne normale pour toutes les sportives qui le souhaitent, un combat partagé aux États-Unis par l’athlète Allyson Felix. La convention collective de mars 2021, qui garantit aux handballeuses le maintien de leur salaire pendant un an en cas de maternité, apparaît comme un solide premier pas en ce sens.
⏩ Ne manquez pas la biographie de Serena Williams, la championne de tennis également maman.
Promouvoir un accompagnement spécifique des handballeuses professionnelles
Malgré les avancées obtenues par le syndicat des joueuses à la signature de cet accord, la championne olympique considère que l’accompagnement des sportives pourrait aller plus loin. Dans le cadre de la maternité, pour commencer. Elle estime que la Fédération française de handball aurait intérêt à offrir aux futures et jeunes mamans un suivi gynécologique et nutritionnel. Aujourd’hui, pendant la grossesse et le post-partum, les handballeuses se retrouvent seules face à ces enjeux. Ce sont pourtant des facteurs décisifs pour un retour efficace sur le terrain. De même, la réathlétisation après l’accouchement devrait être accompagnée, comme c’est le cas après une blessure.
La sportive s’exprime également à propos des menstruations, sur lesquelles l’omerta pèse tout autant. Les femmes le savent, concilier cycle menstruel et travail s’apparente à un défi. Les athlètes ne dérogent pas à la règle : leurs performances fluctuent au rythme de leur cycle. Fatigue, risques de lésions, règles douloureuses qui perturbent l’entraînement : Cléopatre Darleux aimerait que les handballeuses puissent se référer à une personne spécialiste du sujet. Ce souhait s’avère pourtant complexe. Partager des informations quant à son cycle relève de l’intime. Toutes les joueuses ne souhaitent d’ailleurs pas s’ouvrir à leur équipe ou leurs entraîneurs sur ce point.
🧐 La surveillance du cycle menstruel, une question taboue ? Consultez notre article sur la collecte des données personnelles par les applications de suivi des règles.
L’entrepreneuriat et les réseaux sociaux : la vie de Cléopatre Darleux en dehors du handball
Un restaurant pour la convivialité
Cléopatre Darleux se définit comme une joueuse de handball professionnelle avant tout, mais endosse d’autres casquettes. Les fans peuvent ainsi la croiser dans le restaurant qu’elle tient sur les quais de Brest depuis 2018.
Amatrice de cuisine, Cléo s’aventure dans la restauration avec sa coéquipière Marta Mangué. Elles optent pour un bar à tapas, inspiré par les origines espagnoles de cette dernière. L’idée leur vient d’une volonté commune de créer un lieu de partage, un endroit chaleureux où elles pourront se retrouver avec les joueuses du club et leurs proches. Noël, le conjoint de la gardienne, et Sué, la compagne de son associée, les épaulent dans ce projet. L’Español devient rapidement le repère des amateurs de handball, qui profitent de la diffusion des matchs sur grand écran.
Quand, en 2020, la Canarienne quitte les rangs du Brest Bretagne handball, la championne ne renonce pas à son restaurant. Elle embarque deux autres entrepreneurs brestois dans son sillage, et l’ambiance latine migre de l’Espagne vers l’Italie. Dans cette pizzeria, la convivialité et la simplicité restent de mise.
Sa notoriété au service de la sensibilisation
Les supporters du Brest Bretagne handball ne manquent pas de suivre l’actualité de leur star sur Instagram, où elle entretient le lien avec ses abonnés. Après l’influenceuse Lena Situations en 2020, la sportive figure, en 2021, à la 28e place du top 50 des Français les plus influents du monde, proposé par Vanity Fair.
La présence de Cléopatre Darleux sur les réseaux sociaux commence lorsqu’elle joue au Danemark. Par l’intermédiaire de sa page Facebook, elle partage avec ses fans français les nouvelles du championnat dans lequel elle évolue. C’est le début d’une vraie relation avec sa communauté.
Instagram remplace peu à peu Facebook dans le quotidien des jeunes Français. La gardienne ne déroge pas à la règle, d’autant qu’elle aime le côté visuel de la plateforme. Active sur l’application, elle reçoit, pendant sa grossesse, de nombreuses sollicitations pour devenir influenceuse. Chiche ? Elle se prend au jeu et assume cette casquette. Elle teste des produits et présente ses coups de cœur à ses followers. Pourtant, malgré le complément de revenu appréciable que cela lui apporte, elle se rend rapidement compte que cette activité n’est pas pour elle. Elle réduit ses partenariats pour se concentrer sur quelques marques qu’elle affectionne particulièrement, et dont elle partage les valeurs.
La sportive délègue, depuis 2021, la gestion de ses réseaux sociaux à une agence de communication. Elle profite de sa médiatisation pour soutenir des sujets qui lui tiennent à cœur. Dans une interview accordée à Ecolosport, la marraine de Match for Green explique qu’elle met la visibilité acquise depuis les Jeux olympiques de Tokyo au service de la cause environnementale. Elle espère ainsi inciter le monde sportif et ses abonnés à prendre conscience de leurs responsabilités en la matière.
« Pour les jeunes, nous sommes des modèles, et nous devons les sensibiliser. »
Sportive professionnelle, maman, entrepreneuse : la célèbre no 16 est une femme pleine de ressources. Elle profite ingénieusement de la visibilité acquise grâce à ses nombreux trophées et médailles pour briser les tabous. Nul doute que la biographie de Cléopatre Darleux s’enrichira, dans les années à venir, de nouveaux succès sportifs et personnels.
⚽ Amatrice de ballon rond ? Jetez un œil à la biographie d’Eugénie Le Sommer, la championne de football.
Anne-Laure HERY-DENANCÉ, pour Celles qui Osent.
Sources :
Site officiel de Cléopatre Darleux.
Interview pour Femmes ici et ailleurs, « Cléopatre Darleux, au-delà du sport », numéro 48, février-mars 2022.
Interview pour À Block ! publiée le 19 mai 2021.
Interview pour Ecolosport publiée le 17 février 2022.
1 Comment
[…] En conclusion, Cléopâtre Darleux est une athlète accomplie et une personne engagée, qui inspire et motive les gens du monde entier. Son dévouement pour le handball et pour des causes sociales importantes en fait une figure importante du monde du sport français et international. [1][2][3][4] […]