Mélanie Georgiades, ou Mel pour les intimes, ce nom ne vous dit sûrement rien. Mais pourtant, tout le monde le connaît : il s’agit de Diam’s. Cheveux courts, baskets et sourire enjôleur, elle est la femme qui a osé s’imposer dans le milieu viril du rap français. À 26 ans, la rappeuse pulvérise les records de ventes de disques avec son album « Dans ma bulle ». Celle qui se définit comme « la boulette » pour ses formes qu’elle assume sans complexe est une enfant rebelle de l’Essonne. Mais, derrière cette verve contestataire, se cache une jeune fille souffrante. Au sommet de sa gloire, Diam’s se convertit à l’islam et disparaît de la scène musicale française. Orphelin, son public cherche toujours à comprendre pourquoi elle a choisi de mettre un voile sur sa carrière. Pourquoi la chanteuse qui enflammait des salles archi-bondées a-t-elle soudainement arrêté de rapper ? Son passage de la lumière à l’ombre interroge encore. Pour essayer de trouver des éléments de réponse, revenons sur le parcours exceptionnel de Diam’s, l’icône du rap français au féminin.
L’ascension fulgurante de la petite prodige du rap français
La jeune chanteuse fait ses gammes dans le 9.1.
Mélanie débarque en France de Chypre à l’âge de 3 ans. Son père la laissera grandir seule auprès de sa maman. Biberonnée avec le beat des rappeurs des années 80 comme NTM, IAM ou Assassin, elle rédige ses premiers textes en classe de troisième. Chansons ou pensées intimes, l’écriture est un exutoire à sa mélancolie d’adolescente. Au collège, elle monte son premier groupe de rap. Elle s’initie à la scène avec le groupe Posse puis Instances Glauques de Bagneux. Grâce à ses performances de rap improvisées sur les radios « libres », elle entre dans le collectif de hip-hop Mafia Trece et participe à la réalisation de leur premier album, « Cosa Nostra ».
Son nom commence à résonner dans le petit monde du rap français
Elle abandonne le lycée pour signer son premier contrat avec BMG. Un an plus tard, elle sort son album solo, « Premier mandat ». C’est un succès circonscrit au milieu de la musique urbaine. Son deuxième disque « Brut de femme » la révèle au public. En 2004, il est consacré meilleur album rap/hip-hop aux Victoires de la Musique. Son troisième opus « Dans ma bulle » confirme son succès. Disque de diamant, il contient une collection de tubes dont « La boulette » et « Ma France à moi ».
En 2007, aux NRJ Music Awards, elle est récompensée avec trois prix : meilleur album francophone, meilleure artiste féminine et meilleure chanson de l’année pour « La boulette ».
À 26 ans, la rappeuse remplit les plus grandes salles de concert et sa statue de cire entre au musée Grévin. Diam’s triomphe pour le meilleur, mais aussi pour le pire.
Diam’s, l’icône du rap français au féminin
L’artiste a marqué l’histoire du rap en France
Diam’s est une jeune femme, blanche de surcroît, qui évolue dans un univers masculin réputé pour sa frime, mais aussi sa violence. La chanteuse réussit le difficile équilibre du rap au féminin : être prise au sérieux dans un milieu d’hommes, tout en affirmant son féminisme dans un style totalement décomplexé. La rappeuse excelle dans son art. Travailleuse acharnée, elle se mesure aux rappeurs les plus chevronnés.
La chanteuse a décloisonné le rap français
Elle est la première interprète à vendre autant de disques dans un style musical encore peu connu. Grâce à ses mélodies qui imprègnent les esprits et à son art de la mise en scène, le rap touche un public néophyte. Auteure et compositrice, elle a le don de la rime et du rythme. Sa technique et son sens de la punchline enflamment ses fans. Son récit autobiographique séduit par sa sensibilité, son courage et son authenticité.
Une artiste engagée qui chante avec son cœur
Porte-parole de la génération nan-nan
Son titre « La Boulette » est un criant plaidoyer d’une génération angoissée en mal d’avenir. Avec son franc-parler, la rappeuse dénonce le manque d’estime pour ces jeunes qui ont tant de difficultés à réaliser leurs ambitions. Grâce à Diam’s, la jeunesse se sent enfin représentée dans sa mixité, sa détresse et ses désirs.
Sa France à elle, elle est belle, tolérante et multicolore
Ses valeurs antiracistes, la jeune artiste les rappe depuis son premier opus. La chanteuse a été marquée par les élections présidentielles de 2002. Elle déteste le Front National mais plus encore Marine Le Pen, sur qui elle écrit une chanson. Aussi, dans son titre « Ma France à moi », elle rappe : « Non, ma France à moi c’est pas la leur qui fête le Beaujolais/Et qui prétend s’être fait baiser par l’arrivée des immigrés/Celle qui pue le racisme mais qui fait semblant d’être ouverte… ».
Son engagement civique
De même, elle s’en prend à Nicolas Sarkozy qu’elle traite de « démago ». Elle condamne sa politique répressive envers les jeunes qui creuse les inégalités. Pugnace et porteuse d’espoir pour cette génération anti CPE qui galère, la rappeuse insère dans le livret de son album « Dans ma bulle », un texte expliquant les démarches pour s’inscrire sur les listes électorales.
Sa cause pour les femmes battues
Diam’s se mobilise sur le sujet des mauvais traitements dans les couples. En 2006, elle s’implique auprès d’Amnesty International pour soutenir les victimes de violences conjugales. La chanteuse en a fait l’expérience traumatisante à 17 ans. Elle témoigne des années plus tard dans sa chanson « Ma souffrance ».
Un diamant brut aux multiples facettes
Ses blessures, sa souffrance
Diam’s ose afficher ses fragilités. Malgré une mère aimante qu’elle vénère, elle crie sa douleur dans la chanson « Daddy » à cause d’un père absent. Adolescente, elle fait une première tentative de suicide qu’elle raconte dans le titre « T.S. ». Le rap devient sa thérapie.
Ambitieuse et optimiste
La jeune insoumise de l’Essonne a travaillé dur pour se faire un nom. Elle ne cache pas sa fierté d’avoir réussi : « Moi j’ai que ça, j’ai pas le bac, j’ai qu’un niveau de troisième/Mais malgré mes échecs scolaires ma nouvelle vie est une croisière… ». Mais son ambition n’est pas individualiste. Dans « Big Up », Diam’s souhaite transmettre la confiance et l’optimisme à une jeunesse des quartiers souvent désenchantée.
De la scène aux hôpitaux psychiatriques
En 2008, au sommet de sa célébrité, la rappeuse perd pied. Ovationnée aux Victoires de la musique lorsqu’elle chante « Ma France à moi », elle racontera plus tard que ses larmes étaient celles du désespoir.
Le poids de la notoriété est trop lourd et la pression, trop forte. Consciente de la superficialité et des excès du star-system, elle ne s’y sent pas à sa place. Le succès rend sa solitude encore plus grande. De plus, les tournées l’ont épuisée. C’est le burn-out. Diam’s enchaîne plusieurs séjours en hôpital psychiatrique. Elle serait bipolaire ou dépressive chronique.
Diam’s se convertit à l’islam
L’artiste embrasse la religion musulmane
Fin 2008, alors que Diam’s se sent perdue et incomprise dans son mal-être, elle accompagne une amie musulmane pendant sa prière. De confession catholique, Mélanie se convertit à l’islam lors d’un voyage à l’île Maurice. La lecture du Coran lui offre les réponses à ses questions. En quête de sens, cette nouvelle spiritualité l’apaise. Sa vie n’est plus en danger.
Les photos volées
En 2009, tandis que Diam’s est sur le point de sortir son 4e album « SOS », Paris-Match publie des photos d’elle portant le voile à la sortie de la mosquée de Gennevilliers. Sur fond de polémique sur le port du voile intégral, les réactions dans les médias se déchaînent. L’opinion publique s’interroge : endoctrinement, rébellion ou acte foi ? Certains membres de son équipe l’abandonnent. Mélanie, quant à elle, se sent trahie.
De la parole à la méditation
Dix ans plus tard, Mélanie (ex Diam’s) revient sur cet événement dans le magazine Paulette. Elle explique qu’à l’époque, elle se trouvait dans une extrême détresse. Sa spiritualité est arrivée comme une guérison, car le rap ne suffisait plus. Sa foi est une renaissance. La méditation l’aide à prendre du recul sur sa vie et à avancer dans la paix.
Diam’s tire sa révérence
En 2012, Diam’s annonce son retrait définitif de la scène musicale. Elle redevient Mélanie Georgiades pour se dédier entièrement à sa famille et à sa religion. Sa fille Maryam naît la même année. Puis c’est un fils qui voit le jour en 2015, Ibrahim. Depuis, elle a écrit une autobiographie. Dans un second livre intitulé « Mélanie, française et musulmane », paru après le choc des attentats de Charlie Hebdo, elle exprime ses difficultés d’être une femme voilée dans son pays.
En 2017, l’ex-rappeuse s’installe en Arabie Saoudite. Elle crée Hégires Voyages, une agence de voyages qui organise des pèlerinages à la Mecque. Aujourd’hui, ses fans et les médias guettent son retour en espérant son come-back dans les studios d’enregistrement. Qui sait ?
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Caroline Pénat pour Celles qui Osent
En attendant notre prochain article, n'oubliez pas de suivre notre podcast sur ces Femmes qui Osent
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