Né au 19e siècle, pendant la IIIe République, l’enseignement ménager est devenu « une affaire d’État » sous le régime de Vichy. Il est rendu obligatoire pour toutes les jeunes filles à partir de 1942, et ce jusque dans les années 1980, en France. Le but : produire de « bonnes épouses », des « fées du logis », capables de tenir un intérieur, de prendre soin de leur famille et de satisfaire leurs maris. Celles qui osent revient brièvement sur l’histoire de l’enseignement ménager, une institution patriarcale…
L’enseignement ménager du 19e : promouvoir la « bonne ménagère »
Initié sous la IIIe République dans les années 1880, avec le développement de l’école gratuite, laïque et obligatoire (loi Jules Ferry), l’enseignement ménager concerne toutes les jeunes filles, peu importe leurs classes sociales. Il s’agit de leur transmettre des valeurs relatives à l’ordre et à l’hygiène et de promouvoir l’économie domestique, basée sur le modèle d’une « maîtresse de maison exemplaire ». Les manuels scolaires font la promotion du modèle de la bonne ménagère et énoncent les « proverbes du ménage » comme l’explique l’historien Joël Lebeaume, auteur d’un livre sur le sujet.
Ce n’est qu’après la Première Guerre mondiale que l’enseignement ménager prend un tournant « plus scientifique ». Les jeunes filles apprennent par exemple la « physique des cuissons » ou la « physiologie de l’alimentation », et ce, dès l’école primaire. Les professeurs sont formés, et les méthodes d’apprentissage sont bien plus poussées.
L’éducation ménagère obligatoire sous le régime de Vichy
Sous le régime de Vichy, l’enseignement ménager prend des dimensions nouvelles. La France est alors en pleine crise de la démographie, il s’agit, depuis la fin de la Première Guerre mondiale, de repeupler le pays, et Vichy cherche à ce que sa devise « travail, famille, patrie » soit appliquée. Le décret du 18 mars 1942 rend alors l’enseignement ménager obligatoire pour toutes. Avant Vichy, le Front populaire, lui aussi, avait renforcé ces cours pour préparer les élèves à assurer leur rôle de mères et de ménagères.
À la Libération, l’enseignement ménager demeure. Une fois encore : il faut reconstruire la France, détruite par deux guerres mondiales successives. Le CAP dédié aux arts ménagers, bien qu’existant depuis 1944, devient de plus en plus populaire, car les écoles ont besoin, pour répondre à la demande du gouvernement, de professeurs qualifiés pour former leurs élèves. Dans les campagnes, les filles apprennent également à vivre dans un contexte de modernisation du travail domestique, avec l’accès des zones rurales au gaz et à l’électricité par exemple.
L’enseignement ménager, une institution patriarcale
Jusque dans les années 1980 en France, l’éducation ménagère pour les jeunes filles est dispensée dans les écoles.
L’enseignement ménager reflète la volonté sexiste des institutions et de la société de réprimer les jeunes filles et de les soumettre aux normes patriarcales existantes. Selon un plan d’études et programmes des écoles primaires publiques de 1882, il s’agit « non pas de faire un cours régulier d’économie domestique, mais d’inspirer aux jeunes filles, par un grand nombre d’exemples pratiques, l’amour de l’ordre, de leur faire acquérir les qualités sérieuses de la femme de ménage et de les mettre en garde contre les goûts frivoles ou dangereux. »
Via ces cours d’arts ménagers, la femme est essentialisée, enfermée dans un rôle social prédéterminé, celui de ménagère, de mère de famille, et d’épouse. Beaucoup de nos grands-parents ont d’ailleurs construit leur dynamique familiale sur un schéma très séparé : la femme à la maison et l’homme au travail.
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Victoria Lavelle pour Celles qui Osent.
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