Famille XXL confinée !

France, le 17 mars 2020 : magasins déserts, rues silencieuses, trafics routiers inexistants. Le confinement national a bien commencé, suite à la crise sanitaire du Covid-19. Même jour, même heure, quelque part dans la campagne girondine : maison effervescente, brouhahas croissants, circulations incessantes. Le confinement familial avec nos 8 enfants ne fait plus aucun doute pour nos voisins, pourtant quelque peu éloignés. Ils découvrent l’ouverture simultanée d’une école primaire et d’un collège. L’installation d’un lycée, concomitant à celle d’une université, leur paraît soudainement une évidence. Ils notent la mise en place d’une cantine géante ouverte 7j/7. Ils s’amusent en revanche de l’inconscience de deux adultes, prêts à établir leurs bureaux au cœur de toutes ces institutions. Envie d’en savoir plus ? En avant alors et bas les masques sur la vie d’une famille nombreuse confinée.

Posologies nécessaires pour assurer le confinement avec ses 8 enfants

Une grande cuillère d’organisation familiale

Chaque famille a dû se retrousser les manches pour organiser un nouveau mode de vie, afin que parents et enfants puissent cohabiter en toute sérénité. En tout cas, c’était l’idée de départ. Rien à voir, en effet, avec les vacances d’été qui, comme leurs noms l’indiquent, sont des vacances.

Nos chérubins le comprennent d’ailleurs assez rapidement pendant cette période.

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  • Mise en place d’horaires
    • de lever et de coucher : « Ah bon, on ne fera pas de grasse mat !?! »
    • de repas : « Ça sera toujours meilleur qu’à la cantine »
    • de classe : « On ne va quand même pas respecter le même emploi du temps ? »
  • Distribution des rôles pour que chacun mette la main à la pâte ;
  • Rappel de quelques règles élémentaires pour éviter les futures éventuelles disputes ;
  • Détente tous les soirs en famille pour décompresser.

Il n’est pas beau notre programme ? La théorie c’est bien, ça rassure. En pratique, le folklo s’est régulièrement invité, pimentant des journées déjà quelque peu remplies.

  • Panne de réveil de façon répétitive pour certains ;
  • Disparition soudaine de celui ou celle qui est, comme par hasard, de tour de table ;
  • De fausses annonces à des heures insolites : « À table ! » ; « pause-récré » ;
  • Apparition de maladies étranges : « J’ai mal à la main, je crois que je ne pourrai pas écrire cette semaine ».

Un comprimé 1 g de mise en place professionnelle

Le chômage technique dites-vous ? Ah oui, les trois jours qui ont permis de transformer la salle à manger en open-space. Pas de doute, c’est un autre décor qui s’offre à nous. Notre étudiante en médecine et son père s’approprient sans trop de mal ce nouvel endroit, pour le télétravail. Ma foi, les ordinateurs apportent une certaine luminosité à la pièce. Quant aux multiples câbles éparpillés au sol, ils donnent une petite note d’originalité à laquelle je n’aurai jamais songé auparavant. Si on fait abstraction des caprices récurrents d’Internet fortement sollicité, le rythme de travail bat son plein pour mes deux collègues de l’open-space. À la recherche du calme, si nécessaire à la rédaction d’articles pour le Web, le bureau me semble donc bien plus approprié. Rapidement, je m’interroge sur :

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  • Ce besoin qu’ont les enfants de surgir chacun leur tour derrière mon dos : « Je ne comprends pas les maths ! »« Je pourrai faire une pause, là ? »
  • La raréfaction du silence dans la pièce : « Maman, untel m’embête, je peux travailler ici ?…Le prof a oublié de m’envoyer les exos, je fais comment ? »
  • La multiplication soudaine de mon équipe de rédacteurs web, bien que je sois certaine de n’avoir effectué aucun recrutement ;
  • L’absence à cette porte de bureau, d’une clé, d’un verrou, d’un rempart, d’un pont-levis, que sais-je ?
  • L’épidémie de surdité qui se répand sur nos garçons et nos filles, à la suite de certaines propositions : « Demande à papa, il t’expliquera mieux que moi. » « Appelle le prof pour qu’il t’aide sur ce cours. » « La chimie ? Vois avec ta sœur en médecine ».

Force est de constater que le bureau de la rédaction devient jour après jour celui des réclamations : « Maman c’est toujours mieux, même si elle n’a pas la réponse ». C’est sûr que vu sous cet angle…

Une gélule encéphalo-résistante pour un bon rythme scolaire

Les mères de famille ont imperceptiblement senti les regards se tourner vers elles, lorsque l’école à la maison a été décrétée pendant le confinement. Non pas que la gente masculine soit dépourvue d’intelligence ni de patience. Non, je dirais que ce qui nous a perdues, nous les femmes, à ce moment crucial de notre existence, c’est notre illustre capacité à faire plusieurs choses à la fois. Toujours est-il que concrètement dans la plupart des foyers, les mamans ont goûté aux joies de l’enseignement.

Et c’est parti pour une enchaînement journalier de photocopies, scans, e-mails. Adieu forêt amazonienne et couche d’ozone : pas moyen de faire autrement que d’imprimer les cours ou devoirs envoyés par chaque prof de chaque matière de chacun de mes enfants, chaque jour. Ouf !

Et ensuite retour à l’envoyeur, en n’oubliant surtout pas de numéroter et codifier chaque feuille de chaque matière de… je vous fais grâce de la suite. J’ignorais qu’on rentrait aussi facilement dans le livre des records : “Celle qui a fait couler pas mal d’encres”.

Entre deux articles, ou plutôt entre deux mots d’un article, j’ai eu l’occasion de :

  • Perfectionner mon anglais, dont le niveau était effectivement dramatique ;
  • Valider que la trigonométrie n’était décidément pas pour moi ;
  • Devenir imbattable en grammaire toutes classes confondues ;
  • Découvrir que la structure des molécules par spectroscopie resterait, pour moi, à l’état de structure ;
  • D’apprécier réellement le cours de dessin de ma fille en CP.

Cette période de cluster scolaire m’a apporté une certitude : je ne veux pas être prof quand je serai grande.

Une pipette de vie sociale

On ne va pas se mentir : l’annonce du confinement a fait l’effet d’un énorme coup de massue pour tout le monde. Désormais on allait vivre en famille et seulement en famille, pour une période indéterminée. Plus de soirées entre amis, de retrouvailles avec les grands-parents. Plus de café avec les collègues ni de récré avec les copains.

Certes, nous sommes dix à la maison, nous avons donc une certaine vie sociale entre nous ; mais comme pour tous, elle ne s’annonçait pas très variée. « Eh, venez voir, il y a une voiture qui passe ! » Pour effectuer les achats élémentaires, un départ en toute discrétion est recommandé, sous peine de voir huit paires d’yeux remplis d’envie et de reproche :« Oh la chance, maman va voir des gens faire les courses ».

Certains ont trouvé la parade. Quoi de mieux pour cela qu’un petit séjour aux urgences ? Notre acrobate professionnel en sait quelque chose : une bonne chute de vélo et hop ! En pédiatrie, ils ont d’ailleurs noté une recrudescence d’accidents de vélo, de balançoire, de trampoline, pendant cette période de domiciliation forcée : les enfants ne savent plus quoi inventer pour retrouver une vie sociale !

Recettes de la survie avec 8 enfants confinés

Ménage et repassage en quarantaine

À un moment donné, il faut savoir lâcher prise : quelles en seraient les victimes ? La machine à laver ne doit être mise au chômage sous aucun prétexte : il en va de notre survie à tous. On a l’odorat sensible ici. Même topo pour les douches : elles doivent rester fonctionnelles impérativement. Sans hésiter donc, je sacrifie ménage et repassage. Désormais j’en ferai en distanciel. Mais pourquoi ? Et bien parce que ???? ; une vieille rancune certainement. Le strict minimum est assuré bien sûr : on enlève quand même la paille dans les pièces principales.

Les garçons semblent avoir grandi en une semaine : leurs pantalons remontent en accordéon. Les filles paraissent toutes fripées, dans leurs tenues aux plis quelque peu fantaisistes. Mais tenons bon. Ne culpabilisons pas : personne ne va venir avant un long, très long moment.

Et puis le fer à repasser a besoin de repos, il est sous pression depuis un certain temps. Quant aux chiffons à vitres et à poussières, ils ont un petit coup de mou. Il serait malvenu d’interrompre leur convalescence. La quarantaine ça a du bon.

Masque de bonne humeur

En cette période de récession esthétique, connaissez-vous le secret pour ressembler à autre chose qu’à un cauchemar vivant ? D’un geste généreux, appliquez-vous chaque matin un masque de bonne humeur. Pour éviter qu’il ne s’effrite le soir, répartissez-le de manière égale tout au long de la journée.

Évidemment, chez nous il y en a toujours un qui oublie ce geste matinal, ou qui ne l’a pas effectué avec assez d’insistance. Bilan : on se retrouve face à une tête de cent pieds de long. Multipliez par 8, ça fait 800 pieds de long. C’est beaucoup trop. Heureusement un petit rappel à l’ordre suffit généralement : « Mets ton masque ! »

Il faut dire que les ingrédients sont 100% fait maison :

  • 7 kilogrammes de tendresse ;
  • 1 quintal de finesse du moment présent ;
  • 3 tonnes de délicatesse ;
  • 5 bonnes doses d’humour.

Attention ! Privilégiez une conservation à température familiale ambiante. Il se détériore facilement sous l’effet de la chaleur des remarques à vif. Il ne supporte pas non plus, les températures glaciales des attitudes refroidies.

Pandémie des repas

S’il y a un endroit qui ne s’est pas ennuyé pendant le confinement, c’est bien la cuisine. Envahie quatre fois par jour, elle est élue pièce de l’année par les enfants. Pour les parents… c’est différent. Chaque jour la même angoisse : « Mais qu’est-ce que je vais leur faire cette fois-ci ? »

En plus avec notre bonne idée d’instituer des heures fixes de repas en semaine, le stress s’intensifie significativement. « Aïe, aïe, aïe ! 18 h 30 et toujours pas d’idée. Voyons : pâtes ? Ah non, c’était hier soir ; raviolis ? C’est un peu redondant avec les lasagnes du déjeuner. Bon, ben cassoulet alors ».

En réalité, notre pronostic de surcharge pondérale ne risque pas du tout d’être engagé, tout simplement, parce que :

  • Mon mari ne raffole pas des pâtes ;
  • Je déteste les raviolis ;
  • Certains de nos enfants se passent volontiers des haricots du cassoulet.

Je ne fais pas non plus de menus à la carte : « Y’a pas écrit bécasse ici ! » Sur les vingt repas servis par jour (sans compter bien sûr le petit-déjeuner et le sacro-saint goûter), je confirme qu’il y a eu quelques loupés, mais pour une pandémie, on s’en est pas mal sorti.

Ambiances contagieuses

Jean qui rit et Jean qui pleure, ça vous parle ? Bon ben voilà, tout est dit. À la maison, le confinement multiplie cet effet JQR/JQP (pas touche, j’ai déposé la marque !). Même les grands y sont abonnés. C’est d’ailleurs assez bruyant à la longue ; en même temps qui a dit que c’était silencieux chez nous ? En tout cas, c’est surtout contagieux.

  • « Que se passe-t-il ma poupée ? »
  • « C’est untel qui m’a poussée ».

Le temps d’un câlin et des sanglots discrets me disent que la contagion a commencé :

  • « Et toi ma grande ? »
  • « Je n’aurai jamais mon concours, c’est trop dur ! »

Toute l’ambiance familiale dépend de la gestion de la crise à ce moment précis. Tout va très vite dans ma tête :

  • Fermer les portes pour empêcher que le bruit ne se propage ;
  • Consoler bien sûr les victimes d’un monde sans pitié ;
  • Obtenir des visages clairs sans plus aucune trace de pleurs ;
  • Parvenir à une extraction discrète desdites victimes ;
  • Reprendre son poste l’air de rien.

En ce qui concerne les crises de rire, je n’ai toujours pas trouvé la recette, ça se répand à la vitesse de l’éclair et pour tout vous avouer, ça nous va bien : le rire c’est bon pour la santé.

Épidémie de visios

Le Covid a fait la part belle à toutes les applis d’appels téléphoniques ou vidéos par Internet. Aurait-on seulement tenu sans visio ? Voir ses proches, qui à la réflexion sont plutôt loin, est un élément crucial dans la survie de ce confinement.

Chez nous, le moment visio sous-entend une organisation bien particulière :

  • Rassembler parents et enfants en un temps record, alors que ce n’est pas l’heure d’un repas ;
  • Parvenir à capter suffisamment le signal Wifi pour obtenir la fonctionnalité de la caméra : le son semble être souvent une option ;
  • Réussir à caser dix visages autour d’une minuscule webcam à l’angle étroit ;
  • Obtenir le silence complet pour entendre les voix de nos êtres chers ;
  • Lire directement sur les lèvres de nos correspondants, victimes d’un décalage audio/vidéo non-négligeable ;
  • Retranscrire pour ceux du fond qui voient flou ;
  • Donner enfin la parole à chacun des dix membres de notre tribu, sans oublier de réitérer les étapes précédentes pour chaque réponse effectuée.

Nul besoin de vous dire l’état d’épuisement dans lequel nous nous trouvons avec mon mari, après une visio :

  • « Les enfants au lit ! »
  • « Mais il n’est que 13 heures ! »
  • « Ah bon, j’aurai juré que la nuit commençait à tomber ».

Bilan de santé suite au confinement avec nos huit enfants. Un check-up rapide permet de noter :

  • Un tissu familial sain ;
  • Une certaine hypotension financière logique, aux vues des circonstances ;
  • L’élimination parfaite des agents infectieux, ratifiant la fin du chômage technique de nos chiffons ;
  • La reprise à plein temps de la rédaction web pour mon plus grand plaisir. Ça se voit non ?

Marie de Champeaux

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