Décrite comme étant inspirante et remplie de sagesse, l’auteure à succès Fatou Diome nous ramène à notre humanité. Avec délicatesse, elle soulève des sujets aussi douloureux que problématiques et met chacun de ses lecteurs face à sa condition d’être humain. Faire dialoguer les cultures et redonner du sens à la fraternité, voilà tout l’objectif de l’auteure franco-sénégalaise qui s’alarme des revendications identitaires.
L’auteure franco-sénégalaise qui écrit sur la question identitaire
Qu’est-ce qui empêche Fatou Diome, auteure franco-sénégalaise de passer des nuits paisibles ? Probablement l’agitation, les crispations et la négativité qui ne cesse de grandir sur la question identitaire. Peut-on devenir français ? nous demande-t-elle à travers le sous-titre de son dernier livre, Marianne face aux faussaires.
Dans ces 198 pages, elle invite l’Europe à changer son regard pour ne pas alimenter la xénophobie et le rejet. Pourtant, c’est difficile. Aujourd’hui, la France est plurielle et ça, elle aimerait bien que tout le monde l’accepte une bonne fois pour toute. Elle est franco-sénégalaise et elle y voit une adjonction, ni plus ni moins. Nous sommes français ET quelque chose, si on a une double nationalité. Mais nous ne sommes pas moins français ni moins de cet autre pays.
« Toute société est la résultante de son passé. La France a partagé sa culture partout dans le monde, donc ce n’est pas un hasard si les enfants de Marianne sont de toutes les couleurs », déclare-t-elle sur le plateau de France 24.
Quelle lourdeur de maintenir ce statut d’immigré après plusieurs générations ! Elle nous dit que l’immigré est celui qui a posé ses valises, pas ses enfants ni ses petits-enfants. Comme j’aimerais que la réponse à sa question soit un oui, unanime et sans commentaires. Peut-on devenir français ? Je veux dire, moi qui suis pourtant née ici : puis-je le devenir « pour de vrai » ? Sans qu’on me ramène sans cesse aux pays d’origine de mes grands-parents, dont je ne maîtrise ni la langue ni les codes.
La problématique est que toute personne typée et non blanche est considérée comme immigrée. Mais jusqu’à quand ? À juste titre, Kéry James, un artiste de rap, écrivait dans son texte Lettre à la République, la blessure de cette mise à l’écart. Un texte poignant qui interroge notre société. Il déclare gravement « On ne s’intègre pas dans le rejet ». La solution que nous propose Fatou Diome, c’est considérer l’autre comme un être humain avant tout, et comme un Français dès lors que c’en est. Point.
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Fatou Diome appelle à plus d’humanité
Face au contexte de guerre qui sévit un peu partout dans le monde, elle se positionne. Pour elle, cette absence de paix est invivable. Le monde entier doit faire preuve d’humanité pour que le monde entier soit enfin tranquille.
Effectivement, les guerres amènent leur lot d’exodes, de fuites vers un avenir plus serein. Elle rappelle que quelqu’un qui fuit la guerre est protégé par la convention de Genève. Or, les réfugiés non blancs sont souvent traités comme des personnes coupables de droits. Comme s’ils étaient des voyageurs qui ne respectent pas les lois internationales. Elle insiste sur la différence entre une personne qui fuit les conflits de son pays et une personne qui vient pour chercher du travail.
En face de Frédéric Taddeï, sur le plateau de Ce soir ou jamais, cette femme engagée fascine par son éloquence. Ses propos sont précis, sourcés, et vont droit au but. Elle s’explique sur une thématique sensible : « peut-on accueillir toute la misère du monde ? ». La question est condescendante, mais elle en fait fi et argumente.
« Il faudrait atteindre cette maturité dans la fraternité pour comprendre que tout être humain fuyant une guerre mérite l’accueil »
Cela dit, elle nuance. D’une part, elle rappelle que l’Europe est belle par les valeurs qu’elle a à offrir. Les gens n’y viennent pas que pour manger comme on peut le croire. Ils peuvent aussi choisir ce pays pour vivre dans un cadre sécurisant, pour la liberté ou encore la démocratie. Notre continent ne peut donc pas ignorer la mondialisation. Pour reprendre ses propos : « Un Indien gagne sa vie à Dakar, un Dakarois gagne sa vie à New York, et un Gabonais gagne sa vie à Paris. » Et c’est un fait qui devrait être aussi acceptable qu’un Hollandais qui travaille aux États-Unis, ou un Italien qui exercerait en Afrique du Sud. D’autre part, elle estime que l’Europe tire les ficelles d’une coopération inégale avec l’Afrique et que l’Afrique reste dans une position victimaire alors qu’elle pourrait œuvrer pour son changement.
Alors, Fatou Diome s’indigne. Elle blâme le silence de l’Union africaine qui ne réagit pas face à ces milliers de morts sur les plages. Elle déplore l’indifférence de l’Afrique, qui ne fait rien pour empêcher ces départs et qui met en danger la vie humaine.
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Une écrivaine aspirant à plus de paix sociale
Personne n’aurait prédit un avenir si inspirant pour la petite fille qu’était Fatou Diome. Née sur la petite île de Niodior, au Sénégal et élevée par sa grand-mère, l’auteur a failli ne jamais aller à l’école. Pourtant, le destin allait en décider autrement. Celle qui allait s’instruire en cachette est aujourd’hui une artisane des mots. Une passionnée de la langue française et de ses subtilités. Avec sa plume aiguisée, elle combat l’injustice sociale, interpelle sur les abus de langage et informe qui veut apprendre à réfléchir.
À la lecture de son parcours, on pourrait remercier son instituteur d’avoir convaincu sa famille de la laisser étudier. En effet, dans un pays où seulement 50 à 60 % des filles sont scolarisées, le parcours de Fatou Diome fait exception. Sans lui, nous n’aurions pas pu apprécier la justesse et la profondeur de ses idées !
De ce pays, elle en parle longuement à travers son premier roman : Le Ventre de l’Atlantique. Elle y évoque les rêves des jeunes sénégalais. Dans ce livre, elle met en évidence la vision paradisiaque que la jeunesse sénégalaise projette sur la France. Un eldorado qui n’en est pas un et qu’elle prend le temps de décrire, tout en pointant du doigt les manquements de la société sénégalaise.
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Je ne peux m’empêcher de voir en Fatou Diome, un modèle pour les femmes qui veulent exprimer leurs opinions sur le terrain des idées. Elle envoie un message fort qui semble dire : vous pouvez le faire. Vous pouvez vous extraire de votre condition sociale par le travail et le savoir. Pour les femmes du monde entier et surtout celles qui sont racisées, son implication et sa témérité clament haut et fort : votre voix compte. Quel que soit le domaine où vous voulez vous affirmer, faites-le.
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Silvia Angenor (lesmotsdesilvia)
Sources :
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