Il est 1 h du matin, je viens de relire la énième lettre de refus reçue d’un éditeur. Rien d’extraordinaire quand on sait que 98 % des manuscrits adressés à une maison d’édition sont refusés. Les statistiques ne diminuent pas la déception qui m’envahit. Je n’ai qu’une envie : noyer mon cafard sous une tonne de crème glacée…
C’est alors que je l’aperçois lors d’une de ces émissions nocturnes que personne d’autre que moi ne regarde. Bientôt je ne vois plus qu’elle. Elle, c’est Auto-édition, ma nouvelle âme sœur, celle qui va me permettre de publier enfin mon roman. Je signe un pacte avec elle : toi et moi, nous allons conquérir notre place dans le monde des livres ! La métaphore est sans doute exagérée, mais le constat est là : l’auto-édition est en pleine expansion depuis 2010, avec une augmentation estimée à 422 % d’après une étude réalisée par la société américaine Bowker.
Rappelons que trois voies s’offrent à l’auteur pour se faire publier : l’édition à compte d’éditeur, l’édition à compte d’auteur et l’auto-édition. La première voie est l’option classique où les frais de conception sont pris en charge par l’éditeur, qui reverse des droits d’auteur à l’écrivain (de 5 à 12 % des recettes des ventes). La publication à compte d’auteur permet, quant à elle, de confier la création d’un livre à une entreprise spécialisée, les frais étant intégralement supportés par l’écrivain. La troisième voie consiste à publier un livre directement sur Internet sans intermédiaire ni frais.
Les nouvelles autrices du 21e siècle sont nombreuses à suivre cette dernière option. J’ai auto-publié deux romans et une nouvelle sous le nom d’Émilie Vila. Pour Celles qui Osent, à travers mon expérience, je vais essayer de répondre à cette épineuse question : pourquoi les femmes auto-éditées ont-elles plus de succès que les hommes ?
L’auto-édition et les femmes : une quête d’indépendance récompensée !
Si l’édition à compte d’auteur ressemble à la quête du Graal pour de nombreux chevaliers-auteurs, l’auto-édition est une solution concrète qui permet de publier tout seul son livre rapidement. Cela signifie rester libre d’en choisir le thème, le style, le titre, la couverture, etc. En d’autres termes, être son propre patron. Cela permet aussi à tout un chacun de laisser libre-court à sa créativité et de se lancer. Le Web a ainsi vu fleurir des plateformes sur lesquelles auto-publier son livre : Kindle Direct Publishing (Amazon), Kobo Writing Life (Fnac), BOD, Librinova, etc. La publication en ligne permet la parution en format numérique ou papier grâce au processus d’impression à la demande ou POD (Print On Demand). Si l’auto-édition offre l’avantage de rester libre, l’apprenti auteur ne doit pas se contenter d’écrire. Il lui faut également assurer la correction, la mise en page, la couverture et la promotion de ses livres. Que ce soit pour des œuvres de fiction ou des ouvrages pratiques, les auteurs deviennent de plus en plus professionnels et se transforment en véritables entrepreneurs.
À ce jeu, certaines femmes se révèlent d’une efficacité redoutable. Besoin d’assouvir un désir de créer, ambition sociale ou simple opportunité conjoncturelle ? Probablement un peu des trois. Tout part d’un constat : les femmes sont historiquement sous-représentées dans le domaine culturel et restent désavantagées dans le secteur littéraire. En effet, si elles sont aussi nombreuses que les hommes à soumettre un manuscrit à des sociétés d’édition, les œuvres créées par des femmes ne représenteraient plus que 39,9 % de la totalité des œuvres figurant dans leurs catalogues. Si l’on ajoute à cela le fait que seulement 9 % de femmes seraient à la tête d’entreprises du monde du livre, de la presse et de l’édition, la question de la sous-représentation des femmes dans le monde des livres se pose.
Une chose est sûre, les femmes rattrapent le temps perdu grâce à l’auto-édition !
Les femmes auto-éditées : réussissent-elles mieux que les hommes ?
C’est ce qui ressort de plusieurs études portant sur l’auto-édition aux États-Unis, où ce secteur est en plein essor. Le nombre de best-sellers auto-publiés par des femmes outre-Atlantique au cours de l’année 2015 y serait majoritaire. 67 % des titres les mieux situés au classement des ventes seraient écrits par des femmes (d’après des statistiques effectuées sur les publications des plateformes d’auto-édition américaines Blurb, Wattpad, CreateSpace et Smashwords) (1). Ces chiffres sont corroborés par les succès fulgurants d’autrices comme Anna Todd et son roman After, ou E. L. James et les 3 tomes de son livre Fifty shades of grey, véritables phénomènes d’auto-édition.
Dans le même sens, une étude plus récente du Syndicat national de l’édition a révélé que l’auto-édition se portait très bien, avec une part de marché se situant autour de 26,3 % des ventes totales de livres numériques en 2018. Les succès récents des livres d’Agnès Martin-Lugand (Les gens heureux lisent et boivent du café), de Virginie Grimaldi (Il est grand temps de rallumer les étoiles) ou d’Aurélie Valogne (Mémé dans les orties), suffisent à le démontrer. Entre les femmes et l’auto-édition, c’est une grande histoire d’amour !
Sont-elles pour autant meilleures que les hommes dans ce domaine ? En France, il est difficile de répondre à cette question, car il n’existe pas de statistiques officielles. Ce qui est certain en revanche, c’est que le nombre d’hommes publiés à compte d’éditeur est plus élevé que les femmes, qui ne représenteraient en moyenne qu’un tiers de l’effectif des écrivains français figurant sur les catalogues des éditeurs. Si l’on constate que seules 12 femmes ont reçu le Prix Goncourt depuis sa création en 1903 et qu’elles ne sont que 10 sur les 737 Immortels élus à l’Académie française, la sous-représentation des femmes dans les maisons d’édition, les prix littéraires et les manuels d’histoire littéraire n’est plus à prouver. De là à considérer que l’époque où la femme devait se contenter d’écrire chez elle tout en s’occupant de sa famille pour ne pas être jugée par ses pairs n’est pas totalement révolue, il n’y a qu’un pas…. C’est dire si les femmes doivent continuer à lutter pour se frayer un passage dans ce sentier escarpé ! Les nombreux exemples de best-sellers écrits et publiés par des femmes auto-publiées suffisent cependant à démontrer qu’elles ont bien l’intention de faire évoluer la situation.
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Les nouvelles autrices du 21e siècle : qui sont-elles ? Portraits
Des autrices entrepreneuses
J’en citerais trois, qui m’ont accompagnée.
Tout d’abord Anaïs Weibel, du blog Les livres d’Anaïs. Cette jeune femme cumule deux activités principales : l’écriture de romans et le coaching en auto-édition. Elle m’a aidée pour ma communication et le lancement de mes premières séances de dédicaces. Grâce à sa bienveillance et à son énergie communicative, j’ai réalisé un pas de géant.
Émilie Varrier écrit ce qu’elle appelle des romances optimistes et a créé en parallèle une activité d’assistance aux auteurs à travers son site Votre soutien administratif. Elle m’a aidée à organiser concrètement mes séances de dédicaces et dans la gestion administrative.
Je pense enfin à une entrepreneuse américaine que je suis sur Internet. Il s’agit de Joanna Penn, autrice, coach, blogueuse et conférencière à succès. Joanna a écrit 17 romans et 12 ouvrages pratiques en lien avec l’auto-édition, parmi lesquels Comment publier un livre, marketing pour auteurs. Elle a vendu 350 000 livres dans 68 pays et 4 langues. Elle a également créé The Creative Penn, une méthode pour aider d’autres auteurs dans l’auto-édition, et deux podcasts. Son ouvrage Comment gagner sa vie en écrivant fait référence à d’autres activités en lien avec l’écriture afin de permettre aux auteurs de diversifier leurs sources de revenus et de vivre de leur plume.
Pour aller plus loin : J’aime écrire, je fais quoi de ma vie ?
Deux exemples français du succès féminin dans l’auto-édition : Agnès Martin-Lugand et Aurélie Valognes
Les gens heureux lisent et boivent du café, le best-seller d’Agnès Martin-Lugand est paru en 2012 en format ebook sur la plateforme Kindle en auto-édition. En trois semaines, le livre se serait vendu à 3 000 exemplaires ! Il a ensuite été publié par l’éditeur Michel Lafon. La romancière a écrit aujourd’hui près d’une dizaine d’ouvrages. Elle a choisi l’auto-édition pour son premier livre après avoir essuyé deux refus de maisons d’édition. Elle a vendu depuis plus de 2 millions de livres.
Aurélie Valognes a, quant à elle, décidé de quitter son emploi de cadre dans une grande entreprise pour se consacrer à l’écriture, suite au succès de son roman Mémé dans les orties. Cette autrice, qui a toujours voulu être romancière, décide d’écrire un roman après avoir visionné une vidéo de Bernard Werber, l’auteur du célèbre roman Les fourmis. Son premier ouvrage est paru en livre de poche et s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires. Elle a depuis écrit d’autres romans traduits dans le monde entier et commence à être connue aux États-Unis.
Deux exemples parmi tant d’autres de succès au féminin dans l’auto-édition en France !
Les femmes et l’auto-édition : mon témoignage
Le labyrinthe d’Alice
Je me suis lancée dans l’aventure en 2018. Avant cela, mon chemin ressemblait au labyrinthe d’Alice au pays des merveilles : j’avais beau chercher ma voie, je tournais en rond… Comme de nombreux apprentis écrivains, j’ai envoyé un certain nombre de tapuscrits à de grosses maisons d’édition traditionnelles. Après avoir publié un premier roman à compte d’auteur, j’ai décidé d’auto-éditer mon deuxième roman La famille témoin sur la plateforme Librinova. C’est comme si quelqu’un m’avait tendu un plan pour sortir du labyrinthe géant !
Des étincelles dans les yeux !
Début 2019, Librinova m’a annoncé que La famille témoin était arrivé 2e ex aequo du concours le Prix des Étoiles ! Les ventes de mes deux livres ont progressé, aidées par la communication et les séances de dédicaces. J’ai depuis participé à un concours lancé par la Fnac Kobo en mai 2021 ; il en est ressorti une nouvelle, La soif de l’ombre. Mon troisième roman est en cours d’écriture et paraîtra début 2022. Bien sûr, ce n’est qu’un début, mais je réalise un rêve d’enfant et je n’ai aucune envie de m’arrêter !
Et maintenant ?
En parallèle, j’ai découvert des activités en lien avec l’écriture. C’est ainsi que j’ai suivi la formation en rédaction web de Lucie Rondelet. Il s’agit d’écrire du contenu pour les sites web, les blogs ou les réseaux sociaux en optimisant le référencement naturel (SEO). Je complète mes connaissances avec les excellentes formations Social Writer et Copywriting, également créées par Lucie Rondelet, que je recommande à tous ceux et celles qui ont le désir de vivre de leurs écrits. Non seulement cela permet de diversifier ses sources de revenus en lien avec l’écriture et de garder la tête sur les épaules, mais en plus on s’amuse beaucoup ! Aujourd’hui, j’envisage sérieusement de faire de ma passion mon activité à plein temps.
Les autrices nouvelle génération savent s’adapter au nouvel environnement du monde de l’édition et saisir les opportunités qui se présentent à elles. Véritables cheffes d’entreprise pour certaines, elles ne se contentent pas d’écrire des livres, mais en assurent la présentation, la diffusion, le marketing tout en gérant d’autres activités en parallèle. Ce sont des slasheuses de l’écriture qui ne se bercent pas d’illusions et ont décidé de passer à l’action : blogs, conférences, masterclass, podcasts, etc. Savoir s’adapter dans un contexte de digitalisation est un défi auquel les femmes auto-éditées se livrent avec audace et énergie !
Et si vous vous lanciez, vous aussi ?
Pour en savoir plus sur mes livres, c’est ici : livres d’Émilie Vila !
☕️ Poursuivez votre lecture sur Celles qui osent avec cet article qui traite des bienfaits de l’écriture thérapeutique.
Émilie Vila pour Celles qui Osent
Sources :
- Combien gagne un auteur ?
- Self-Publishing Sees Triple-Digit Growth in just Five Years, Cision PR Newswire, 24 octobre 2012.
- Maisons d’édition : les femmes prennent le pouvoir, The conversation, 22 novembre 2019.
- L’autopublication pour contourner le fossé des genres dans l’édition, 9 mars 2015, Actualitte.
- Maisons d’édition : les femmes prennent le pouvoir, 6 avril 2016.
1 Comment
[…] Virginie Grimaldi, auteure de romans populaires tels que “Il est grand temps de rallumer les étoiles” et “Chère Mamie” a choisi de s’autoéditer pour son premier livre “Le premier jour du reste de ma vie” en 2014. Le livre a connu un grand succès et a été acquis par une maison d’édition en 2015. Depuis, Virginie Grimaldi a publié plusieurs autres livres à succès. […]