La place des femmes dans les sciences | Lutter contre les stéréotypes

Une femme en blouse blanche ? C’est forcément une infirmière, non ? Ah, le sexisme et les stéréotypes liés à la place des femmes dans les sciences ont la vie dure ! Selon l’Institut de statistiques de l’UNESCO, moins de 30 % des chercheurs dans le monde sont des chercheuses. Certains diront qu’après tout, ce n’est pas un drame. Certes, mais cette sous-représentation féminine est problématique, car elle contribue aux inégalités salariales entre les femmes et les hommes. Les filières scientifiques mènent en effet à des emplois mieux rémunérés. Cela représente aussi une perte potentielle de talents dans des domaines à forte demande de compétences. Les sciences ont besoin de nous ! Mais pourquoi les maths, la physique ou l’ingénierie ne nous attirent-elles pas plus ? D’où proviennent nos schémas socioprofessionnels sexistes qui nous conduisent à choisir d’autres voies universitaires ? Celles qui Osent se penche aujourd’hui sur ce jeu de « je t’aime moi non plus » qu’entretiennent les femmes et les sciences.

La place des femmes dans les filières scientifiques : tableau des inégalités

Les inégalités entre les hommes et les femmes dans les études scientifiques font l’objet de nombreuses recherches et publications. Elles révèlent que les filles ont une meilleure réussite scolaire que les garçons et sont plus nombreuses dans l’enseignement supérieur. Pourtant, peu d’entre elles choisissent d’étudier dans les filières techniques et scientifiques après le baccalauréat. Certes, depuis les années 1990, les écoles d’ingénieurs assistent à une féminisation constante, mais les filles ne représentent que 40 % des étudiants des filières scientifiques.

Valérie Schneider, de l’Observatoire des inégalités, a analysé les données 2015-2016 du ministère de l’Éducation nationale. Dans les filières d’études techniques et industrielles, elles représentent moins de 8 % des élèves. Pour elle, aujourd’hui encore, garçons et filles continuent à se conformer aux stéréotypes qui catégorisent chaque sexe dans les schémas socioprofessionnels du siècle dernier. Les jeunes femmes ont généralement tendance à s’auto déprécier en maths et les stéréotypes genrés participent à ce manque de confiance en elles.

Le paradoxe de l’égalité des sexes dans les pays développés

Ces stéréotypes peuvent conduire à un phénomène : le « paradoxe de l’égalité des sexes ». La sous-représentation des femmes dans les filières scientifiques (et en particulier celles liées aux mathématiques, la physique, l’informatique ou l’ingénierie) est plus forte dans les pays les plus développés. Quoi ? Les femmes font moins d’études scientifiques… dans les pays égalitaires ? Les travaux en études de genre de la sociologue américaine Maria Charles tendent à expliquer ce paradoxe. Les pays plus développés semblent avoir cultivé des valeurs émancipatrices, individualistes et progressistes, accordant davantage d’importance à la réalisation et à l’expression de soi. Les individus, plus libres, se reposent alors sur des identités de groupe et notamment de genre pour développer leur personnalité propre et prendre leurs décisions. Ainsi, l’idéologie archaïque de la primauté masculine laisse aujourd’hui place à de nouvelles formes de différenciation sociale entre femmes et hommes, souvent encore très genrées. Les jeunes filles accordent moins d’importance aux mathématiques que les garçons, ou considèrent pouvoir moins réussir dans cette discipline, quand bien même elles ont le même niveau. D’où proviennent ces fausses croyances ? Pourquoi les filières scientifiques intéresseraient-elles moins les filles ?

Les femmes et les sciences : de l’exclusion à la promotion des vocations

Au fur et à mesure de l’Histoire, les sciences de la nature, la physique expérimentale, la chimie ou les sciences occultes passionnent les hommes et les femmes de la bonne société. Phénomène de mode, les cabinets privés de curiosités connaissent un essor important. Mlle Biheron ou Mme Thiroux d’Arconville font figure d’exceptions au XVIIIe siècle en investissant leur temps dans la collecte de curiosités et l’organisation d’activités savantes. Pour la grande majorité des femmes de bonne famille, l’éducation féminine dispensée par des religieuses se limite à un enseignement élémentaire d’où sont exclus les savoirs scientifiques. Les chaires d’enseignement des collèges et des universités sont interdites aux femmes, au même titre que les fonctions soignantes, hormis celles qui relèvent de l’obstétrique. En France, à partir des années 1960, la mixité apparaît dans les écoles, mais pour des raisons plus matérielles que pédagogiques ; l’enseignement se démocratise et provoque une forte croissance des effectifs scolaires. Dans les années 1970, les grandes écoles s’ouvrent peu à peu aux filles : l’école polytechnique en 1972, HEC en 1973…

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Aujourd’hui, on observe un certain consensus international : les filières scientifiques doivent attirer davantage de femmes afin d’éviter des problèmes éthiques et moraux. Dans son rapport de 2018, l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) insiste sur la sous-représentation des femmes dans le domaine des STEM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques).

Le rapport propose des solutions telles que :

  • la suppression d’éléments discriminants dans le C.V. ;
  • l’évolution des attitudes parentales ;
  • l’utilisation d’environnements et de ressources d’apprentissage « neutres ».

En 2017, l’UNESCO souligne l’intérêt d’intervenir au plus tôt dans la scolarité pour encourager la vocation scientifique des femmes, afin que leurs aspirations de carrière ne se conforment pas à l’adolescence, aux stéréotypes et autres idéologies du genre.

Pour aller plus loin, écoutez l’interview d’Isabelle Collet, enseignante et chercheuse spécialisée des questions de genre et des discriminations faites aux femmes dans le domaine de l’informatique :

Lutter contre les stéréotypes sur les femmes et les maths et valoriser les rôles modèles

Le projet Gender gap in science

Le projet Gender gap in science, principalement financé par le Conseil international pour la science (ISC) a analysé et mesuré, de 2017 à 2019, ces inégalités femmes-hommes dans les sciences naturelles, les mathématiques et l’informatique, à l’échelle mondiale. L’objectif : identifier les différents facteurs qui dissuadent les femmes de poursuivre une carrière ou de réussir dans ces secteurs. Le Global gender gap index (GGGI) vise à mesurer cet écart dans quatre domaines clés : la santé, l’éducation, l’économie et la politique.

L’analyse des données recueillies confirme le fossé existant entre les deux sexes « dans toutes les régions, toutes les disciplines et à tous les niveaux de développement », mais révèle aussi trois constats :

  • Le harcèlement : « Plus d’un quart des femmes scientifiques ayant répondu au questionnaire ont déclaré avoir été personnellement victimes de harcèlement sexuel lors de leurs études ou au travail. ».
  • Les interruptions de parcours dans les études ou durant la vie professionnelle : « Les femmes signalent des interruptions dans leurs études 1,6 fois plus souvent que les hommes ». Le plus faible taux d’interruption des études dans l’enseignement supérieur est localisé en Europe occidentale (là où le système social y est plus favorable).
  • Des carrières plus lentes : « Nous avons constaté que les femmes étaient plus susceptibles de dire que leur progression de carrière avait ralenti après la naissance de leur premier enfant ». « Sans une forte détermination personnelle et un encouragement significatif de la part de leur parentèle, les femmes ont moins de chances de devenir scientifiques>. »

Une base de données constituée d’exemples de bonnes pratiques a également été élaborée pour informer sur les carrières et présenter des femmes scientifiques « modèles ». À l’issue du projet Gender gap in science en septembre 2020, les unions scientifiques et les organisations internationales participantes ont créé un comité permanent pour l’égalité femmes-hommes dans les sciences (SCGES).

Les initiatives en France pour valoriser les filières scientifiques auprès des jeunes filles

L’association Femmes & Sciences promeut et valorise les carrières scientifiques et techniques auprès des jeunes filles et des jeunes femmes, en créant notamment des ressources destinées aux enseignant·es et personnes contribuant à l’orientation.

Les associations Femmes et mathématiques et Animath, en collaboration avec la Fondation Blaise Pascal, proposent des journées « Filles, maths et informatique : une équation lumineuse ! », partout en France.

L’Institut des sciences de l’information et de leurs interactions (INS2I) du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a publié la BD Les décodeuses du numérique, dessinée par Léa Castor. Elle illustre 12 portraits d’enseignantes-chercheuses et ingénieures dans les sciences du numérique. L’ouvrage a pour objectif de briser les stéréotypes qui dissuadent les femmes de s’engager dans cette voie.

Dans son essai La bosse des maths n’existe pas, Clémence Perronnet met au jour des initiatives déjà en place ou à encourager, pour avancer sur le chemin d’une égalité réelle dans le monde de la science.

L’association Elles Bougent œuvre pour renforcer la mixité dans les entreprises des secteurs industriels et technologiques. Les femmes y représentent encore un faible pourcentage des effectifs, alors que les entreprises les voudraient bien plus nombreuses. Pour déclencher des vocations, le collectif organise des rendez-vous depuis plus de dix ans afin de favoriser les rencontres inspirantes entre femmes scientifiques et jeunes filles en quête d’orientation.

🔬 Lisez notre interview de la fondatrice d’Elles Bougent, Marie-Sophie Pawlak

Le projet européen Scientix pour encourager la diversité dans les filières STEM

Créé en 2009, le réseau européen Scientix a, entre autres, imaginé le concours Diversity in STEM pour rappeler l’importance de la diversité (les différences de sexe, d’origines, de nationalité, d’orientation sexuelle ou de handicap) pour nourrir l’innovation. Cette communauté européenne de chercheurs et de formateurs dans les disciplines scientifiques s’est donné pour objectif de démocratiser l’apprentissage et le goût pour les disciplines scientifiques en alliant, par exemple, expériences mathématiques et impression 3D.

🔬 Vous aimez les sciences ?

  • Découvrez la biographie d’Ada Lovelace, la scientifique aux origines de la programmation.
  • Plongez au cœur de la vie de Joan Procter, une scientifique folle des reptiles et des amphibiens !
  • Lisez les incroyables destins de la première astronaute afro-américaine, Mae Jemison, ou de Katherine Johnson, ingénieure spatiale et mathématicienne de la NASA.

 

Violaine B — Celles qui Osent

Sources :

Institut de statistiques de l’UNESCO : Women in Science | UNESCO UIS

Journal.openedition.org : Savoirs mondains, savoirs savants : les femmes et leurs cabinets de curiosités au siècle des Lumières ; Disciplines scientifiques et inégalités de genre : une préoccupation mondiale

Inégalités. fr : Les filles stagnent dans les filières scientifiques de l’enseignement supérieur

Cairn.info : Éducation : une égalité des sexes qui reste à construire | Cairn.info

Éducation : une égalité des sexes qui reste à construire par Cendrine Marro, dans après-demain 2013/2 (N° 26, NF), pages 26 à 28

https://www.eveprogramme.com/14474/cest-quoi-lessentialisme/

https://entreleslignesentrelesmots.blog/2017/03/08/le-sexe-le-genre-et-le-nouvel-essentialisme/

Pourquoi l’égalité entre les sexes n’efface-t-elle pas les ségrégations dans les filières scientifiques ?

femmesetsciences.fr : Femmes & Sciences

iybssd2022.org : Les inégalités femmes-hommes dans les sciences, comment les mesurer, comment les réduire ? 1/9 — International Year of Basic Sciences for Development

Eduscol.education.fr : Les filles faites des sciences | éduscol | ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports — Direction générale de l’enseignement scolaire

En attendant notre prochain article, n'oubliez pas de suivre notre podcast sur ces Femmes qui Osent

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