Françoise Malby-Anthony, une vie consacrée à la faune sud-africaine
Seriez-vous partie à l’autre bout du monde par amour ? Françoise Malby-Anthony l’a fait, en quittant Paris pour suivre un Sud-africain. Un coup de foudre qui l’a amenée à épouser une cause : celle de la préservation de la faune africaine. Malgré le décès prématuré de son mari, Françoise a tenu bon, seule à la tête de leur réserve naturelle, pour préserver cet héritage et lutter contre le fléau du braconnage. Découvrez cette histoire d’amour, de résilience et de combat.
Une Parisienne dans le bush africain
La rencontre entre Françoise Malby et Lawrence Anthony a tout du scénario hollywoodien. Un hôtel à Londres, l’hiver glacial de 1987 et un taxi qui n’arrive pas : Françoise se résout à accompagner dans le métro ce grand blond en tenue estivale, qu’elle prend pour un touriste égaré. Les récits de Lawrence sur son pays d’origine, l’Afrique du Sud, la captivent. Quelques mois plus tard, elle part découvrir l’Afrique australe.
Dès la sortie de l’avion, Lawrence l’emmène en safari chez un ami, dans la réserve privée de Windy Ridge. Une plongée directe dans l’ambiance de la savane sud-africaine, le bush ! Pour celle qui se décrit comme « Parisienne jusqu’au bout des ongles », ne connaissant rien aux animaux, ce premier contact avec la nature sauvage signe le début d’une nouvelle vie, sur laquelle elle ne reviendra jamais. Moins d’un an après leur rencontre, Françoise quitte définitivement sa vie européenne et rejoint Lawrence en Afrique du Sud.
Basée à Durban, principale ville de la province du KwaZulu-Natal, la jeune femme ne compte pas rester inactive. Après avoir enseigné le français, elle se forme à la couture et fonde une entreprise de mode.
Mais c’était sans compter sur l’intrépide Lawrence, qui, un soir, lui annonce que Windy Ridge est en vente et qu’il souhaite l’acheter. Le couple cède son appartement, contracte un emprunt et se retrouve, en 1999, à la tête de 1 500 hectares au cœur d’un territoire zoulou. Leur première décision est d’arrêter la chasse et de transformer ce lieu en refuge pour les animaux. La réserve est rebaptisée Thula Thula (ce qui signifie paix et tranquillité).
Françoise Malby-Anthony et les éléphants, unis dans les épreuves
La tumultueuse histoire des éléphants de Thula Thula
Alors que Françoise et Lawrence en sont encore à chercher comment financer le fonctionnement de Thula Thula, ils s’apprêtent à vivre un nouveau bouleversement : un troupeau d’éléphants perturbateurs cherche une terre d’accueil, sous peine d’être euthanasié. En deux semaines, il faut leur construire un enclos d’acclimatation et obtenir les autorisations nécessaires. Le défi est relevé in extremis et la famille de pachydermes débarque en août 1999.
Hélas, traumatisée par l’abattage de leur matriarche juste avant leur transport, la troupe parvient à s’échapper moins de 24 heures après son arrivée. Il faudra 10 jours à l’équipe de la réserve pour réussir à récupérer ces animaux… S’ils recommencent, les autorités n’hésiteront pas à les éliminer. Lawrence décide alors de passer trois semaines auprès d’eux et tente de les apaiser en leur parlant, en étant simplement présent. Jour après jour, il parvient à leur redonner confiance en l’humain. Cette expérience incroyable lui a valu d’être connu en Afrique du Sud comme étant « l’homme qui murmurait à l’oreille des éléphants » (c’est d’ailleurs le titre de son autobiographie, paru en 2009).
Découvrez quelques images de cette famille exceptionnelle dans ce reportage :
Un deuil partagé
Peu à peu, Thula Thula trouve son équilibre, accueille davantage d’animaux et se finance grâce au tourisme. Mais en mars 2012, alors qu’il était en voyage d’affaires, Lawrence décède soudainement, terrassé par une crise cardiaque. C’est un coup de massue qui s’abat sur Françoise et sur toute la réserve… Au même moment, les éléphants, espèce connue pour rendre hommage à ses morts, commencent à se déplacer pour arriver deux jours plus tard devant la maison du couple Anthony. Ils y restent pendant des heures, agités et anxieux. Une procession funéraire qu’ils vont répéter les deux années suivantes, le même jour et à la même heure.
« Ces éléphants, en venant me voir, sont aussi venus dire : on est là, ne nous laisse pas tomber. Ils m’ont indiqué un but, une cause à défendre, une direction. Ils m’ont donné le courage de continuer. »
En tant que femme et étrangère, beaucoup de gens pensaient que Françoise allait retourner en France. Une option qui ne lui a même pas traversé l’esprit. Hors de question pour elle d’abandonner ses 50 employés, ses animaux et ce troupeau d’éléphants décidément unique au monde !
Une femme en lutte contre le fléau du braconnage
Priorité à la sécurité
Françoise endosse alors une responsabilité à laquelle elle n’était pas préparée. Elle qui gérait jusqu’à présent l’hôtellerie, les finances et le marketing, doit désormais reprendre le flambeau de Lawrence sur tout ce qui concerne la réserve, ses animaux et ses infrastructures. Elle a tout à apprendre.
Deux semaines après le décès de son époux, elle est plongée dans une nouvelle tragédie lorsque des braconniers s’attaquent à l’un de ses rhinocéros. C’est un déclic : elle fera de la sécurité et de l’anti-braconnage sa priorité.
« Ce drame m’a aidé à avoir une vision claire du sens que j’allais donner à ma vie en l’absence de Lawrence. La sauvegarde de la faune de Thula Thula reposait sur mes épaules, et uniquement sur mes épaules. »
Un combat permanent contre les braconniers
Les statistiques font froid dans le dos. Un rhinocéros est tué toutes les 20 heures en Afrique du Sud. Les braconniers sont même équipés de drones pour mieux repérer leurs proies. En face, les réserves comme Thula Thula doivent se résoudre à couper régulièrement les cornes de leurs animaux et à employer des gardes armés, chargés de les protéger 24 heures/24. Françoise a même dû renoncer à maintenir sur place l’orphelinat, cible d’un assaut ayant laissé des soigneurs traumatisés et deux jeunes rhinocéros massacrés.
Ce braconnage s’apparente à du crime organisé avec une corne qui se revend en Asie autour de 60 000 dollars par kilogramme – rappelons qu’il ne s’agit ni plus ni moins que de kératine, à l’instar de nos ongles. Parallèlement, les trafiquants de trophées en tous genres menacent d’autres animaux emblématiques, tels les éléphants ou encore les gorilles des montagnes, défendus par Dian Fossey au péril de sa vie. Mais en réalité, c’est bien toute la faune africaine qui est concernée, des pangolins aux lions. Même les antilopes sont visées, piégées dans des collets qui font aussi de nombreuses victimes collatérales. Un véritable désastre écologique pour le continent.
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Face à l’adversité, Françoise Malby-Anthony ne baisse jamais les bras
Thula Thula s’agrandit
La lutte de Françoise Malby-Anthony ne s’arrête pas là. Armées d’une calculatrice, les autorités de la conservation du KwaZulu-Natal décident un jour qu’il y a trop d’éléphants pour la superficie de la réserve et qu’il faudra en éliminer 8.
« Or, nos 28 éléphants, c’est toute notre vie. Autant nous dire qu’il fallait nous débarrasser d’une partie de nos enfants ! Pourtant, nous avions de l’eau, beaucoup de végétation et un programme de contraception en place… »
Résolue à se battre contre l’absurdité administrative, elle réussit, en l’espace de trois semaines, à trouver 2 500 hectares supplémentaires en incorporant une réserve voisine. Le hasard fait parfois bien les choses : une communauté locale lui met également à disposition plus de 1 000 hectares additionnels.
Le grand rêve de Lawrence est donc devenu une réalité : Thula Thula s’étend désormais sur 5 500 hectares. Non seulement tous les éléphants ont pu être sauvés, mais la contraception a été suspendue. Un point capital quand on sait l’importance pour ces pachydermes de pouvoir accueillir un bébé de temps en temps, et ainsi consolider leur structure familiale.
Le financement, nerf de la guerre
Toute la sécurité mise en place afin de protéger la faune de Thula Thula est bien sûr extrêmement onéreuse. Elle est financée par les revenus de l’hôtellerie, mais aussi par des dons. Et pour en obtenir, il faut communiquer.
Après avoir raconté son histoire dans un premier best-seller, Un éléphant dans ma cuisine, Françoise Malby-Anthony a publié en 2022 The elephants of Thula Thula. La version française est attendue en avril 2024 chez Albin Michel. Ce deuxième livre se veut très éducatif, en ligne avec le centre de volontariat qu’a ouvert Thula Thula. L’objectif commun est de sensibiliser le plus grand nombre aux enjeux de la préservation de la biodiversité.
« Beaucoup d’adolescents me disent avoir découvert une passion grâce à ces livres. Ces jeunes nous aident beaucoup en organisant des levées de fonds : on a toujours besoin d’argent dans le secteur de la conservation ! »
Un travail reconnu
L’une des rares femmes à la tête d’une réserve naturelle, la co-fondatrice de Thula Thula a vu son travail récompensé officiellement par deux fois. Déjà lauréate du prix du public du Trophée des Français de l’étranger, elle a été décorée de la médaille de Chevalier de l’Ordre national du Mérite en 2022.
« Cette distinction est une immense reconnaissance, un grand honneur et un encouragement à continuer. »
Douze ans après le décès de Lawrence, Françoise Malby-Anthony reste animée par la même passion et la même vision qu’à ses débuts, résolue à faire face à l’adversité. D’autant plus qu’une nouvelle menace se profile à l’horizon. Dans un contexte de crise de l’électricité en Afrique du Sud, les entreprises minières recherchent tous les gisements de charbon possibles. Et c’est en plein cœur de Thula Thula qu’elles souhaitent aujourd’hui venir extraire ce minerai. Le combat est entre les mains des avocats de la réserve…
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Florence CLAIR, pour Celles qui Osent.
Sources :
Interview avec Françoise Malby-Anthony
Livre autobiographique : Un éléphant dans ma cuisine, de Françoise Malby-Anthony et Katja Willemsen, éditions Trédaniel, 2019
Rencontres avec les éléphants, conférence Ideacity
En attendant notre prochain article, n'oubliez pas de suivre notre podcast sur ces Femmes qui Osent
1 Comment
Cette dame me fascine ! Elle a une vie réussie. Je l admire beaucoup et je l envie aussi
Son livre “un éléphant ds ma cuisine « me l a faite découvrir. J ai énormément aimé
Merci à elle de continuer à s occuper et protéger ts ces magnifiques animaux