Françoise Sagan est née à Carjac dans le Lot le 21 juin 1935. Dès son plus jeune âge, elle voue une passion dévorante à l’écriture. Sagan, romancière à scandale et femme aux multiples facettes, est l’auteure d’une cinquantaine d’ouvrages littéraires. Ses récits décrivent la bourgeoisie aisée, la vitesse, la nonchalance, mais aussi l’indépendance féminine qu’elle incarnera tout au long de sa vie. Ainsi, se moquant de la bien-pensance, elle fume, conduit rapidement, boit, joue au casino, s’autorise à aimer les deux sexes. Découvrez cette écrivaine sensible et turbulente dont l’œuvre se révèle d’une insolente modernité.
La passion dévorante de Françoise Sagan pour l’écriture
Enfant choyée, élève rebelle
Françoise grandit dans un milieu aisé auprès de ses parents et de ses deux aînés. Néanmoins, la cadette de la famille Quoirez, vient au monde après le décès de son frère Maurice. « Kiki », c’est ainsi que la surnomme son entourage, est une gamine facétieuse. Malgré cela, on lui passe tous ses caprices. Ainsi, sa sœur dira d’elle qu’elle était « une enfant pourrie gâtée qui a joui toute sa vie d’une totale impunité ».
Son amour précoce pour la littérature
Sa chambre d’adolescente est emplie d’ouvrages d’auteurs contemporains tels que Gide, Sartre, Camus et Prévert. Elle se laisse porter par le romantisme des écrivains classiques : Musset, Rimbaud, Balzac et Flaubert. La jeune Françoise ne supporte pas les contraintes scolaires. Pourtant, elle est déterminée et dès l’âge de 13 ans sait qu’elle vivra de sa passion : « Je vais écrire un livre, il aura beaucoup de succès et j’achèterai une Jaguar. »
La genèse d’une icône littéraire
À plusieurs reprises renvoyée d’établissements où elle suit une scolarité chaotique, l’étudiante obtient son baccalauréat de justesse. Puis, inscrite à la Sorbonne, elle pratique l’école buissonnière pour se consacrer à l’écriture de son premier roman. En 1953, à tout juste 18 ans, elle propose son manuscrit à trois maisons d’édition. Alors, son père lui demande de prendre un nom de plume, craignant que la réussite de sa fille ne perturbe la tranquillité familiale. Elle feuillette à la hâte un livre de Proust et y choisit Sagan pour pseudonyme. Accepté par Julliard, ce premier roman sort en 1954 et fait, en quelques jours, basculer le paysage littéraire français et mondial. Ses œuvres glorifient l’ennui, sur fond d’analyse psychologique. Le ton demeure léger, mais lucide, décrit la passion, la cruauté et la complexité des sentiments amoureux.
Bonjour Tristesse, histoire d’un triomphe scandaleux
Ce roman constitue le plus grand succès de Françoise Sagan. L’intrigue se déroule dans la torpeur estivale tropézienne. Cécile a 16 ans. Elle coule des jours heureux auprès de son père, jeune veuf adepte des relations passagères. C’est alors qu’une amie s’invite et vient troubler cette exquise confusion. Dans cet ouvrage, le « charmant petit monstre » comme l’a surnommée François Mauriac, dépeint avec froideur et justesse les émois de son héroïne, déchirée entre jouissance et culpabilité. Suite à la parution de Bonjour Tristesse, la jeune écrivaine dédicace son premier roman à Colette qu’elle admire. Ainsi, elle y joint une carte sur laquelle elle écrit : « À Madame Colette, en priant pour que ce livre lui fasse éprouver le centième du plaisir que m’ont donné les siens. »
Son œuvre sur petit et grand écran
Ses romans inspirent les cinéastes. Huit de ses ouvrages littéraires font l’objet d’adaptations au cinéma et à la télévision dont trois œuvres majeures.
Bonjour Tristesse. En 1958, l’adaptation au cinéma de ce premier roman quelques années après sa parution en librairie reçoit un accueil mitigé. Alors que beaucoup qualifient le film de « chef-d’œuvre d’une simplicité fascinante », il est décrié par d’autres comme étant « superficiel, sans saveur et d’une mièvrerie affligeante ».
Un certain sourire. La même année, le film tiré de son second roman publié en 1956 parait sur grand écran. Ce portrait d’un adultère entre une jeune étudiante et un homme d’âge mûr est retranscrit sur pellicule tour à tour par cinq réalisateurs. Cependant, il connaît un faible engouement à l’inverse de la liesse provoquée par le bijou littéraire de la jeune auteure.
Aimez-vous Brahms ? Cette troisième adaptation cinématographique, la plus célèbre, sort en salle en 1961 sous le titre de Goodbye again. Interprétée par Ingrid Bergman, Yves Montand et Anthony Perkins, elle évoque avec brio les péripéties d’un triangle amoureux sur fond de solitude, d’infidélité et de sacrifice.
Romancière à scandale et femme aux multiples facettes
Une vie à toute allure
Après le triomphe de Bonjour Tristesse, sa carrière est lancée. Elle côtoie l’élite intellectuelle de la Capitale, le Paris déluré, les boîtes à jazz de Saint-Germain-des-Prés. La « Chanel de la littérature » y incarne par sa discrète élégance et son air mutin l’impertinence d’esprit de la jeunesse dorée parisienne. Au même titre que Brigitte Bardot, Françoise Sagan symbolise une France insouciante et désinhibée. C’est pourquoi on la surnomme également la « Bardot des lettres ». De plus, en 1957, elle exauce son vœu d’adolescente et s’offre une Jaguar XK 120, voiture la plus en vogue à l’époque. Quelques mois plus tard, au volant d’un nouveau bolide, elle est victime d’un grave accident de la route. C’est ainsi que l’ingestion des médicaments destinés à atténuer ses souffrances marquera le début de sa dépendance aux drogues.
La naissance de la légende Sagan
Désormais promue au rang de personnalité people, elle étend les influences mondaines de la capitale à ses lieux de vacances tels que Saint-Tropez et Deauville. Alors, dans ses divers endroits de villégiature, cette joueuse invétérée écume les champs de courses et les maisons de jeux. Un soir au casino, elle gagne 80 000 francs avec lesquels elle achète le manoir du Breuil près de Honfleur. Elle y organise de somptueuses fêtes auxquelles elle invite ses nombreux amis et connaissances.
Sagan et la politique
Avec Bernard Franck, critique littéraire et ami de toujours, elle signe en 1960 le manifeste des 121, Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la Guerre d’Algérie. À 25 ans, elle dénonce à son retour de Cuba les dérives du gouvernement de Fidel Castro. Engagée politiquement à gauche et proche de François Mitterrand, elle l’accompagne à plusieurs reprises en voyage officiel à l’étranger.
Une écrivaine engagée pour le droit des femmes
Passionnée, elle exècre les clichés, les partis politiques et le militantisme en général. Dans la filiation de Marguerite Duras et Colette, Sagan revendique l’indépendance des femmes à travers ses personnages. Ainsi, elle accorde même le choix à une de ses héroïnes dans son roman la Chamade d’avorter. Sagan plaide pour l’égalité salariale à l’égard des hommes. De même, elle défend le droit pour les divorcées d’obtenir une pension alimentaire.
Éternelle Françoise Sagan
Discrète sur sa vie privée, Sagan se marie deux fois. De sa seconde union naît Denis en 1962. Plus tard, quelques femmes partageront son intimité. Loin de revendiquer sa bisexualité, elle se moque de ce que l’on pense d’elle, mais souhaite préserver son jardin secret. Malheureusement, le décès de sa compagne avec qui elle sera restée 15 ans marque le début de sa décadence. « Avec la disparition de Peggy, ce fut comme si ma mère avait été déchirée en lambeaux, que l’on eût arraché des morceaux d’elle vivante », explique son fils. Elle apparait sur les plateaux de télévision, abîmée par les excès de médicaments et d’alcool. De même, son phrasé saccadé est souvent raillé. C’est ainsi qu’également diminué par la dépendance aux drogues et lourdement endetté, le « charmant petit monstre » s’éteint en 2004.
Françoise Sagan était une femme élégante, joyeuse et malicieuse. Ainsi, tel un ultime pied de nez, elle rédige elle-même son épitaphe demandant qu’on inscrive sur sa pierre tombale : « Sa disparition, après une vie et une œuvre agréables et bâclées, ne fut un scandale que pour elle-même. » Finalement, la romancière reste présente dans le paysage culturel français. Effectivement, en 2015, la médiathèque Sagan ouvre ses portes à Paris sur une exposition de photographies consacrée à l’autrice. En 2018, son fils publie une histoire jamais éditée, Aux quatre coins du cœur. Dans sa préface, il qualifie cette œuvre posthume de « violemment saganesque » concentrant tout l’esprit, la liberté et l’humour de sa mère.
Joanne Souty pour Celles qui osent
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