Interview de Gaëlle Prudencio, Fière d’être elle-même

Blogueuse depuis 2007 dans le domaine de la mode, fondatrice de la marque Ibilola, et créatrice de #Frenchcurves qui réunit les modeuses francophones taille 42 et plus, Gaëlle Prudencio est l’une des porte-voix du mouvement body positive en France. En janvier 2021, elle publie son livre témoignage Fière d’être moi-même. Celle qui exerce un métier d’image revient pour Celles qui Osent sur son chemin vers l’acceptation de soi… 

Gaëlle Prudencio : une enfance sénégalaise

Gaëlle Prudencio naît au Sénégal puis grandit entre Thiès et Dakar. De parents d’origine béninoise, d’un grand-père tirailleur sénégalais, Gaëlle est élevée par sa mère et ses tantes, au sein d’un clan féminin très soudé. Elle vit une enfance heureuse, mais âgée d’à peine 12 ans, elle perd tragiquement sa sœur de 18 ans. Le deuil prendra du temps… 

Elle intègre le collège et le lycée français privé de Dakar, où elle doit faire face aux moqueries ; Gaëlle subit la grossophobie et le harcèlement scolaire. 

Mon entourage m’a souvent dit « Gaëlle, maigris ». 

Très tôt, elle entend « quand elle voudra plaire aux garçons, elle perdra du poids .» 

se former à la rédaction web

Gaëlle souffre surtout du manque de représentation féminine ronde à la télévision. « Contrairement aux idées reçues, en Afrique aussi, la minceur prévaut. Les jeunes femmes doivent être minces pour être belles. De plus, la dépigmentation de la peau pour atteindre la blancheur est un fléau.» 

Baccalauréat littéraire en poche, Gaëlle entame des études de droit à la faculté de Douai, dans le nord de la France. « Je voulais devenir juge pour enfants, mais j’ai vite réalisé que je n’étais pas faite pour cela. J’ai persévéré pour ne pas faire de peine à ma mère, mais j’aurais préféré étudier la communication. »

S’accepter quand on n’entre pas dans les normes de la société

Vive les rondes

En 2003, Gaëlle se donne pour objectif « d’être mince à 20 ans ». Elle tente alors un énième régime : Weight Watchers : “hyper assidue aux réunions, je deviens obsédée par les points. Star du programme, je perds 40 kilos en 5 mois… ce qui est extrêmement dangereux !” 

Après avoir atteint son but, celui de passer sous la barre des 100 kg, elle réalise qu’elle a perdu beaucoup de poids, mais elle ne se sent pas bien dans son corps. « Cela n’a rien changé à ma vie ! » Le chiffre sur la balance remonte, inexorablement, jusqu’au déclic : « et si j’apprenais à mieux me connaître et vivre avec ses kilos ? » Son problème principal réside surtout dans la difficulté à s’habiller. En 2003, elle découvre le forum Vive les rondes, « un monde merveilleux où chacune livre ses bonnes adresses, partage son shoppings, poste des photos, fait du troc, etc. Grâce à ces filles, j’ai compris que l’on pouvait être grosse et belle à la fois ! » Enthousiaste, elle participe au vide-dressing d’une Américaine mannequin grande taille, connue sous le pseudonyme Velvet d’amour. « J’étais fascinée par cette femme magnifique, hyper à l’aise dans son corps ! Waouh, quelle beauté ! »

Du blogging à la marque Ibilola

Peu à peu, Gaëlle Prudencio documente son chemin vers l’acceptation de soi à travers son blog. « Pour moi, le vêtement doit s’adapter à la morphologie de chacun et pas l’inverse ! C’est le problème de la mode… »

Elle s’intéresse au stylisme, sans devenir fashionista addict. Elle rêve alors de lancer sa propre marque de prêt-à-porter grandes tailles. Elle la baptise Ibilola, en hommage à sa sœur. « C’est son nom Yoruba, une langue du Bénin, du Nigéria et du Togo, signifiant la naissance est une bénédiction. J’ai mis du temps à faire mon deuil. D’une certaine façon, mon blog m’a sauvé la vie. »

Sénégalaise et béninoise, Gaëlle imagine des jupes pour sa première collection grande taille qu’elle fait faire par un tailleur à Dakar. « J’ai toujours aimé le wax. Plus qu’une tendance, cela fait partie de moi. Africaines ou non, toutes les femmes peuvent en porter, sans craindre l’appropriation culturelle. Le wax va à tout le monde. D’ailleurs, à la base, c’est un tissu indonésien, arrivé en Afrique par la colonisation des Hollandais. La plupart des étoffes sont imprimées en Hollande et en Chine. » Elle shoote sa première collection de vêtements, avec l’aide de copines. « Quand je pense à la femme ibilola, j’imagine une fille avec un crop-top, sa jupe en wax et des baskets. Pourtant, je n’exclus pas la possibilité un jour de confectionner des boubous ! »

 Le 1er mars 2017, Gaëlle met en vente ses créations sur son compte Instagram. « La collection était sold-out en 15 minutes ! Quel enthousiasme ! » 

gaelle-prudencio-celles-qui-osent

L’aventure dure maintenant depuis 4 ans ! Son atelier se trouve désormais à Cotonou, et Gaëlle dessine ses modèles avec une styliste. Ibilola lui a permis de réaliser son rêve, mais aussi de renouer avec ses origines : « j’ai à cœur de faire découvrir le Bénin », en partageant des vidéos des coulisses de son business avec ses followers. 

Son livre : Fière d’être moi-même

En parallèle, Gaëlle mûrit son propre projet d’écriture de livre, mais se heurte à ses premières déceptions : certaines maisons d’édition ne semblent pas porter d’intérêt à son histoire. « On me renvoyait la désagréable impression que parce que j’étais noire et grosse, ma parole n’avait pas de valeur. » En avril 2020, les éditions Leduc lui offrent sa chance ; ils lui commandent un manuscrit réunissant son parcours personnel et un guide de l’acceptation de soi, qu’elle rédige pendant le confinement. 

 « Ici, je vous raconte ma liberté retrouvée,

celle d’être moi-même dans une société au sein de laquelle on nous

exhorte sans cesse à être quelqu’un d’autre

et à entrer dans des cases. »

Gaëlle Prudencio ose prendre la parole et défendre le féminin dans une société où les injonctions sociales sont omniprésentes et vectrices de nombreux complexes physiques « La culture des régimes est très ancrée. »  Avec son livre Fière d’être moi-même, elle retrace son histoire inspirante, de son enfance au Sénégal et en République démocratique du Congo, son arrivée en France, à son parcours de régimeuse et d’entrepreneure. Elle explique comment elle a dû affronter et surmonter le regard des autres, se réconcilier avec son corps, se l’approprier et s’affirmer.

« Le poids n’est pas seulement induit par le facteur de l’ingestion de nourriture. Il existe beaucoup de préjugés en lien avec le surpoids. » En confinement, Gaëlle Prudencio a redécouvert le goût des aliments et le plaisir de cuisiner, trop souvent liés à ses périodes de régimes restrictifs. Elle semble avoir trouvé davantage de sérénité avec elle-même. « Le body positive insiste sur l’importance de préserver sa santé mentale, vivre librement et en paix avec son corps. » Celles qui osent, soyez fières de vous-même !

 Violaine B — Celles qui Osent

En attendant notre prochain article, n'oubliez pas de suivre notre podcast sur ces Femmes qui Osent

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