Considérée comme étant « la féministe la plus connue au monde », Gloria Steinem, journaliste américaine et activiste, milite depuis près de 60 ans pour les droits des femmes. Elle est le visage du féminisme de la seconde vague (1960-70) en faveur de la lutte pour l’avortement, la contraception, et le droit à disposer de son propre corps. En 2023, la militante, qui n’a rien perdu de sa détermination, publie la traduction française de son essai Une révolution intérieure (avec une préface inédite de Mona Chollet), paru aux États-Unis en 1991, dans lequel elle explique que la quête de l’estime de soi et le militantisme peuvent se renforcer mutuellement et former un cercle vertueux. L’activiste féministe de 88 ans nous invite à une « révolution intérieure » pour continuer à militer…
Ma vie sur la route : les origines de son combat féministe
En 2019, Gloria Steinem publie Ma vie sur la route, un essai autobiographique, dans lequel elle raconte les origines de son combat féministe, et les difficultés auxquelles elle a été confrontée dans sa vie de femme et de militante. Elle née en 1934, dans l’Ohio. Son père, Léo Steinem, est un marchand d’antiquités, un métier qui oblige la famille à se déplacer très fréquemment à travers les États-Unis. Sa mère, Ruth, est victime de troubles de la personnalité et de la santé mentale, et ses parents divorcent alors que Gloria est âgée de 10 ans. Elle reste vivre avec sa mère et sa sœur, tandis que son père reprend la route. Assister, impuissante, à la maladie de sa mère, a été un élément déclencheur pour Gloria Steinem. Dans l’impossibilité de travailler à cause de la maladie, Ruth peine à subvenir aux besoins de la famille. C’est la première fois que Gloria est confrontée aux inégalités socio-économiques dont sont victimes les femmes.
L’équivalent du bac en poche, Gloria Steinem part étudier au Smith College, dans le Massachusetts, une université pour femmes. C’est dans le cadre de ses études qu’elle quitte les États-Unis pour vivre deux ans en Inde. Peu de temps avant son départ pour le sous-continent, en 1957, Gloria Steinem se fait avorter à l’âge de 22 ans, alors que l’IVG est illégale. C’est d’ailleurs au médecin qui l’a avortée qu’elle dédie Ma vie sur la route :
« Le Dr John Sharpe de Londres, qui en 1957, dix ans avant que les médecins en Angleterre ne puissent légalement pratiquer un avortement pour toute autre raison que la santé de la femme, a pris le risque considérable d’envoyer pour un avortement une Américaine de vingt-deux ans en route pour l’Inde. Sachant seulement qu’elle avait rompu ses fiançailles pour partir vers un destin inconnu, il lui dit : “Vous devez me promettre deux choses. Premièrement, vous ne direz mon nom à personne. Deuxièmement, vous ferez ce que vous voulez de votre vie”.
Militante et co-fondatrice du premier magazine féministe américain
À son retour d’Inde, Gloria Steinem débute une carrière de journaliste au magazine américain Help! puis commence à écrire pour plusieurs titres comme Esquire, Playboy, New York Magazine.
En 1972, elle co-fonde, avec d’autres féministes américaines, Ms. le premier magazine féministe américain, qui rencontre un succès immédiat. Le comité de rédaction est entièrement féminin. Le but de Ms. est simple : sensibiliser les femmes et l’opinion publique, aux questions de genre, de race, aux inégalités sociales, économiques, et politiques. La couverture du premier numéro met Wonder Woman à l’honneur, et le magazine publie régulièrement des témoignages de femmes ayant avorté, alors qu’il est encore illégal aux États-Unis. En 1976, la Une du magazine montre le visage tuméfié d’une femme battue. Ms est alors le premier titre de presse à aborder la question des violences conjugales.
En parallèle de son métier de journaliste et d’éditrice pour Ms., Gloria Steinem subit de nombreuses attaques, notamment liées à son physique. La rédaction d’Esquire la surnomme “la pin-up intellectuelle” en raison de son apparence. Mince, les cheveux longs blonds, le visage harmonieux : Gloria Steinem correspond aux canons de beauté occidentaux, ce qui lui vaut régulièrement des attaques misogynes.
Gloria Steinem, l’activiste féministe de la « révolution intérieure »
“L’estime de soi n’est pas tout, mais rien n’existe sans elle”
Féministe radicale. C’est ainsi que se définit Gloria Steinem. En 2023, l’infatigable militante, qui n’a rien perdu de sa détermination, publie la traduction française de son essai, paru aux États-Unis en 1991, Une révolution intérieure, (avec une préface inédite de Mona Chollet) dans lequel elle explique que la quête de l’estime de soi et le militantisme peuvent se renforcer mutuellement et former un cercle vertueux. Dans ce livre, elle s’emploie à démontrer comment les injustices (la misogynie, l’homophobie, le racisme, le colonialisme, l’éducation patriarcale répressive et les violences symboliques et/ou physiques…) viennent saper l’estime de soi, chez les femmes, mais aussi chez les hommes et analyse les mécanismes qui permettent la rébellion.
Fervente défenseuse des droits des femmes, la militante s’est également investie dans la vie politique américaine : en 1971, elle co-fonde le National Women’s Political Caucus, une organisation dont le but est de promouvoir la présence des femmes en politique. Lors du discours de lancement du NWPC, Gloria Steinem prononce les mots suivants :
“Il ne s’agit pas d’une simple réforme. Il s’agit véritablement d’une révolution. Le sexe et la race, parce que ce sont des différences faciles et visibles, ont été les principaux moyens d’organiser les êtres humains en groupes supérieurs et inférieurs et en main-d’œuvre bon marché dont ce système dépend encore. Nous parlons d’une société dans laquelle il n’y aura pas d’autres rôles que ceux choisis ou gagnés. Nous parlons réellement d’humanisme.”
Gloria Steinem soutient également Shirley Chisholm, première femme noire à être élue au Congrès américain, auprès de laquelle elle milite pour l’adoption de l’Equal Rights Amendment, dont le but est d’inscrire l’égalité des sexes dans la constitution américaine. À ce jour, l’ERA n’a toujours pas été adopté.
Pour aller plus loin, vous pouvez lire son interview dans Le Monde, ou l’écouter sur France Culture à propos de la nouvelle traduction de son essai Une révolution intérieure.
Victoria Lavelle pour Celles qui Osent
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