Comme le souligne une étude de 2019 réalisée par l’Ipsos, 8 femmes sur 10 ont déjà subi au cours de leur vie, des atteintes ou agressions sexuelles dans les lieux publics. Bruits de bouche, sifflements, injures sexistes, propositions indécentes, attouchements…, les femmes les endurent au quotidien. Pourtant, à la longue, ces outrages influent sur leur qualité de vie et leur état mental. Depuis une loi d’août 2018, le harcèlement de rue est enfin considéré comme une infraction et puni d’une contravention. Mais, cela ne suffit pas ! Donner la priorité à l’éducation des jeunes, sensibiliser chacun à cette forme de sexisme, agir face au harcèlement dans l’espace public : autant de clés pour lutter contre ce phénomène sociétal.
En finir avec la banalisation du sexisme de rue
Souvent, le grand public (et surtout les hommes) a tendance à minimiser les attaques sexistes : « Ce n’est pas si grave ! » ou « Elle l’a bien cherché avec sa tenue provocatrice ! ». Cependant, ces atteintes, même limitées à des regards inquisiteurs ou des bruits de bouche, entraînent des conséquences négatives sur la vie des femmes.
Le sexisme de rue entrave leur liberté de circuler dans l’espace public et d’exister. En effet, les jeunes femmes (les plus visées) vont adopter des stratégies d’évitement ou de nouveaux comportements. Par exemple, contourner un chantier par crainte de sifflements, limiter leurs sorties seules la nuit ou modifier leur tenue vestimentaire par peur de remarques dégradantes.
Subi de manière répétée, le harcèlement de rue affecte aussi la psychologie des femmes. Les victimes se sentent salies, honteuses de leur corps vu tel un objet sexuel. Certaines ressentent même de la culpabilité comme si elles avaient mal agi. Les commentaires ou gestes déplacés rendent les femmes vulnérables et engendrent chez elles la peur de l’agression ou du viol.
Mais, ces dernières années, la parole se libère. Ainsi, en juillet 2020, après un énième harcèlement de rue, Emanouela Todorova décide de créer le compte Instagram « Dis bonjour sale pute » pour partager les témoignages de femmes et d’adolescentes. Son association du même nom vient d’organiser en octobre dernier le premier festival du consentement à Strasbourg. « On veut questionner tous ces schémas problématiques avec lesquels grandissent les jeunes, pour qu’une fois adulte, on ne soit pas gêné de dire non. » explique Emanouela.
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Le harcèlement de rue : punir… mais aussi éduquer
La loi du 3 août 2018 définit l’outrage sexiste comme « le fait d’imposer à une personne un propos ou un comportement à connotation sexuelle ou sexiste, qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ». L’infraction constatée est punie d’une amende de 750 euros à 1500 euros en cas de circonstance aggravante, si la personne harcelée a moins de 15 ans par exemple.
Selon le baromètre du harcèlement de rue 2022, les verbalisations ont plus que doublé entre 2020 et 2021. Même si le nombre de signalements progresse, l’outrage en l’absence de témoin ou d’enregistrements audio/vidéo reste cependant difficile à prouver.
Le baromètre révèle aussi que les transports en commun sont des lieux propices aux violences sexistes. Les forces de l’ordre renforcent donc leurs effectifs aux heures de pointe et dans les zones ciblées à risque. Elles collaborent avec les opérateurs de transports (patrouilles en civil près des gares, exploitation de vidéoprotections, recoupement d’informations, etc.)
Un autre problème concerne l’accueil des victimes lorsqu’elles portent plainte. « Comment étiez-vous habillée au moment des faits ? », voilà le genre de réflexions encore trop souvent entendues. Pour une meilleure prise en compte des signalements, les personnels chargés de la sécurité (agents de sûreté RATP et SNCF, policiers, brigade de la plateforme « arretonslesviolences ») reçoivent une formation spécifique au harcèlement de rue.
Éduquer nos jeunes, les adultes de demain, est aussi une priorité. Les enseignants aidés des forces de l’ordre sensibilisent les collégiens et les lycéens, durant les cours d’éducation sexuelle, aux phénomènes sexistes. Ils leur apprennent à distinguer consentement et harcèlement, à réagir suivant qu’ils sont témoins ou victimes. L’association Stop harcèlement de rue veut aller plus loin : elle préconise de généraliser la culture de l’égalité filles-garçons dans tous les enseignements allant de la maternelle aux universités.
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Témoin ou victime : réagir face aux outrages sexistes
Selon l’enquête de l’Ipsos de 2019, seuls 20 % des victimes de harcèlement sexuel dans l’espace public déclaraient avoir reçu de l’aide. En outre, 86 % des témoins ne savaient pas comment réagir. Face à ce constat, le programme Stand Up voit le jour grâce à l’association de 3 organismes (l’Oréal Paris, l’ONG Right To Be et la Fondation des Femmes). La formation gratuite et délivrée en ligne s’appuie sur la méthode des 5 D :
- Distraire : aborder la personne harcelée sous un prétexte par exemple en faisant semblant de la connaître…
- Dialoguer : après coup, rassurer la victime, lui demander comment vous pouvez l’aider.
- Déléguer : s’adresser à une autorité pour vous prêter main-forte (chauffeurs de bus, commerçants…).
- Documenter : filmer discrètement la scène pour apporter une preuve au cas où la cible voudrait porter plainte par la suite.
- Diriger : sans se mettre en danger, demander au harceleur d’arrêter et tenter de régler la situation calmement.
Les victimes aussi se sentent démunies face à une atteinte sexiste, ce qui provoque une forme d’impunité chez l’agresseur. Pour se défendre, la formation Stand Up les encourage à mettre en pratique l’une des 3 actions précitées : déléguer, documenter ou diriger.
Pour rassurer les femmes, plusieurs applications ont vu le jour, basées en général sur un système de géolocalisation. Elles permettent d’appeler des protecteurs, de trouver des endroits sécurisés ou d’organiser du copiétonnage. Sur le même principe, un nombre croissant de villes recensent des lieux sûrs (bars, restaurants, commerces…) identifiés par un sticker « Demandez Angela » sur leur devanture.
Régulièrement aussi, des campagnes de lutte contre les agressions dans les transports rappellent aux usagers les bons réflexes à avoir et les moyens d’alerte à leur disposition dans les gares et stations franciliennes.
Le harcèlement de rue touche aujourd’hui encore des milliers de femmes en France. La loi vient punir ce type d’infractions. Mais, mettre fin au sexisme de rue passe surtout par l’éducation de nos jeunes, l’éveil des consciences et la nécessité pour tous de réagir face aux propos et agissements à caractère sexuel. Ne baissons plus les yeux ! Pour permettre un jour, à nos femmes, épouses, mères et filles de circuler sans aucune contrainte dans l’espace public.
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Maïté Sorhouet, pour Celles qui Osent
Sources :
https://www.standup-international.com/fr/fr/our-training/bystander
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1 Comment
[…] sur son apparence, on finit par se juger. Et, s’il y a une prise de conscience concernant le harcèlement de rue, les comportements sexistes vis-à-vis du physique féminin dépassent bien cette […]