Connaissez-vous Marianne Cohn, Hannah Szenes, et Mila Racine ? La première est allemande, la seconde hongroise, et la troisième française. Toutes les trois étaient de confession juive et résistantes. Ces héroïnes de l’ombre ont combattu la barbarie nazie durant la Seconde guerre mondiale, et semblent avoir été oubliées des livres d’histoire, comme beaucoup d’autres femmes résistantes. Celles qui Osent réalise leur portrait, pour leur rendre hommage.
Marianne Cohn, résistante courageuse et poète
Marianne Cohn naît en 1922, onze ans avant l’accession d’Hitler au pouvoir, à Mannheim, une ville industrielle du sud-ouest de l’Allemagne. Ses parents sont issus de l’intelligentsia allemande et la famille déménage à Berlin alors que Marianne est âgée de 6 ans. Son père, anciennement étudiant en histoire de l’art, est contraint d’arrêter ses études pour subvenir aux besoins familiaux et devient commis de commerce, avant de devenir directeur, puis co-propriétaire, d’une fonderie. Sa mère est économiste, et travaille avec des enfants placés en familles d’accueil à Berlin ; une fibre sociale dont héritera Marianne.
Bien que non-pratiquante, la famille Cohn est juive, et Alfred, le paternel, craint pour les siens dès l’arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir. En 1934, les Cohn parviennent à quitter l’Allemagne pour Barcelone, où ses parents s’engagent dans une association destinée à venir en aide aux réfugiés juifs. Mais en 1936 éclate la guerre civile espagnole. Le pays n’est plus un lieu sûr, et Marianne et sa soeur sont envoyées chez un oncle à Paris, où elles sont scolarisées.
En 1941, Marianne intègre le Mouvement de jeunesse sioniste, dont le but est de diffuser et promouvoir la culture juive parmi les membres cachés de la communauté. Un an plus tôt, le 10 juillet 1940, le gouvernement de Vichy, dirigé par le maréchal Pétain, à qui les pleins pouvoirs sont octroyés, mettait fin à la Troisième République. Les premières résistances commencent à se mettre en place dès juin 1940, à l’annonce de la défaite.
Marianne, de son côté, poursuit son engagement résistant, et cache des centaines d’enfants juifs, menacés de déportation. Elle est arrêtée et incarcérée une première fois en 1943, période pendant laquelle elle écrit son poème le plus connu : « Je trahirai demain, pas aujourd’hui ». Le 31 mai 1944, Marianne Cohn est à nouveau arrêtée près de la frontière suisse alors qu’elle conduisait une trentaine d’enfants juifs à des passeurs, dans le but de leur faire quitter la France. Son réseau propose de la faire libérer de prison, mais la résistante refuse, par crainte de représailles sur les enfants, qui seront tous sauvés. Marianne Cohn meurt un mois plus tard, sous les coups d’officiers de la Gestapo.
Hannah Szenes, résistante et combattante
Hannah Szenes naît à Budapest en 1921, un an avant Marianne Cohn, dans une famille d’intellectuels hongrois. Dans le cadre de la magyarisation, une politique d’assimilation culturelle et linguistique lancée par le royaume d’Autriche-Hongrie à destination des peuples non-hongrois, la famille Szenes, dont le vrai nom est en réalité Schlesinger, est encouragée à cacher sa judaïté. Mais à l’adolescence, Hannah réalise la fragilité de la culture juive et décide de renouer avec ses racines. Elle apprend l’hébreu, et se porte candidate à l’émigration en Palestine, alors sous mandat britannique, qui aboutira, en 1948, à la création de l’État d’Israël.
Elle quitte la Hongrie en 1939 et part étudier l’agriculture en Palestine, où elle vit dans un kibboutz. En 1941, Hannah Szenes abandonne sa vie rurale et s’engage dans l’armée britannique pour résister contre les nazis en Europe. Elle est entraînée en tant que parachutiste en Égypte pour le Special Operations Executive (SOE), un organe de résistance britannique.
Hannah Szenes est parachutée en Yougoslavie en 1944 dans le cadre de l’opération « Infiltration », « Hadira » en hébreu, où une quarantaine de Juifs issus de Palestine sont envoyés en Europe pour récolter des renseignements sur le régime nazi. Une fois arrivés en Yougoslavie, Hannah et deux de ses compagnons résistants apprennent que la Hongrie voisine est contrôlée par les nazis. Les deux hommes décident alors de renoncer à leur mission, qu’ils jugent trop dangereuse. Mais Hannah, elle, continue. Elle se fait arrêter à la frontière hongroise, où les gendarmes dénichent son émetteur radio qui lui permet de communiquer avec les autres résistants du SOE. Malgré la torture, Hannah ne donnera pas le code de son émetteur, ni ne partagera la position de ses camarades. Elle meurt exécutée à 23 ans, à Budapest.
Les cendres d’Hannah Szenes ont été amenées en Israël à la fin de la guerre, et son journal intime, qu’elle a tenu jusqu’au dernier jour, a été publié.
Mila Racine, résistante et assistante sociale
Les destins des résistantes Marianne Cohn et de Mila Racine sont étroitement liés, puisque c’est Marianne qui prend la suite de Mila dans les convois d’enfants juifs à destination de la Suisse. Miriam Hirsch, de son vrai nom, naît à Moscou en 1919. Ses parents, issus de la bourgeoise juive et russe, fuient la Russie pour Paris à l’arrivée des soviétiques. La famille, très pratiquante, s’intègre à Paris et francise le patronyme, qui devient Racine. Mais en juin 1940, les Racine fuient leur domicile parisien, où ils résident depuis vingt ans, à l’annonce de l’invasion de la France et de la Belgique par les nazis. Ils se rendent en zone libre et s’installent à Toulouse. Membre de la Women International Zionist Organisation (WIZO) depuis son adolescence, la jeune résistante en devenir débute une activité de marché noir visant à ravitailler les camps d’internement français.
À l’été 1942, Vichy décide de déporter les enfants et adultes juifs en Allemagne. Deux passages s’ouvrent alors pour les candidats à l’exil : les Pyrénées, pour aller en Espagne, et les Alpes, pour aller en Suisse. Mila, munie de faux papiers, fait ainsi passer des vingtaines d’enfants en Suisse trois fois par semaines, alors que la zone est sous surveillance italienne. Mais en octobre 1943, le convoi qu’elle dirige est ralenti par un couple de retraités, et est découvert par les patrouilles allemandes. Mila est envoyée en prison, et écrit, sur les murs de sa cellule : « Gardez, avec l’espérance, toujours, le souvenir ».
En janvier 1944, Mila Racine est déportée au camp de Ravensbrück où elle croisera d’autres grandes résistantes comme Germaine Tillion. Elle meurt en 1945, à quelques semaines de la libération du camp, dans un bombardement britannique.
Grâce aux organisations juives, près de 2 000 enfants ont été sauvés entre 1943 et 1944 en passant par la Suisse.
La part des femmes résistantes au sein des réseaux était très importante, atteignant les 40% dans certains d’entre eux. Les rôles des femmes sont variés, et les résistantes ne sont pas seulement à assurer des tâches considérées comme « féminines » (par exemple : secrétaire d’organisation). Certaines d’entre elles trafiquent les chemins de fer, transportent les armes, ou partent au combat.
Cet article vous a plu ? Vous pouvez découvrir notre portrait de Beate Klarsfeld, résistante contre les nazis, sur notre site !
Victoria Lavelle, pour Celles qui Osent
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