En 1817, le baron allemand Karl Drais invente la draisienne, l’ancêtre de la bicyclette. Les différents prototypes de vélocipèdes se multiplient alors, tout au long du XIXe, puis du XXe siècle, devenant alors des engins de transport plus légers, malléables et ergonomiques. Mais malgré l’expansion et la popularité croissante du vélo, les femmes en demeurent privées. Que ces dernières grimpent sur une bicyclette, les jambes écartées, paraît alors…inconcevable ! Difficile à imaginer aujourd’hui, mais nos ancêtres se sont battues pour… obtenir le droit de pédaler. Celles qui Osent revient brièvement sur l’histoire féminine de la bicyclette, symbole d’émancipation féminine.
Les femmes à vélo : la crainte d’une décadence
L’appropriation du vélo par les femmes a suscité bien des controverses ! Il faudra attendre la fin du XIXe siècle, près de 80 ans après l’invention du premier prototype, pour que les femmes aient le droit de circuler à bicyclette.
En 1894, l’aventurière américaine Annie Londonderry est la première femme à faire un tour du monde en bicyclette : la nouvelle fait le tour de la presse internationale. En France, le journal Le Progrès illustré décrit Annie Londonderry comme « appartenant au genre neutre » et au « troisième sexe ». Dans son livre L’hygiène du vélocipédiste, le docteur Tissier, un médecin connu pour son engagement en faveur du développement de l’éducation physique en France, écrit :
« Quel désordre cette machine provoque sur ses organes génitaux! […] La reproduction sera gravement compromise […] Qu’elle abandonne donc le vélocipède au sexe fort, et si elle veut absolument se placer sur une machine, que ce soit comme un objet d’art délicat et précieux que le moindre choc puisse briser. »
Plusieurs médecins craignent que la pratique du vélo détériore la fertilité des femmes, et les convertisse… à la masturbation.
En 1900, le Docteur O’Followel, dans son ouvrage intitulé Bicyclettes et organes génitaux, représente bien les doubles standards de l’époque, hésitant entre moralité conservatrice et politique hygiéniste de santé publique :
« L’entraînement des muscles vaut mieux que la chaleur et le bavardage. On semble l’avoir compris dans notre pays, car derrière la France militaire semble vouloir dessiner une France athlète. Cela, c’est l’œuvre de vie. »
La bicyclette, symbole d’émancipation féminine
Le vélo devient rapidement un symbole de modernité que les femmes cherchent à s’approprier. Grâce à l’avènement de la bicyclette, elles gagnent le droit à l’autonomie et la mobilité, ne dépendant plus d’un homme pour leurs déplacements. Par exemple, dans la série sur Lidia Poët disponible sur Netflix, la première femme avocate d’Italie se déplace en bicyclette pour échapper à l’autorité de son frère.
Le vélo est aussi un vecteur d’émancipation vestimentaire pour les femmes. Étriqués dans des corsets qui leur coupent la respiration, jambes empêtrées dans de longues jupes, les habits des femmes entravent considérablement leurs mouvements. Au début des années 1850, la féministe américaine Amélia Bloomer ose créer un costume féminin dédié au sport, doté d’une jupe courte atteignant les genoux, sous laquelle était portée une large culotte bouffante.
En 1892, une circulaire émise par le ministère de l’Intérieur français indique que « le port des vêtements masculins par les femmes n’est toléré qu’aux fins de sport vélocipédique ». Ainsi, en cas d’activités sportives, les femmes sont en droit de porter des pantalons.
Courses féminines de vélo et exploits sportifs à bicyclette
La démocratisation de la bicyclette fait naître des envies de libération féminine, des vocations de voyageuses, et aussi l’émergence d’une nouvelle génération de sportives. Les courses de vélo réservées aux femmes se multiplient après la création, en 1898, de la première course féminine au parc Bordelais, à Bordeaux, à peine cinq ans avant le premier tour de France. Quant aux fabricants de bicyclettes, ils commercialisent peu à peu des modèles adaptés aux femmes, pour éviter, par exemple, que l’étoffe de la jupe, dans le cas où la cycliste en porterait une, ne se prenne dans les rayons.
Au fil des décennies, les épopées féminines à vélo se multiplient. En 1908, Marie Marvingt est la première femme à faire le tour de France, auquel elle a participé clandestinement, contre l’avis des organisateurs. Dans les années 1930, l’aventurière Lily Sergueiew effectue le voyage entre Paris et Varsovie en vélo. Quelques années plus tard, elle entreprend, à nouveau sur sa bicyclette, un périple jusqu’au Vietnam, une performance qui sera interrompue en Syrie par la Seconde Guerre mondiale. Son livre intitulé Routes, risques, rencontres – Paris – Alep, 6000 kilomètres à bicyclette, narre d’ailleurs cette incroyable aventure…
Victoria Lavelle pour Celles qui Osent
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1 Comment
C’est à partir d’un rêve sur la bicyclette en cherchant quel en était le symbolisme que je suis tombé sur votre site extrêmement intéressant le féminisme était alors d’un dynamisme rayonnant et positif.
Merci