Celles qui Osent… ne pas faire d’enfant !

« Je n’ai pas envie d’avoir un bébé, de fonder une famille, de devenir maman. Non, je ne rêve pas d’être mère. » Combien de fois pensez-vous avoir entendu ces propos autour de vous ? Pour beaucoup d’entre nous, la maternité semble une évidence. Cependant, 5 % des femmes la refusent. Le sujet semble tabou et même la révolution féministe le tient à l’écart. Pourtant, la natalité française a chuté ces dernières années. Avec 740 000 bébés nés en 2020, le nombre de naissances en France a atteint son niveau le plus bas depuis 1945. Pourquoi certains font-ils le choix de devenir childfree ? À travers le témoignage de Bettina Zourli, créatrice du compte Instagram @jeneveuxpasdenfant, Celles qui Osent vous détaille les raisons d’une tendance controversée, peu médiatisée.

Je ne veux pas d’enfant : devenir childfree 

En France, on estime que les personnes childfree (tous sexes confondus) représentent à peine 4 % de la population. Plus de 9 % des couples en France n’auront pas d’enfants, mais ce chiffre absorbe également ceux ne pouvant pas en avoir. 

Le mouvement childfree, no kid ou encore en français « sans enfant par choix » a pris racine aux États-Unis dans les années 1970. C’est dans un article du magazine Time que le terme a été employé pour la première fois : le mouvement a depuis atteint l’Europe et est principalement visible dans les pays du Nord dits développés. En France, il existe désormais une Union des childfree francophones, créée en 2014.

 Pourquoi devient-on childfree ? Les raisons sont diverses : 

  • désir de ne pas être parent ;
  • préoccupations écologiques ; 
  • pessimisme face à l’espèce humaine ;
  • volonté de ne pas reproduire la norme sociale ou familiale ;
  • féminisme. 

Témoignage de Bettina Zourli @jeneveuxpasdenfant

« La non-parentalité n’est pas l’expression d’une névrose ou d’une immaturité ; au contraire, il s’agit d’une décision complexe dont les avantages sont censés dépasser le coût de la non-conformité sociale. » Campbell E 

se former à la rédaction web

Après son mariage et à l’approche de la trentaine, Bettina Zourli commence à ressentir la pression d’être mère, de fonder un foyer, de créer un « mini-soi ». « Je n’ai jamais imaginé ma vie avec des enfants, car mon tempérament qui a la bougeotte, mes aspirations personnelles et professionnelles ne sont tout simplement pas compatibles avec la maternité. » Elle prend conscience que son choix est mal vu. 

« Je refuse d’être productive. Nous vivons dans une société nataliste où l’on encense la maternité alors que paradoxalement le travail des femmes au foyer est dénigré. Le job de “maman” équivaut à 2,5 emplois à temps plein, soit environ 98 heures de travail par semaine ! » 

Avec son blog, son podcast et ses diverses interventions médiatiques autour des injonctions à la parentalité, Bettina Zourli devient en quelques années une figure du mouvement Childfree. Son compte instagram, comptabilisant 22,7 K abonnés, recueille de nombreux témoignages et met en lumière des idées reçues. 

Voici un florilège des réactions, parfois très violentes, qu’elle a pu entendre : 

On n’est pas vraiment femme avant d’être mère. 

À mon avis, tu loupes le plus grand bonheur de ta vie.

Mais du coup, c’est quoi ton but dans la vie si tu ne veux pas d’enfants ?

Tu n’as que 30 ans, tu vas changer d’avis. C’est parce que tu n’as pas trouvé la bonne personne…

Tu sais, un enfant, c’est bien, ça casse la routine.

Tu n’as pas peur de finir seule ? 

C’est égoïste, qui va payer nos retraites ? 

Tu es immature, il faut que tu consultes. 

Tu ne veux pas d’enfant : es-tu féministe ? Lesbienne ? 

À travers son essai Childfree, je ne veux pas d’enfants, publié en 2019, Bettina Zourli tente de banaliser son choix, trop souvent mal perçu. « Enfanter n’est pas un acte anodin, et franchir le cap n’est pas un devoir. La grande majorité de la population ne prend pas conscience qu’elle souhaite faire comme les autres, mais cette envie de rentrer dans le moule, d’appartenir à un groupe passe pour beaucoup d’entre nous avant nos aspirations personnelles. C’est cela que je réfute. » Pour elle, il est important que la société en général se rende compte que la maternité n’est pas une obligation ni un impondérable de la vie d’un être humain. « Je suis persuadée que l’on peut vivre sans jamais souhaiter d’enfants, sans jamais en ressentir ni le besoin ni l’envie viscérale. »bettina-zourli-celles-qui-osent-CQO

« Il faut dire aux enfants qu’ils sont des individus à part entière et qu’ils n’ont pas besoin d’une autre personne pour se réaliser dans leur vie. » France Ortelli. 

La maternité, une option possible

Décider de ne pas être mère

« Vivre sans enfant, quoi qu’on en dise, c’est quand même la belle vie ! » 

Bettina Zourli a toujours su qu’elle ne voudrait pas être mère, « et je ne pensais pas que les autres avaient leur mot à dire. » Elle déplore que beaucoup d’hommes et de femmes s’évertuent à reproduire un modèle familial normal, pour être dans la norme. 

« La maternité devrait pour elle être une option et non une preuve de féminité. » 

Dans son livre Lâchez-nous l’utérus, Fiona Schmidt s’interroge sur le fait que son choix de ne pas vouloir d’enfant pose un problème à tout le monde. « Même 50 ans après la légalisation de la pilule et de l’avortement en France, être une femme, c’est être une mère. Pourtant, il ne suffit pas de l’être pour qu’on vous fiche une paix très relative — oh non… Encore faut-il être une « bonne » mère, selon des normes procréatives et éducatives davantage nombreuses, rigides et contradictoires. Résultat : la plupart des mères, celles qu’on ne voit pas à la télé ni sur Instagram, sont de plus en plus épuisées tout en se sentant de moins en moins légitimes (capables ?). » 

« Le destin d’une femme ne se résume pas à celui de devenir mère. » 

Maîtresse de conférences en littérature générale et comparée à l’Université Clermont Auvergne, Chloé Chaudet a écrit un ouvrage sur ce sujet, J’ai décidé de ne pas être mère. Elle confie les raisons de son choix, décrit sa fragilité face aux réactions qu’il suscite et tente de comprendre ces diktats inconscients qui nous habitent. 

« Comme des centaines de milliers de femmes indociles, j’ai pris une décision qui demeure inacceptable : vivre comme bon me semble. » 

Ne plus faire d’enfants pour protéger la planète

Si ce choix reste personnel, certains souhaitent le revendiquer et militer pour l’adhésion de ce mode de vie au plus grand nombre.  

« A-t-on besoin de procréer pour perpétuer l’espèce, alors que chaque jour, on dénombre 220 000 nouveaux êtres humains sur terre ? »

Le Voluntary Human Extinction Movement, né en 1991 d’une activiste childfree américaine, prône par exemple l’arrêt de la reproduction des êtres humains dans le but principal de protéger la planète. En effet, la progression trop rapide du nombre d’individus sur terre accentue les dérèglements climatiques et pourrait causer la disparition de notre espèce. 

Regretter d’être mère

Les mères l’ont-elles vraiment voulu ?

Un enfant est un bouleversement majeur dans la vie d’une femme et d’un couple. La relation amoureuse peut être totalement remise en question et l’arrivée d’un bébé au sein d’un foyer augmente parfois les inégalités homme-femme. Même si les mœurs évoluent, la femme est responsable des trois-quarts des tâches, si bien que certaines préfèrent réfléchir. 

Quelques mères l’admettent ouvertement : elles regrettent d’avoir fait un enfant. « Je n’étais pas faite pour cela. La liberté que j’ai abandonnée me coûte très cher. J’aime mon enfant, mais j’ai la désagréable impression que ma vie file et ce n’est pas la mienne. »  

L’amour maternel existe-t-il vraiment ? 

Pour l’anthropologue Françoise Héritier, c’est une construction mentale et sociale. « Nous avons tendance à confondre la volonté et l’instinct, car l’homme est doté d’une conscience, contrairement à l’animal. La relation si spécifique qui se développe entre une mère et son enfant, que l’on appelle l’instinct maternel, est en fait la volonté de se reproduire mêlée à la responsabilité de protéger l’être que l’on vient de faire naître. »  

La stérilisation définitive

Beaucoup de femmes vivent extrêmement mal leur stérilité. 

Bettina Zourli le conçoit, « mais ce n’est pas parce que j’ai la chance d’être fertile que je dois obligatoirement me servir de mes ovules en bonne santé. » Certains childree souhaitent avoir recours à la stérilisation définitive. « C’est le choix de plus de 50 000 femmes qui se font stériliser en France chaque année. Pourtant, cette intervention peut s’avérer être un long et fatiguant combat. “Peu de médecins ou de gynécologues acceptent ces opérations ne présentant pas forcément de dangers majeurs.” Le corps médical demeure souvent hostile vis-à-vis de ces choix, encore marginaux. 

 

Ils.elles vécurent heureux.ses et n’eurent pas d’enfants. 

Les childfree décident de faire la part des choses entre leurs aspirations personnelles et celles que la société attend d’eux. Certaines femmes embrassent la vie de mère comme étant un choix, un besoin, une envie, un désir d’assurer une descendance ou de donner un sens à leur vie. La volonté de ne pas devenir mère ne peut être réduite à un simple manque de maturité, à une mode ou à une revendication passagère. Celles qui osent, on adopte le mantra “moins d’injonctions, plus de self-love” ?  

Violaine B — Celles qui Osent

* Retrouvez Bettina Zourli dans son dernier livre, Sang honte, abordant le tabou des règles. Elle y évoque aussi les dangers sanitaires, en dénonçant notamment les composants des tampons et serviettes classiques qui accroissent le risque de syndrome du choc toxique. 

En attendant notre prochain article, n'oubliez pas de suivre notre podcast sur ces Femmes qui Osent

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