Joan Beauchamp Procter était une scientifique atypique qui vouait une passion sans bornes aux reptiles et aux amphibiens ! Ce docteur des dragons et autres serpents fut une zoologiste, herpétologue et artiste britannique internationalement reconnue dans les années 1920. Célèbre pour son travail de classification des reptiles, ses recherches sur le dragon de Komodo en captivité et ses innovations médicales pour les animaux en captivité, Joan Beauchamp Procter a consacré sa vie aux reptiles. Atteinte d’une maladie chronique et sans aucun diplôme, elle est pourtant devenue la première femme nommée conservatrice de la division des reptiles au zoo de Londres ! Comment a-t-elle réussi cette incroyable prouesse, à une époque où les femmes n’étaient pas encouragées à investir le domaine des sciences ?
Joan Beauchamp Procter, une petite fille passionnée par les reptiles
Joan naît le 5 août 1897 à Londres, d’un père agent de change et d’une mère artiste. La famille vit dans une grande maison entourée de magnifiques jardins où la jeune Joan passe le plus clair de son temps à observer la nature avec sa sœur et son grand-père botaniste et géologue amateur. Cet univers artistique et scientifique va largement influencer sa vie.
En grandissant, elle développe un intérêt particulier pour les reptiles et les amphibiens. Quand les enfants de son âge demandent à leurs parents un animal de compagnie, c’est d’un chat ou d’un chien qu’ils parlent. À 10 ans, Joan, elle, rêve de serpents et de lézards. Elle en possède déjà plusieurs d’ailleurs. Un grand lézard des murailles dalmates l’accompagne partout où elle va et se tient même à ses côtés pendant les repas. À 16 ans, elle se procure un jeune crocodile qu’elle emporte à l’école pour lui tenir compagnie !
Cette passion pour les sauriens et autres animaux à sang froid permet à Joan de développer des connaissances pointues sur les espèces de reptiles britanniques. Très bonne élève, elle souhaite étudier à l’université de Cambridge, mais doit malheureusement abandonner cette idée car sa santé est fragile. Passionnée de zoologie, elle décide malgré tout de continuer à l’étudier par elle-même.
Assistante-bénévole au Muséum d’histoire naturelle de Londres
Apprentissage sur le terrain
Joan entretient une correspondance avec George Boulenger, naturaliste au département de zoologie du Muséum d’histoire naturelle de Londres. Très impressionné par ses connaissances, il lui propose une collaboration. En 1916, elle devient son assistante à titre bénévole et peut enfin pratiquer la zoologie malgré son manque de diplôme. Elle apprend beaucoup au contact de son mentor.
À 19 ans, elle présente sa première publication scientifique : une étude des variations d’espèces de crotales d’Amérique Centrale et du Sud, les vipères Pit. Ce travail lui permet d’être élue membre de la Société de zoologie de Londres, en août 1917. Lorsque George Boulanger part à la retraite en 1920, Joan prend son poste au Muséum d’histoire naturelle.
« Quand le conservateur prend sa retraite, Joan lui succède. Au retour de la guerre, les hommes sont surpris de trouver une femme aux plus hautes fonctions, mais les temps changent et Joan ouvre la voie. », Patricia Valdez, biologiste américaine et autrice de l’album jeunesse Joan Procter, la femme qui aimait les reptiles
Premières publications scientifiques
De 1917 à 1923, Joan conduit des recherches et écrit une série de publications scientifiques sur l’anatomie, la classification et les habitudes des reptiles et des amphibiens. Son étude d’une tortue terrestre d’Afrique de l’Est, la Malacochersus tornieri, capable de se cacher dans des crevasses rocheuses grâce à sa carapace flexible, est très remarquée.
En 1923, elle découvre également une nouvelle espèce de reptile, le lézard dragon de la péninsule ou Ctenophorus Fionni, une espèce endémique d’Australie, dont elle fait la description dans sa publication On new and rare reptiles and batrachians from the Australian region.
Joan est aussi très douée en modelage et en dessin. Au Muséum, elle crée des reproductions pour des vitrines d’exposition et des séries de cartes postales peintes de reptiles. Elle met sa sensibilité artistique au service de la science. Son travail en taxinomie, c’est-à-dire la science de la classification du vivant, lui permet de devenir membre de la Société linnéenne de Londres (nommée en référence au naturaliste suédois Carl von Linné et dédiée à la taxinomie) et de la Société d’histoire naturelle de Bombay.
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1re femme conservatrice du département reptiles au zoo de Londres
Reptile House, un vivarium révolutionnaire
Mais Joan s’ennuie un peu au Muséum d’histoire naturelle. En 1924, elle commence à travailler avec le fils de George Boulanger, Edward, herpétologue et conservateur au zoo de Londres. Elle conçoit les plans des nouveaux aquariums et quelques mois plus tard, elle succède à Edward Boulanger.
C’est la première fois qu’une femme est nommée au poste de conservatrice du département reptiles et des amphibiens ! Quelle consécration !
Joan met bientôt en pratique ses connaissances des reptiles et ses talents de designer pour un nouveau projet : Reptile House, un grand vivarium. C’est un bâtiment révolutionnaire pour l’époque. En effet, les reptiles ont besoin des ultraviolets pour synthétiser la vitamine D. L’utilisation des vitres de type Vita-glass permet à la lumière naturelle d’arriver jusqu’aux animaux.
Joan pense à tout : elle innove aussi en mettant en place un sens de circulation des visiteurs, le chauffage électrique différentiel des enclos et le principe d’éclairage des aquariums. Ces nouveautés sont très vite adoptées dans tous les bâtiments du zoo.
Joan est une véritable pionnière : jamais un bâtiment n’avait été conçu de cette manière. Il est toujours utilisé de nos jours.
Sumbawa, le dragon de Komodo apprivoisé
Lors de l’inauguration du vivarium en 1927, deux dragons de Komodo sont présentés au public. Une première en Europe ! Ce sont de grands sauriens de la famille des lézards, endémiques de l’île de Komodo en Indonésie. Joan tisse un lien extraordinaire avec ces animaux réputés très dangereux, et devient la première personne à étudier et décrire leur comportement en captivité. L’un d’entre eux, Sumbawa, devient même son compagnon de jeu et la suit partout dans le zoo.
Joan manipule quotidiennement des reptiles tels que d’énormes pythons, des crocodiles et des dragons de Komodo. Grâce à cette proximité, elle est capable de détecter, d’identifier et de soigner leurs maladies. En travaillant en étroite collaboration avec le pathologiste de la Société de zoologie, elle devient une spécialiste renommée dans le traitement des animaux malades. Elle élabore des procédures vétérinaires inédites en utilisant des équipements spéciaux, qu’elle a elle-même inventés !
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Joan Procter et la maladie
Douleurs chroniques et mort précoce
En 1928, après 5 ans passés au zoo de Londres, Joan décide de démissionner de son poste. Malgré plusieurs interventions chirurgicales, ses douleurs constantes ne disparaissent pas et rendent son travail difficile. Le président de la Société de zoologie refuse sa démission : c’est dire la confiance et l’estime qu’il porte à Joan et à son travail !
Il l’envoie se reposer à Whipsnade, afin qu’elle y développe un nouveau parc zoologique.
Bien que très malade, Joan continue à travailler par intermittence au zoo de Londres, se déplaçant en chaise roulante motorisée. Elle peint des aquarelles et prépare des articles pour le Manchester Guardian. Elle meurt prématurément chez elle le 20 septembre 1931, à seulement 34 ans.
Joan Beauchamp Procter, Docteur en Sciences
Malgré sa courte vie, Joan a écrit un grand nombre de livres et de publications scientifiques. Elle a également participé en tant qu’auteur à l’encyclopédie d’histoire naturelle Les Merveilles de la Vie Animale de J.A Hammerton. Deux espèces de reptiles ont même été nommées en son honneur : le serpent de forêt Uluguru, Buhoma Procterae, et une tortue terrestre, la tortue à carapace molle carénée, Testudo Procterae.
Première femme conservatrice de la division reptiles au zoo de Londres, l’image inhabituelle pour l’époque d’une jeune femme responsable d’animaux exotiques dangereux l’a rendue célèbre dans la presse anglaise et américaine.
Le 28 mars 1931, quelques mois avant sa mort, l’université de Chicago la récompense en lui attribuant le titre honorifique de Docteur en Sciences. C’est une reconnaissance internationale méritée pour l’herpétologue, mais aussi un accomplissement pour Joan, la brillante élève obligée d’abandonner ses rêves de diplôme à cause de la maladie.
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Émilie MOULIES pour Celles qui osent
Sources :
Happy Birthday, Joan Procter! | Zoological Society of London
Histoires du soir pour filles rebelles – Francesca Cavallo et Elena Favilli
TAXONOMIE : Définition de TAXONOMIE
Checklist of the reptilia recorded from the British territories in East Africa
About Joan Beauchamp Procter: British zoologist (1897 – 1931) | Biography, Facts, Career, Wiki, Life
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