À seulement 31 ans, Juliane Santoni est fondatrice de son propre programme d’accompagnement entrepreneurial intitulé Entrepreneurial Mindset Evolution Mentorship et chercheuse en Sciences de Gestion. Elle accompagne avec passion les entrepreneurs.e.s depuis plusieurs années, les aide à évoluer dans le changement, débloque leur mental et leurs relations aux autres. Ainsi, ils ou elles restent en mouvement et peuvent se concentrer sur leur création ou le développement de leur entreprise. Son approche mêle à la fois ses années d’expérience en accompagnement entrepreneurial en France et à l’étranger, ses travaux de recherche sur les entrepreneur.e.s, et sa pratique de la thérapie brève et de l’approche systémique Palo Alto.
Celles qui Osent s’est entretenu avec celle qui s’est donné pour mission d’aider les femmes à entreprendre.
Un parcours de woman in business
Diplômée d’école de commerce, elle s’intéresse tôt à la création d’entreprises et aux entrepreneurs : « L’entrepreneuriat a été un fil rouge tout au long de mon parcours ». Après une spécialisation en entrepreneuriat, elle part vivre aux États-Unis où elle suit des cours à nouveau entrepreneuriat, en gestion de projet, mais aussi sur l’histoire des États-Unis et les women studies, « des cours qui retracent l’histoire et la place des femmes dans la société, en politique, dans les médias ». Elle devient notamment membre de l’American Business Women’s Association qui a pour mission de favoriser le réseautage, le développement de compétences, la sororité, l’empowerment des femmes. Elle a pu constater des différences culturelles, par exemple le rapport à l’échec : « Vivre aux États-Unis a été très apprenant par rapport à la vision de l’entrepreneuriat, et de l’échec qui est plutôt perçu comme une preuve d’expérience et du fait que l’on a osé. J’ai trouvé la réussite moins “pudique” qu’en Europe : le rapport à l’argent et à l’ambition est beaucoup moins tabou. Mais rien n’est idéal ; d’autres choses ont été plus difficiles à voir, en lien avec le système de santé et l’accès au soin, les frictions culturelles, la non-présence de minima sociaux. Des bases que nous prenons parfois pour acquises en France, et dont j’ai mesuré l’importance et la chance que j’avais d’y être née à chaque fois que j’ai voyagé ». Partir vivre à l’étranger était une évidence pour elle : « Vivre en Amérique a toujours été un rêve, je mesure ma chance d’avoir pu le faire. J’ai continué à voyager ensuite, lors des conférences internationales où je présentais mes recherches. Elles m’ont amenée aussi à passer un peu de temps en Australie, et en Afrique du Sud. On apprend beaucoup en voyageant, et ce sont à chaque fois des transformations qui ne s’oublient pas ».
De retour en France, elle accepte un poste dans les relations publiques au sein d’un grand groupe. Un an plus tard, elle est recrutée pour créer un centre entrepreneurial, et commence en parallèle une thèse de doctorat sur le thème de l’accompagnement des entrepreneur.e.s, tout en donnant des cours en école de commerce et à l’Université. Elle gère ce centre pendant 4 années durant lesquelles elle forme, accompagne, organise des événements de sensibilisation, de networking, des conférences pour développer et favoriser l’entrepreneuriat. Elle s’implique dans le Plan d’Actions Régionales en faveur de l’entrepreneuriat des femmes : « Avec différents acteurs de la création et reprise d’entreprises, ainsi que les institutions locales, nous avons construit et mené des actions de sensibilisation et d’accompagnement pour développer la création et le développement d’entreprise par les femmes sur le territoire. Je suis convaincue que l’impact est plus grand et plus positif et a plus de sens lorsqu’il est le résultat de synergies entre plusieurs organismes engagés pour le même enjeu ».
Docteure en sciences de gestion, spécialisée en Entrepreneuriat, elle réalise six années de recherche en laboratoire et sur le terrain, en France, en Australie et en Afrique du Sud avec pour thèmes principaux l’accompagnement des entrepreneurs, en particulier des femmes, avec un angle issu de la psycho-sociologie.
Formée à la psychothérapie, et plus précisément à l’approche systémique Palo Alto, elle se passionne pour la psychologie : « L’approche de Palo Alto est née aux États-Unis dans les années 50. Elle est issue de la psychologie clinique, est liée au Mental Research Institute de Californie, et a été adaptée au monde de l’entreprise. Aujourd’hui, les leaders de la thérapie brève Palo Alto se trouvent en Europe ». Juliane Santoni a choisi cette approche pour l’adapter au monde de l’entrepreneuriat « parce que j’aime l’idée qu’il est important de laisser du temps au changement, dans un monde où le culte de la performance est très présent. Adapter cette approche pour aider les entrepreneur.e.s a été, pour moi, une évidence : le côté “bref” et “ici et maintenant” de la résolution du problème est très intéressant, travailler la souplesse de notre comportement me semble indispensable pour un.e entrepreneur.e qui navigue dans le changement et l’incertitude. Et la stratégie de faire de petits pas chaque jours, déconstruire ses objectifs en plus petites étapes à atteindre est très intéressante pour rester en mouvement ».
Cette approche permet de mieux comprendre les interactions sociales : « Plus qu’une méthode de résolution de problème, c’est une approche globale qui est devenue comme une boussole pour moi, une manière de voir le monde et les relations de façon globale, en interaction. Sa grille de lecture me permet de dénouer les blocages des personnes que j’accompagne, liés à leur rapport aux autres, à l’environnement dans lequel elles évoluent, et leur relation avec elles-mêmes. C’est un prisme puissant que je trouve passionnant et réjouissant, parce que plus une situation est emmêlée, plus il y a de chances que l’on soit prêt.e à amorcer un changement ».
Travailler notre « mindset », notre état d’esprit entrepreneurial
Au cours de ces années passées à accompagner les entrepreneur.e.s, Juliane Santoni fait le constat suivant : « Je me suis rendue compte, après ces années d’accompagnement et de rencontres avec des entrepreneurs, en France et à l’international, qu’ils et elles peuvent vivre des blocages techniques, opérationnels, et que les outils que nous mobilisons pour lever ces blocages sont efficaces quand l’envie et la vision sont là. Mais j’ai expérimenté que ce qui freine le plus les entrepreneur.e.s dans leurs projets, c’est souvent le mental, les blocages psychologiques. Cette dimension psychologique est parfois l’angle mort de l’accompagnement, alors qu’entreprendre c’est faire face à des montagnes russes opérationnelles et émotionnelles. »
Juliane s’est donc formée à l’approche de Palo Alto et a construit son propre programme d’accompagnement, pour outiller les entrepreneur.e.s de manière concrète, clarifier leur vision et travailler leur mindset, leur état d’esprit entrepreneurial. En effet, l’aventure entrepreneuriale suscite des émotions fortes qui ne sont pas évidentes à gérer.
D’une durée de trois mois, son programme accompagne les femmes et les hommes à entreprendre plus sereinement, en se concentrant sur l’individu. Elle co-construit une solution sur-mesure pour « dénouer le blocage (l’auto-censure ou la procrastination, par exemple) et remettre en mouvement l’entrepreneur.e ». Son programme se destine aux personnes ayant un projet de création et ne sachant pas comment démarrer, et aux entrepreneur.e.s déjà en activité mais qui se sentent « immobilisé.e.s », avec le besoin de « dézoomer et de construire une vision claire pour les prochaines étapes ». Ce programme leur permet aussi d’être plus « mobile » dans le changement : « Les doutes peuvent être là tous les jours, et chaque jour le choix est à faire : est-ce que la force de ma vision l’emporte ? L’idée n’est pas de cesser d’avoir peur, mais de ne pas se laisser paralyser et immobiliser, mais l’apprivoiser tout en continuant à l’avancer. Et voir ce que nous considérons comme des échecs plutôt comme des opportunités d’apprendre, et de nous améliorer ».
« Le premier pas pour se lancer dans l’entrepreneuriat n’est finalement pas le plus difficile, parce qu’il y a l’enthousiasme, l’énergie et l’excitation des débuts. Le plus dur, ce sont les pas d’après : faire chaque jour un pas vers son objectif et garder une certaine foi dans sa vision sur le long terme. L’envie peut flancher parfois, se faire accompagner – comme le ferait un sportif ou une sportive de haut niveau est une des clés ».
Etre femme et entrepreneure
Juliane Santoni connaît bien le sujet de l’entrepreneuriat des femmes, à travers ses recherches et ses actions d’accompagnement, elle possède une compréhension fine de leurs réalités : « Dans le monde, le nombre de créations d’entreprises créées par des femmes est en croissance, mais elles restent sous-représentées – notamment en France : il existe plus de points communs que de différences entre les hommes et les femmes entrepreneur.e.s. Mais elles peuvent expérimenter des obstacles plus spécifiques aux femmes, qui peuvent freiner leur démarche ».
Les femmes entrepreneures ne représentent pas un groupe homogène : « avec des collègues chercheuses du Québec, nous avons écrit sur le sujet des mythes liés à l’entrepreneuriat des femmes, l’un d’entre eux est de penser que les entrepreneur.e.s ont tous et toutes les mêmes besoins d’accompagnement, ce qui n’est pas le cas. Il est important d’adapter l’accompagnement et de le personnaliser en fonction des besoins de l’entrepreneur.e que l’on accompagne ».
Parmi ces freins communs aux femmes, Juliane évoque notamment :
- Une tendance à l’auto-censure et au syndrome de la bonne élève : « Souvent, elles attendent le business plan plus-que-parfait avant de se lancer, et les recherches montrent que la croyance en leurs propres compétences est moins forte dans les domaines traditionnellement “masculins” comme l’entrepreneuriat, mais aussi l’industrie, le digital, le monde du vin. Les femmes ont tendance à plus s’autocensurer. Ce manque de confiance est l’un des principaux freins psychologiques à la démarche entrepreneuriale. »
- Une norme sociale plutôt décourageante et un manque de rôles-modèles de femmes réussissant dans l’entrepreneuriat : « En France, la création d’entreprises n’a pas toujours été une voie présentée comme un choix possible, et les exemples d’entrepreneurs montrés comme “ayant réussi” sont souvent le même type d’exemples : plutôt des hommes, et plutôt des réussites flamboyantes. Cela entretient la croyance limitante qu’il n’y a qu’un seul modèle possible. Mais l’entrepreneuriat et la réussite n’ont pas de modèle unique, ni de profil standard idéal. Il est temps de montrer ces différentes facettes. »
- La conciliation des temps de vie, et le sujet de la maternité : « Beaucoup de femmes et d’entrepreneures que j’ai rencontrées et accompagnées considèrent la maternité comme très peu compatible avec la création d’entreprise, certaines anticipant et intériorisant ces “contraintes” avant même d’être mère. Occuper un poste à responsabilités en entreprise ne me semble pas très différent de ça par certains aspects. Ce sujet reste un sujet complexe avec de nombreux enjeux. Mais ce que l’entrepreneuriat peut permettre, c’est une forme de flexibilité dans la gestion de son temps ».
Pour Juliane Santoni, Il existe des leviers pour favoriser l’entrepreneuriat des femmes et lever certaines “fausses croyances”, telles que la sensibilisation qui peut permettre de désamorcer les craintes, l’accompagnement tout au long du processus de création et de développement de l’entreprise, et la mise en valeur de rôle-modèles. Pour elle, « prendre en exemple des parcours de femmes ayant réussi renforce l’envie d’entreprendre, et permet de rendre ce parcours possible, d’ouvrir la voie. L’exemplarité peut agir comme un puissant révélateur de potentiels ». Pour cela, il est important de regarder aussi des modèles « accessibles » de celles « avec un parcours et une réalité plus proches des nôtres, qui ont réalisé ce que l’on souhaite devenir ».
Juliane nous a parlé de deux de ses propres rôles-modèles : « Deux des femmes auprès desquelles j’ai eu la chance d’apprendre, d’évoluer et qui représentent pour moi l’alliance d’une intelligence incroyable et d’une grande force d’action et de vision. Deux femmes de caractère, qui symbolisent les étapes importantes de mon parcours et qui m’inspirent dans ce qu’elles sont et ce qu’elles font : Pr Isabelle Barth, Professeure des Universités, ancienne Directrice Générale et Directrice de la Recherche de plusieurs organismes de l’Enseignement Supérieur, auteure, conférencière, et mon ancienne directrice de thèse. Emmanuelle Piquet, Fondatrice et directrice des centres de thérapie brève À 180 Degrés, psychopraticienne, ancienne DRH, auteure, conférencière, et la formatrice-superviseure pour ma pratique d’accompagnement psychologique. J’ai beaucoup appris de leurs parcours et de leurs convictions – je les en remercie. »
Concernant ses projets 2021, « je suis très enthousiaste à l’idée de poursuivre le développement de mon programme et d’accompagner les entrepreneur.e.s dans leurs projets, en particulier les femmes, pour les aider à oser. » Juliane va poursuivre ses travaux de recherche, notamment les femmes entrepreneures dans le monde du vin et les études menées à la fois en France et en Afrique du Sud. Elle continuera également les cycles de conférences sur les thématiques : “Naviguer dans l’incertitude : comment garder le cap”, “Tout ce que vous avez voulu savoir sur les femmes entrepreneures”, “La stratégie des petits pas” et “Le syndrome de l’imposteur : décryptage”…
En ce début d’année, elle est Guest speaker dans différents Lives sur les réseaux sociaux à destination des entrepreneur.e.s ayant pour thème “Dénouer les blocages quand on est entrepreneur.e” ou encore “Comment gérer son entreprise et ses émotions ?“, et dans un podcast sur la culture américaine. Elle donnera également une conférence intitulée « Rester en mouvement dans l’incertitude » lors du BlendWebMix, le Shaker du numérique de Lyon et sa région. Elle partagera son expertise autour de comment garder le cap et aborder le changement, tout en traversant les montagnes russes opérationnelles et émotionnelles que l’entrepreneuriat implique, et quelles pistes pour rester en mouvement dans l’incertitude.
Dans le contexte actuel, Juliane Santoni nous rappelle que « chaque crise, chaque changement est une chance de se réinventer, de désapprendre pour réapprendre, même si c’est inconfortable. Comme le dit Simon Sinek « toute période de changement est un catalyseur d’opportunités. »
Celles qui Osent, ça vous dit d’oser entreprendre ?
Pour en savoir plus sur son programme d’accompagnement destiné aux femmes entrepreneures LIBRE | Women’s mentorship : https://www.julianesantoni.com/programme-femmes
Pour suivre Juliane sur les réseaux sociaux : https://www.facebook.com/julianesantonibusiness
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Violaine B — Celles qui Osent
En attendant notre prochain article, n'oubliez pas de suivre notre podcast sur ces Femmes qui Osent