Si j’évoque une double championne olympique, 6 fois championne du monde et 6 fois championne de France, à qui pensez-vous ? Et si je complète ma description en vous disant qu’elle a été ministre des Sports et a tracé sa vie à la pointe de son épée ? À moins d’éviter tout média, je suis certaine que vous avez trouvé. Je vous parle de Laura Flessel, la guerrière de l’escrime française. Véritable légende dans son sport, cette fine lame a toujours mené sa vie comme un combat. Mais connaissez-vous vraiment celle que l’on surnomme la guêpe ? Découvrez le parcours de cette femme d’exception.
Enfance d’une championne : du soleil de la Guadeloupe aux bancs de l’INSEP
Laura Flessel est née le 6 novembre 1971 à Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, au sein d’une famille aimante et attentionnée. Deuxième d’une fratrie de 4 enfants, elle partage les jeux remuants de ses frères cadets en vrai garçon manqué. Sa mère souhaite l’inscrire à un cours de danse en beau tutu rose. La petite Laura ne l’entend pas ainsi. Le jour où elle voit un combat de sabre à la télé, elle déclare « c’est ça que je veux faire ». Du haut de ses 6 ans, elle se présente elle-même au maître d’armes : « Bonjour, je suis Laura et je veux faire du sabre ». Elle fera bien de l’escrime, mais ce sera du fleuret, seule arme alors ouverte aux filles. Elle rentre du premier entraînement à la fois épuisée et enthousiasmée. Elle a trouvé son sport !
L’escrime devient vite une passion pour la petite fille. Elle met tellement de cœur à ses entraînements qu’on l’affuble du surnom de la guêpe, car elle est menue, rapide et très vive. Repérée, elle se voit proposer de s’entraîner en métropole. Laura a 14 ans, elle refuse. Elle ne se sent pas prête à quitter son cocon familial. Elle mène une vie heureuse, proche de la nature au sein d’une famille fusionnelle. C’est seulement le bac en poche qu’elle quitte son île tant aimée pour rentrer à l’INSEP. C’est le début d’une flamboyante carrière sportive.
Laura Flessel, guerrière de l’escrime française
Un mental d’acier
Pendant plus de deux décennies, Laura Flessel va se battre sur chaque compétition avec un mental d’acier. L’athlète se forge une réputation de guerrière et devient une championne au palmarès inégalé dans son sport.
À son arrivée en métropole, elle délaisse le fleuret pour l’épée. Cette arme autorise la touche sur tout le corps de l’adversaire. Elle est mieux adaptée à son tempérament explosif. Maniant l’épée en gauchère, elle conforte son surnom de la guêpe en déstabilisant ses adversaires par des attaques aux pieds. Elle devient championne de France en 1995, mais c’est aux jeux Olympiques d’Atlanta 96 que le grand public la découvre. L’épée féminine y est disputée pour la première fois. Elle triomphe en gagnant les deux médailles d’or en individuel et en équipe. C’est la gloire. Dès lors, elle ne cessera plus de monter sur les podiums.
« On me disait que j’étais dans ma bulle… J’étais là pour une compétition. J’étais celle qui ne disait rien, celle qui ne souriait pas et qui venait avant tout pour gagner. »
La guêpe, épéiste au palmarès inégalé
Laura enchaîne les succès et parfois les défaites. Toujours animée par la rage de vaincre, elle fait sienne la phrase de Nelson Mandela : « soit je gagne, soit j’apprends ». Son palmarès d’escrimeuse est inégalé à ce jour :
- Jeux Olympiques : 3 médailles en épée individuelle (dont l’or en 1996) et 2 médailles en épée par équipe.
- Championnats du monde : 6 médailles en épée individuelle (dont l’or en 1998 et 1999) et 7 médailles en épée par équipe (dont l’or en 1998, 2005, 2007 et 2008).
- Championnat d’Europe : 3 médailles en épée individuelle (dont l’or en 2007) et 3 médailles en épée par équipe.
- Coupe du monde d’escrime : 3 coupes remportées en 2002, 2003 et 2004.
- Championnat de France : 6 médailles d’or et 3 d’argent en épée individuelle et 9 médailles d’or en épée par équipe.
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Laura Flessel-Colovic, escrimeuse, femme et maman
Laura Flessel a 23 ans lorsqu’elle rencontre celui qui deviendra son mari et l’amour de sa vie, Denis Colovic. Journaliste sportif, il était venu pour l’interviewer. C’est le coup de foudre, ils ne se quitteront plus et forment encore aujourd’hui un couple fusionnel. Denis est le premier supporter de sa femme et son plus grand soutien à chaque compétition. En 2000, après les JO de Sydney, ils décident de devenir parents. Enceinte, elle n’en reste pas moins sportive de haut niveau et continue à s’entraîner assise. Elle devient maman d’une petite Leïlou le 21 juin 2001. Vaillante, elle retrouve le chemin de la salle d’armes 6 semaines après avoir accouché. La Fédération française d’Escrime lui offre une wild card pour les championnats du monde. Elle relève le défi et remporte la médaille d’argent, 4 mois seulement après avoir mis sa fille au monde. Quelques années auparavant, devenir mère signifiait l’arrêt d’une carrière d’athlète de haut niveau. Laura Flessel a prouvé qu’une maman pouvait redevenir compétitive et monter sur les podiums.
Porte-drapeau de la délégation française aux JO 2012 pour ses adieux à la compétition
Laura Flessel a alors 41 ans. Sa combativité, sa rage de vaincre et sa pugnacité lui ont permis de faire une carrière d’une longévité exceptionnelle. Néanmoins, elle sait que l’heure de la reconversion a sonné. Les jeux de Londres seront ses derniers. Désignée porte-drapeau, c’est de la plus éclatante des façons qu’elle dit adieu à l’escrime en défilant en tête de la délégation française. Elle ne remporte pas de médailles, mais c’est cette image de femme rayonnante, drapeau à la main, qui clôturera sa longue et légendaire carrière d’escrimeuse.
Reconversion d’une battante : des podiums olympiques au ministère des Sports
L’arrêt de la compétition marque pour Laura le début des combats associatifs. Après le temps des performances, vient le temps du partage. Elle décide de mettre son leadership au service d’ONG et d’associations. Elle devient leur ambassadrice et voyage dans le monde entier. Elle découvre ainsi les rouages et les fonctionnements de ces organisations. Elle crée un club d’escrime à Clichy dans un quartier populaire, puis s’attache à démocratiser et promouvoir son sport auprès des enfants des quartiers défavorisés. Marraine des Gay Games de 2018, elle s’implique auprès du Secours Populaire, de l’association ELA et de beaucoup d’autres. Elle est sur tous les fronts et acquiert une belle expérience de terrain. Parallèlement, elle fait quelques apparitions dans les médias et anime des chroniques.
Est-ce la richesse du parcours de cette icône du sport qui interpelle Emmanuel Macron ? Toujours est-il qu’en 2017, il lui propose le ministère de la Jeunesse et des Sports. Laura Flessel devient ministre. La petite Guadeloupéenne au tempérament de gagnante se sera hissée jusqu’au sommet pour faire partager sa vision du sport. Sous son mandat, la France est désignée pour accueillir les Jeux de 2024. Elle combat le harcèlement sexuel dans le sport, demande à ce que l’on chante la Marseillaise avant les compétitions et multiplie les déplacements sur le terrain. Mais, l’ancienne épéiste ne maîtrise pas les codes du microcosme politique professionnel et ses coups bas. Ce n’est pas son monde. Fidèle à ses valeurs, elle préfère démissionner.
Sport Excellence Reconversion : une école pour la reconversion des sportifs de haut niveau
Laura Flessel s’est lancé un nouveau défi : ouvrir une école dédiée à la reconversion des sportifs de haut niveau. Leur changement de vie est souvent difficile et vécu comme un deuil. De nombreux athlètes possèdent beaucoup de médailles mais peu de diplômes. Pourtant, ils intéressent les entreprises conscientes de leur potentiel exceptionnel. L’ancienne ministre a choisi de mettre sa connaissance de ces deux mondes au service de la reconversion des champions. L’école qu’elle a cofondée, baptisée Sport Excellence Reconversion, les aide à faire le point sur leurs compétences acquises et transférables, puis les forme. L’objectif est de leur permettre une intégration rapide dans l’entreprise et leur épanouissement dans leur nouvelle activité. À travers ce nouveau challenge, Laura Flessel tend la main à sa famille du sport et confirme sa réputation de femme à l’écoute des siens.
Laura Flessel fait partie des légendes vivantes du sport français. Épéiste au palmarès incroyable, femme politique, sa capacité à affronter la vie comme une guerrière font d’elle un exemple au-delà du monde de l’escrime. Aujourd’hui, alors qu’elle n’a plus rien à prouver, elle s’est fixé un nouveau challenge : faciliter la reconversion des champions. Fidèle à elle-même, la guêpe s’est trouvé une nouvelle bataille à mener.
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Catherine Abrial pour Celles qui Osent..
Sources :
– Laura Flessel, de l’épée au ministère, une ascension fulgurante de Claude Moreau aux éditions Favre.
– Thé ou Café – Intégrale du 19/11/2017 sur Youtube – Laura Flessel
– equipedefrance.com : athlète Laura Flessel
– Made in Marseille 22/03/2022: Laura Flessel déploie son école de reconversion des champions à Marseille –
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