Mirra Alfassa | Fondatrice d’Auroville, cité utopique

Auroville est l’une des rares cités expérimentales fonctionnelles toujours en activité. Situé en Inde, au sud du pays, près de Pondichéry, le village a été fondé en 1968 par Mirra Alfassa, plus connue sous le nom de « La mère ». Son objectif ? Être « le lieu d’une vie communautaire universelle, où hommes et femmes apprendraient à vivre en paix, dans une parfaite harmonie, au-delà de toutes croyances, opinions politiques et nationalités ». Celles qui Osent revient, le temps d’un article, sur l’histoire de Mirra Alfassa, fondatrice d’Auroville, cité utopique.

Mirra Alfassa, fondatrice d’Auroville

Mirra Alfassa naît en 1878 à Paris, au sein d’une famille juive et bourgeoise, d’une mère égyptienne et d’un père turc ayant tout deux émigrés en France. Elle apprend le français, se passionne pour la littérature et les arts. Dès l’enfance, cette dernière expérimente le sacré, l’invisible et la spiritualité. Mirra se marie une première fois à 19 ans avec un artiste-peintre, disciple de Gustave Moreau, avec lequel elle aura un fils, puis divorce en 1908. Au début du XXe siècle, elle se rend en Algérie  où elle fait la connaissance de Max Théon, personnage énigmatique, adepte des « sciences occultes », dont elle suivra les enseignements.

Mirra Alfassa se remarie ensuite avec Paul Richard, un fonctionnaire ayant des affaires à gérer Pondichéry. Dans ce comptoir colonial français, en 1915, Mirra fait alors la connaissance de Sri Aurobindo, philosophe indien, partisan de l’indépendance, journaliste, et fermement opposé à la colonisation britannique (qu’il a dénoncé dans de nombreux articles de presse qui lui ont valu d’être emprisonné). Quand il a été libéré, Sri Aurobindo a décidé d’abandonner son engagement politique pour se dédier entièrement à la spiritualité, à Pondichéry. Après une année en France et quatre années passées au Japon aux côtés de son mari, en 1920, Mirra Alfassa décide de s’installer auprès du philosophe indien Sri Aurobindo, comme sa compagne spirituelle. Quelques mois plus tard, son mari la quitte.

De l’ashram à la cité utopique Auroville

Mirra Alfassa, rapidement surnommée « la mère » par les amis et admirateurs de Sri Aurobindo, fonde, en 1926, avec lui, un ashram.

En Inde, les ashrams sont des centres spirituels au sein desquels évoluent un guru et plusieurs disciples. La philosophie de Sri Aurobindo est influencée à la fois par les classiques de la pensée indienne, mais aussi par les concepts occidentaux. Alors que dans l’hindouisme et le bouddhisme, la réincarnation et l’accès au nirvana prennent une place importante, Sri Aurobindo pense que l’éthique et le Bien sont accessibles depuis une vie humaine, sur terre. Il plaide en faveur d’une évolution vers une nouvelle conscience.

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Aujourd’hui, une dizaine d’ashrams appliquant la philosophie de Sri Aurobindo existent en Inde, et comptent quelque 1500 membres.

Or, cet engouement relève plus de l’exploit de Mirra Alfassa que de celui de Sri Aurobindo. En effet, dès la fondation du premier centre, le philosophe s’est retiré de la vie publique et a confié à sa compagne et disciple la gestion de l’endroit. À la mort du guru, en 1950, c’est elle qui a pris la tête des différents ashrams, qu’elle a organisé et développé. En 1954, Mirra Alfassa émet pour la première fois l’idée d’une ville utopique, « Auroville », cité de l’aurore, cité de Sri Aurobindo, qu’elle définit en ces termes :

« Il devrait y avoir quelque part sur Terre un lieu qu’aucune nation ne pourrait revendiquer comme étant sienne, où tous les êtres humains de bonne volonté mus par une aspiration sincère pourraient vivre librement en citoyens du monde et obéir à une seule autorité, celle de la Vérité. »

Auroville : échec ou réussite ?

L’UNESCO approuve le projet en 1966, et Auroville est inaugurée deux ans plus tard. Au centre de la cité se trouve le Matrimandir, « maison de la mère », centre culturel et méditatif. Conçue par l’architecte Roger Anger pour accueillir 50 000 habitants, la ville en abrite aujourd’hui plus de 2 000 résidents et sa construction n’est pas tout à fait achevée. Au sein de cette cité expérimentale vit une population internationale de plus de 50 nationalités. Quant à l’acquisition du statut d’aurovillien, il est nécessaire pour l’obtenir de vivre au sein de la cité pendant un an. Mais à Auroville, la propriété privée n’existe pas. Dans sa charte, il est mentionné : « Auroville n’appartient à personne en particulier. Elle appartient à toute l’Humanité. Mais pour y séjourner, il faut être le serviteur volontaire de la Conscience Divine. »

La cité est composée de quatre zones :

  • la zone industrielle, où sont situés les centres de formation, l’administration et les industries vertes ;
  • la zone résidentielle ;
  • la zone internationale, destinée à accueillir les pavillons culturels, regroupés par continents ;
  • la zone culturelle, où se déroulent les activités artistiques et sportives

Auroville a fêté ses 50 ans en 2018, l’occasion de dresser un bilan de projet : était-ce un échec ou une réussite ? Certains considèrent que l’écart démographique entre les attentes de Mirra Alfassa et la réalité constitue une preuve que l’expérimentation n’a pas vraiment fonctionné. Pourtant, Auroville demeure toujours « une ville en processus », étendue sur 20 km2. La cité et ses habitants ont effectué des innovations significatives en termes d’agriculture biologique et d’énergies renouvelables. Aussi, l’Inde, au début des années 1980, lui a accordé un statut spécifique lui garantissant son autonomie, fait unique dans le pays.

Mirra Alfassa meurt le à Pondichéry. Elle laisse derrière elle une bibliographie importante, notamment son journal Prières et méditations, les Entretiens et les treize tomes de L’Agenda de Mère. 

Plus de cinquante-cinq ans après sa fondation et la mort de sa créatrice, la cité expérimentale Auroville continue d’exister, comme le souhaitait Mirra Alfassa.

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Victoria Lavelle pour Celles qui Osent

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